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faut alors être ici demain de bon matin.

      – J’y serai, monsieur, à l’heure qu’il vous plaira.

      – Vos explorations terminées, nous nous rendrons ensemble à Corbeil, chez monsieur le juge d’instruction.

      – Je suis aux ordres de monsieur le juge de paix.

      Le silence recommença.

      Le père Plantat se sentait deviné et il ne comprenait rien au singulier caprice de l’agent de la Sûreté qui, si prompt quelques heures plus tôt, se taisait maintenant.

      M. Lecoq, lui, ravi de taquiner un peu le juge de paix, se proposait de l’étonner prodigieusement le lendemain en lui présentant un rapport qui serait le fidèle exposé de toutes ses idées. En attendant, il avait tiré sa bonbonnière et confiait mille choses au portrait.

      – Puisqu’il en est ainsi, fit le docteur, il ne nous reste plus, ce me semble, qu’à nous retirer.

      – J’allais demander la permission de le faire, dit M. Lecoq; je suis à jeun depuis ce matin.

      Le père Plantat prit un grand parti:

      – Regagnez-vous Paris ce soir, M. Lecoq? demanda-t-il brusquement.

      – Non, monsieur, je suis arrivé ici ce matin avec l’intention d’y coucher. J’ai même apporté mon sac de nuit, qu’avant de venir au château j’ai déposé à cette petite auberge qui est au bord de la route et qui a un grenadier peint sur sa devanture. C’est là que je me propose de souper et de coucher.

      – Vous serez fort mal au Grenadier fidèle, fit le vieux juge de paix, vous ferez acte de prudence en venant dîner avec moi.

      – Monsieur le juge de paix est vraiment trop bon…

      – De plus, comme nous avons à causer et peut-être, longuement, je vous offre une chambre; nous allons prendre votre sac de nuit en passant.

      M. Lecoq s’inclina, la bouche en cœur, à la fois flatté et reconnaissant de l’invitation.

      – Et vous aussi, docteur, continua le père Plantat, bon gré mal gré je vous enlève. Ah! ne dites pas non. Si vous tenez absolument à rentrer à Corbeil ce soir, nous vous reconduirons après souper.

      Restaient les scellés à poser.

      L’opération fut promptement terminée. Des bandes étroites de parchemin, retenues par de larges cachets de cire, aux armes de la justice de paix, furent placées à toutes les portes du premier étage, à la porte de la chambre à la hache, et aussi aux battants d’une armoire où toutes les pièces de conviction, recueillies par l’enquête et minutieusement décrites dans les procès-verbaux, avaient été déposées.

      IX

      Malgré toute la hâte imaginable, il n’était pas loin de dix heures quand le père Plantat et les invités purent enfin quitter le château de Valfeuillu.

      Au lieu de prendre le chemin du matin, ils s’engagèrent dans un petit sentier en pente qui, longeant les propriétés de Mme de Lanascol, conduit en diagonale au pont de fil de fer.

      C’était le plus court pour gagner l’auberge où M. Lecoq avait déposé son léger bagage.

      Tout en marchant, le vieux juge de paix, un peu distrait des préoccupations de l’enquête, s’inquiétait de M. Courtois, son ami.

      – Quel malheur a pu le frapper? disait-il au docteur Gendron. Grâce à la niaiserie méchante de l’affreux drôle qui le sert, nous n’avons rien su absolument. Et c’est au reçu de la lettre de sa fille aînée, Mlle Laurence, qu’on l’a envoyé chercher!

      On était arrivé devant le Grenadier.

      Sur la porte de l’auberge, le dos appuyé contre les montants, les jambes croisées, un grand gaillard taillé en hercule, haut en couleur, fumait une longue pipe de terre, tout en causant avec un homme de peine du chemin de fer, venu d’Évry tout exprès pour savoir. C’était l’aubergiste.

      Dès qu’il aperçut le père Plantat:

      – Eh! bien, monsieur le juge de paix, s’écria-t-il, voilà un malheur! Entrez, entrez, il y a dans la salle plusieurs personnes qui ont vu les assassins. Quel gredin que ce La Ripaille! Et ce Guespin, donc! Ah! je ferai volontiers le voyage de Corbeil le matin où on dressera leur échafaud.

      – Un peu de charité, maître Lenfant, vous oubliez trop vite que Guespin et La Ripaille étaient de vos meilleures pratiques.

      Maître Lenfant resta quelque peu interdit de la réplique, mais son impudence reprit vite le dessus.

      – Belles pratiques! répondit-il, ce filou de Guespin m’emporte trente-huit francs que je ne reverrai jamais.

      – Qui sait!.. fit ironiquement le juge de paix, et d’ailleurs, ce soir, vous allez gagner plus que cette somme, vous avez autant de monde qu’à la fête d’Orcival…

      Pendant cette courte conversation, M. Lecoq était entré dans l’auberge pour reprendre son sac de nuit.

      Sa qualité n’étant plus un secret pour personne, il ne reçut pas l’aimable accueil du matin, alors qu’on le prenait pour un bonnetier retiré.

      C’est à peine si Mme Lenfant, une maîtresse femme qui n’a pas besoin de son mari pour fourrer les ivrognes qui n’ont plus d’argent à la porte, daigna lui répondre. Quand il demanda combien il devait, elle eut un geste de mépris en disant: «Rien.»

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