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1er septembre 1680.)

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On a vu, à la fin du second volume, le récit de la mort de mademoiselle de Fontange. Nous devons le compléter ici par cette lettre, où Louis XIV, craignant peut-être de trouver les preuves d'un empoisonnement, écrit au duc de Noailles de ne laisser ouvrir le corps que si on ne pouvoit absolument l'empêcher. Voici cette lettre, publiée par la Société de l'histoire de France, Bulletin, nov. 1852:

Ce samedy à dix heures.– «Quoyque j'atandisse il y a longtemps la nouvelle que vous m'avés mendée, elle n'a pas laissé de me surprendre et de me fascher. Je voy par vostre lettre que vous avés donné tous les ordres nécessaires pour faire exécuter ce que je vous ay ordonné. Vous n'avés qu'à continuer ce que vous avés commencé. Demeurés tant que vostre présence sera nécessaire, et venés ensuitte me rendre compte de touttes choses. Vous ne me dittes rien du père Bourdaloue. Sur ce que l'on désire de faire ouvrir le corps, si on le peut esvister, je croy que c'est le meilleur party. Faites un compliment de ma part aux frères et aux sœurs, et les assurés que dans les occasions ils me trouveront toujours disposé à leur donner des marques de ma protection.

«Louis.»

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Deux éditions de ce pamphlet ont paru: l'une reproduite par l'édition de 1754 et les éditions modernes, l'autre par l'édition de 1740. Toutes deux sont également fausses, et, à ce titre, la plus courte nous a paru la meilleure. Toutefois, nous reproduisons en note les passages de la première supprimés dans la seconde.

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Var. I.

AU LECTEUR

L'amour et la fortune ont des effets si bizarres et si surprenants que l'esprit de l'homme, qui s'accoutume à penser à toutes choses, n'y sauroit penser sans étonnement. On n'y voit pas seulement les plus viles et les plus abjectes créatures élevées jusques au faîte de la gloire et de la grandeur, mais encore les plus hautes et les plus agréables renversées par le caprice de ces brutales passions et de ces chimériques effets de l'imagination que les hommes encensent comme des divinités; et la nature n'a jamais tant eu de diversités dans ses productions que l'amour et la fortune en ont dans leurs adorateurs et dans leurs esclaves. L'histoire que nous entreprenons d'écrire nous marquera cette vérité. Madame de Maintenon en sera l'héroïne. Elle en est aussi la preuve la plus surprenante et la plus agréable, comme la suite le pourra faire voir; heureuse elle-même, si dans la vie on peut réputer pour bonheur la prospérité dont elle jouit. Au reste, je veux bien avertir le lecteur que, quoique diverses personnes aient écrit sur de semblables matières et n'aient fait que de purs romans, au moins ce que j'écris est une vérité essentielle, car les Mémoires d'où ceci est tiré sont sortis de la cassette de madame de Maintenon. Ils sont en partie écrits de sa propre main, et nous les avons recouvrés d'une demoiselle qui l'a servie pendant un assez long temps. C'est donc d'elle que nous tenons ce que nous allons vous exposer. Je souhaite qu'il vous satisfasse autant qu'il m'a satisfait dans la peine que j'ai prise à rassembler les Mémoires que je vous donne; et s'il y a quelque chose de ridicule, n'en accusez que les originaux, et non la copie. Adieu.

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L'auteur de cette préface a voulu faire son texte meilleur qu'il n'est. A quelques suppressions près, les deux textes sont, en général, également erronés.

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Le libraire calomnie l'édition rivale pour assurer le débit de la sienne. Ni dans l'une ni dans l'autre on ne trouve un style ordurier.

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Var. II. La première édition a fait précéder ce début du passage qui suit:

