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faux! Portez faux! Présentez faux! dit tout bas Ruben à l'oreille de Sir Gervas.

      Et tous deux éclatèrent de rire sans se préoccuper des froncements de sourcils de Saxon voûté.

      – Partageons-les, dit-il, en trois compagnies de quatre-vingts hommes.

      – Non, un instant… Combien avez-vous d'hommes armés de mousquets? Cinquante-cinq. Qu'ils sortent des rangs! Ils formeront la première ligne ou compagnie. Sir Gervas Jérôme, vous avez sans doute commandé la milice de votre comté, et vous savez quelque chose sur l'exercice à feu. Si je suis le chef de cette troupe, je vous nomme capitaine de cette compagnie. Elle formera la première dans la bataille, et c'est une position qui ne vous déplaira pas, je le sais.

      – Pardieu, il faudra qu'ils se poudrent la tête, dit Sir Gervas d'un ton décidé.

      – Vous aurez à pourvoir à tout leur arrangement, répondit Saxon. Que la première compagnie s'avance de six pas sur le pont! C'est cela!.. Maintenant que les hommes armés de piques se présentent! Quatre-vingt sept! une compagnie bonne pour le service. Lockarby, chargez-vous de ces hommes, et n'oubliez pas ceci: les guerres d'Allemagne l'ont démontré. La meilleure cavalerie est aussi impuissante contre des piquiers bien fermes que les vagues contre un rocher. Vous serez le capitaine de la seconde compagnie. Allez vous placer à sa tête.

      – Par ma foi, s'ils ne savent pas mieux se battre que leur capitaine ne sait se tenir à cheval, dit à demi-voix Ruben, ce sera une fâcheuse affaire. J'espère qu'ils seront plus solides sur le champ de bataille que je ne le suis en selle.

      – Quant à la troisième compagnie des hommes armés de faux, je la confie à vos soins, capitaine Micah Clarke, reprit Saxon. Le bon Maître Josué Pettigrue sera notre aumônier militaire. Sa voix et sa présence ne seront-elles pas pour nous comme la manne dans le désert, comme des sources d'eau dans les lieux arides. Quant aux sous-officiers, je vois que vous les avez déjà choisis. Vos capitaines auront le droit d'ajouter à ce nombre, ceux qui frappent avec sang-froid et ne font pas de quartier. Maintenant j'ai encore une chose à vous dire. Je parle de façon à ce que tout le monde m'entende, et que dans la suite personne ne se plaigne de ce qu'on ne lui a pas fait connaître clairement les règles de son service. Ainsi donc, je vous avertis que quand le clairon sonnera l'appel du soir, qu'on aura déposé le casque et la pique, je suis comme vous, et vous comme moi, les uns et les autres, des ouvriers dans le même champ, et nous buvons aux mêmes sources de vie. Ainsi donc je prierai avec vous, je prêcherai avec vous, je vous donnerai des éclaircissements, je ferai tout ce qui peut convenir à un frère de pèlerinage sur la route fatigante. Mais écoutez bien, amis, quand nous sommes sous les armes, et qu'il y a de bonne besogne à faire, en marche, ou sur le champ de bataille, ou à la revue, que votre tenue soit régulière, militaire, scrupuleuse. Soyez vifs à entendre, alertes à obéir, car je ne veux pas de flemmards, ni de traînards, et s'il s'en trouvait, je leur ferais sentir le poids de ma main. Oui, j'irai même jusqu'à les supprimer. Je vous le déclare, il n'y aura point de pitié pour des gens de cette sorte.

      Sur ces mots il s'arrêta, promena ses regards sur sa troupe d'un air sévère, ses paupières très baissées sur ses yeux brillants et mobiles.

      – Si donc, reprit-il, un homme se trouvait parmi vous qui redoute de se soumettre à une discipline rigoureuse, qu'il sorte des rangs, et qu'il se mette en quête d'un chef plus indulgent car je vous le dis, tant que je commanderai ce corps, le régiment d'infanterie de Wiltshire, qui a pour chef Saxon, sera digne de faire ses preuves en cette cause sainte et si propre à élever les âmes.

      Le colonel se tut et resta immobile sur sa jument.

      Les paysans, formés en longue ligne levèrent les yeux, les uns d'un air balourd, les autres d'un air d'admiration, certains avec une expression de crainte devant ses traits sévères, osseux, et son regard plein de menaces.