«On a dit depuis longtemps, et l'expérience de tous les jours le confirme, qu'en matière d'amour les apprentis en savent plus que les maîtres. C'est pour cela peut-être que les poëtes le représentent toujours comme un enfant et jamais comme un vieillard. On peut dire que ses coups d'essai sont toujours des coups de maître, et des coups même qui surpassent tous les autres qu'il peut faire dans la suite. J'en prends à témoin tous ceux qui sont entrés la première fois dans la cité d'amour, et même tous nos jeunes mariés. C'est ordinairement la première nuit des noces qu'ils se montrent de vaillants champions, après quoi ils vont toujours en empirant. Enfin, il en est de l'amour tout le contraire des autres choses: le forgeron, dit-on, se fait en forgeant; un avocat doit avoir plaidé plusieurs fois ayant que de se rendre habile dans sa profession; un médecin ne devient expert qu'après avoir fait l'essai de ses remèdes sur le corps d'un grand nombre de malades qu'il a envoyés en l'autre monde; et le métier pénible de la guerre ne se peut apprendre qu'après une longue suite de campagnes. Il en est de même de toutes les autres choses, à la réserve des mystères d'amour: ceux qui y sont initiés savent qu'on préfère toujours un novice à un vieux routier. Mais il faut excepter Louis-le-Grand de cette règle générale. Ce prince, qui depuis l'âge de quinze ans a fait de l'amour ses plus chères délices, y trouve tous les jours de nouveaux raffinements, et fait goûter à ses dernières maîtresses des douceurs qui avoient été inconnues à toutes les autres. Madame de Maintenon, qui est celle qui va faire le sujet de cette histoire, et qui occupe aujourd'hui la place que les La Vallière, les Montespan et les Fontange avoient si dignement remplie, pourroit nous en dire des nouvelles. Aussi l'on dit que la première fois que le Roi la vit pour lui offrir son cœur, il s'y prit d'une manière qui surprit agréablement cette dame, et qui confirme la vérité de ce que je viens d'annoncer à la gloire de ce monarque. Comme il savoit que la Maintenon avoit elle seule autant d'esprit que toutes les femmes ensemble, et un goût exquis sur toutes choses qui la met au-dessus des esprits du premier ordre, il crut qu'il devoit rappeler tous ses feux et tout ce qu'une longue expérience lui avoit appris en amour, pour en faire un sacrifice à sa nouvelle maîtresse, et lui fit la déclaration suivante:

Iris, je vous présente un cœurQui connoît de l'amour et le fin et le tendre,Et qui s'est souvent laissé prendre,Dans l'unique dessein d'apprendreEt de vous faire plus d'honneur.Pour savoir de l'amour les tours et les souplesses,Les raffinements, les tendresses,Il en a senti tous les coups.Il a fait dans cet art un long apprentissage,Pour être plus savant, plus discret et plus sage,En un mot, plus digne de vous.Il veut, à présent qu'il est maître,Aimer le seul objet qui mérite de l'être.Iris, ne le refusez pas:Vous pouvez l'accepter sans honte,Puisqu'en amour il n'a point fait de pasQue vous ne puissiez bien mettre sur votre compte.

Mais avant que de venir à l'histoire de leurs amours, il faut prendre les choses dans leur source et parler premièrement de la naissance de madame de Maintenon, de son éducation et de ses premières aventures, qui l'ont conduite, comme par degrés, à ce rang éminent qu'elle tient aujourd'hui à la Cour de France.

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Var. III: Madame de Maintenon s'appelle Françoise d'Aubigné; elle est demoiselle, et M. d'Aubigné, son grand-père, étoit homme de mérite et de considération. Il étoit de la religion protestante, et son corps est enterré dans l'église de Saint-Pierre à Genève. Le père de notre héroïne étoit fils de cet illustre d'Aubigné. Dans sa jeunesse il eut le malheur de tomber entre les mains de la justice, et il en auroit éprouvé les rigueurs si la fille du concierge, touchée de son mérite et de son malheur, ne se fût déterminée à lui procurer la liberté. Cette fille étoit fort aimable et fort généreuse. M. d'Aubigné, qui connoissoit son bon cœur et le besoin qu'il avoit de la ménager, prenoit grand soin de lui plaire; et quand il crut pouvoir compter sur sa tendresse, il lui offrit une vie qu'il ne pouvoit conserver que par son moyen, et lui jura que c'étoit l'espérance de la passer avec elle qui la lui faisoit souhaiter. La belle, attendrie par un discours si obligeant, s'assura par des serments de la parole qu'il venoit de lui donner, et lui promit de le faire sortir de prison, d'en sortir avec lui et de le suivre partout, pourvu qu'à la première occasion il l'épousât en bonne forme. Etant ainsi convenus de leurs faits, ils ne songèrent plus qu'à leur liberté. M. d'Aubigné s'en remit aux soins de sa maîtresse, qui prit des mesures si justes que peu de jours après elle l'avertit de se tenir prêt pour la nuit suivante. Elle en avoit choisi un fort obscur pour favoriser son dessein; et, après avoir fait passer son amant à tâtons par des lieux ou l'amour lui servit de guide, enfin elle le mena dans une rue où ils trouvèrent des chevaux et un homme de confiance qui les conduisit, avec toute la diligence possible, en un lieu de sûreté. Là M. d'Aubigné, qui avoit les sentiments d'un homme de bien, s'acquitta

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