      Mais personne ne bougea.

      Il reprit:

      – L'honorable Maître Timewell, Maire de cette belle ville de Taunton, laquelle a été une tour de force pour les fidèles pendant ces longues années pleines d'épreuves pour l'esprit, se dispose à nous passer en revue, quand les autres corps se seront réunis. Ainsi donc, capitaines, à vos commandements… Là, les mousquetaires! Formez les rangs, avec trois pas d'intervalle entre chaque ligne. Faucheurs, prenez place sur la gauche; que les sous-officiers se postent sur les flancs et en arrière. Comme cela! Voilà qui est bien manœuvré pour un premier essai, quoiqu'un bon adjudant avec sa trique, à la façon impériale, puisse trouver encore ici pas mal de besogne.

      Pendant que nous étions occupés ainsi à nous organiser d'une manière rapide et sérieuse un régiment, d'autres corps de paysans, plus ou moins disciplinés, s'étaient rendus sur la Place du Marché et y avaient pris position.

      Ceux de notre droite étaient venus de Frome et de Radstock, dans le nord du comté de Somerset.

      C'était une simple cohue dont les armes consistaient en fléaux, maillets, et autres outils de ce genre, et sans autres signes de ralliement que des branches vertes fixées dans les rubans de leurs chapeaux.

      Le corps, qui se trouvait à notre gauche, portait un drapeau indiquant qu'il se composait d'hommes du comté de Dorset.

      Ils étaient moins nombreux, mais mieux équipés, car leur premier rang tout entier était comme le nôtre, armé de mousquets.

      Pendant ce temps, les bons bourgeois de Taunton, leurs femmes et leurs filles, s'étaient groupés sur les balcons et aux fenêtres qui avaient vue sur la place du Marché, et d'où ils pouvaient assister au défilé.

      Ces graves bourgeois, aux barbes taillées en carré, aux vêtements de drap, avec leurs imposantes moitiés en velours et taffetas à triple poil, regardaient du haut de leurs observatoires, tandis que çà et là s'entrevoyait sous la coiffe puritaine une jolie figure timide et très propre à confirmer la renommée de Taunton, ville aussi célèbre par la beauté de ses femmes que pour les prouesses de ses hommes.

      Les côtés de la place étaient occupés par la masse compacte des gens du peuple, vieux tisseurs de laine à la barbe blanche, matrones aux faces revêches, villageoises avec leurs châles posés sur la tête, essaims d'enfants, qui de leurs voix aiguës acclamaient le Roi Monmouth et la succession protestante.

      – Sur ma foi, dit Sir Gervas, en faisant reculer son cheval jusqu'à ce qu'il se trouvât sur la même ligne que moi, nos amis aux bottes carrées ne devraient pas être si pressés d'aller au ciel, alors qu'ils ont parmi eux, sur terre, des anges en si grand nombre. Par le Corps Dieu! ne sont-elles pas belles! Et à elles toutes, elles n'ont pas une mouche, pas un diamant, et pourtant que ne donneraient pas vos belles fanées du Mail ou de la Piazza pour avoir leur innocence et leur fraîcheur?

      – Je vous en prie, au nom du ciel, ne leur envoyez pas de ces sourires et de ces saluts, dis-je. Ces politesses sont de mise à Londres, mais elles seraient entendues de travers parmi ces simples villageoises au Somerset et leurs parents, gens à la tête chaude, et qui frappent dur.

      J'avais à peine dit ces mots que la porte à deux vantaux de l'Hôtel de Ville s'ouvrit, et que le cortège des pères de la cité apparut sur la place du marché.

      Deux trompettes en justaucorps ini-parti les précédaient, en sonnant une fanfare sur leurs instruments.

      Derrière eux venaient les aldermen et les conseillers, graves et vénérables vieillards, drapés dans des robes de soie noire à traîne, aux collets et aux bords formés de coûteuses fourrures.

      Après eux s'avançait un petit homme rougeaud, bedonnant, qui tenait à la main la verge, insigne de son office.

      C'était le secrétaire de la ville.

      Le défilé des dignitaires se terminait par la haute et imposante personne de Stephen Timewell, Maire de Taunton.

      Il y avait dans l'extérieur de ce magistrat bien des choses faites pour attirer l'attention, car tous les traits qui caractérisaient le parti puritain, auquel il appartenait, se personnifiaient et s'exagéraient en lui.

      Il était d'une taille très

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