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me dire qu'ils aiment Spontini, et celui-ci rechercher de pareils suffrages!.. Il est très malheureux; le non-succès de son dernier ouvrage le tue.

      Je fais des mélodies irlandaises de Moore, que Gounet me traduit; j'en ai fait une, il y a quelques jours, dont je suis ravi. Ces jours-ci, on va présenter un opéra pour moi à Feydeau, j'en suis fort content; puisse-t-il être reçu!

      Vous me promettez toujours quelque chose et vous ne faites rien; cependant nous touchons à une révolution théâtrale qui nous serait favorable, songez-y! La Porte-Saint-Martin est ruinée, les Nouveautés de même; et les directeurs de ces deux théâtres tendent les bras à la musique; il est vraisemblable que le ministère va donner l'autorisation d'un théâtre d'opéra nouveau; je vous le dis parce que je le sais.

      Adieu.

      XVIII

3 octobre 1829.

      Mon cher Ferrand,

      Je vous écris deux mots à la hâte. Les hostilités ont recommencé. Je donne un concert le 1er novembre prochain, jour de la Toussaint.

      J'ai déjà obtenu la salle des Menus-Plaisirs; Chérubini, au lieu de me contrarier cette fois-ci, est indisposé. Je donnerai deux grandes ouvertures: le Concert des Sylphes, le Grand Air de Conrad (auquel j'ai ajouté un récitatif obligé et dont j'ai retouché l'instrumentation).

      C'est madame J. Dabadie qui m'a promis hier de me le chanter.

      Hiller me joue un concerto de piano de Beethoven, qui n'a jamais été exécuté à Paris; sublime! immense!

      Mademoiselle Heinefetter, dont les journaux ont dû vous apprendre le succès au théâtre Italien, me chantera la scène du Freyschütz en allemand; du moins, elle ne demande pas mieux; il ne manque plus que l'autorisation de M. Laurent, le directeur.

      Habeneck conduit mon orchestre, lequel, vous pouvez le croire, sera fulminant.

      Sera-t-il dit que vous ne m'entendrez jamais? Venez donc à Paris, ne fût-ce que pour huit jours.

      Je n'ai pas pu aller à la Côte. J'ai tant à courir, à copier, que je vous quitte déjà; mais écrivez-moi le plus tôt possible, je vous en prie. Apprenez-moi surtout que vous trouverez quelque prétexte auprès de votre père pour venir passer la Toussaint ici.

      Adieu.

      Meyerbeer vient d'arriver de Vienne; le lendemain de son retour, il m'a fait complimenter par Schlesinger, sur Faust.

      Un journal musical m'a fait un article de trois colonnes. Si je puis m'en procurer encore un exemplaire, je vous l'enverrai.

      Farewell, we may meet again, I trust, come, come then; 'tis not so long.

      XIX

Vendredi soir, 30 octobre 1829.

      Ferrand, Ferrand, ô mon ami! où êtes-vous? Nous avons fait la première répétition ce matin. Quarante-deux violons, total cent dix musiciens! Je vous écris chez le restaurateur Lemardelay en attendant mon dessert. Rien, je vous jure, rien n'est si terriblement affreux que mon ouverture des Francs Juges. O Ferrand, mon cher ami, vous me comprendriez; où êtes-vous? C'est un hymne au désespoir, mais le désespoir le plus désespérant qu'on puisse imaginer, horrible et tendre. Habeneck, qui conduit mon immense orchestre, en est tout effrayé. Ils n'ont jamais rien vu de si difficile; mais aussi il paraît qu'ils trouvent que ce n'est pas mal, car ils me sont tombés dessus après la fin de l'ouverture, non seulement avec des applaudissements forcenés, mais avec des cris presque aussi effrayants que ceux de mon orchestre. O Ferrand, Ferrand, pourquoi n'êtes-vous pas ici?

      Je vais à l'Opéra tout à l'heure chercher l'harmonica; on m'en a apporté un ce matin qui est trop bas, et nous n'avons pu nous en servir. Le sextuor de Faust va à ravir, mes sylphes sont enchantés. L'ouverture de Waverley ne va pas encore bien; demain, nous la répéterons encore, et définitivement elle ira. Et le Jugement dernier, comme vous le connaissez, plus un récitatif accompagné par quatre paires de timbales en harmonie. O Ferrand! Ferrand! cent vingt lieues!

      …Hier, j'étais malade à ne pouvoir marcher; aujourd'hui, le feu de l'enfer qui a dicté les Francs Juges m'a rendu une force incroyable; il faut que je coure encore ce soir tout Paris. Le concerto de Beethoven est une conception prodigieuse, étonnante, sublime! Je ne sais comment exprimer mon admiration.

      Oh! les sylphes!..

      Je me suis fait un solo de grosse caisse pianissimo dans les Francs Juges.

      Intonuere cavæ gemitumque dedere cavernæ.

      Enfin, c'est affreux! tout ce que mon cœur peut contenir de rage et de tendresse est dans cette ouverture.

      O Ferrand!

      XX

Paris, 6 novembre 1829.

      Mon cher Ferrand,

      J'aurais dû plus tôt vous rendre compte de mon concert; d'après ma dernière lettre, vous êtes sans doute bouillant d'impatience d'avoir des détails. Mais d'abord êtes-vous bien rétabli? Votre maladie a-t-elle tout à fait disparu? Gounet a reçu une lettre d'Auguste, qui lui apprenait le mauvais état de votre santé, et ce que vous m'en avez dit vous-même me fait craindre qu'elle ne soit pas encore très bonne.

      Quoi qu'il en soit, puisque vous vous intéressez si vivement à ce qui me touche et que votre amitié vous fait prendre tant de part à toutes mes agitations, je vous dirai que j'ai obtenu un succès immense; l'ouverture des Francs Juges surtout a bouleversé la salle; elle a obtenu quatre salves d'applaudissements. Mademoiselle Marinoni venait d'entrer en scène pour chanter une pasquinade italienne; profitant de ce moment de calme, j'ai voulu me glisser entre les pupitres pour prendre une liasse de musique sur une banquette; le public m'a aperçu; alors les cris, les bravos ont recommencé, les artistes s'y sont mis, la grêle d'archets est tombée sur les violons, les basses, les pupitres; j'ai failli me trouver mal. Et des embrassades à n'en plus finir; mais vous n'étiez pas là!.. En sortant, après que la foule a été écoulée, les artistes m'ont attendu dans la cour du Conservatoire, et, dès que j'ai paru, les applaudissements en plein air ont recommencé. Le soir, à l'Opéra, même effet; c'était une fermentation à l'orchestre, au foyer. O mon ami, que n'êtes-vous ici! Depuis dimanche, je suis d'une tristesse mortelle; cette foudroyante émotion m'a abîmé; j'ai sans cesse les yeux pleins de larmes, je voudrais mourir.

      Quant à la recette, elle a totalement couvert les frais, et même j'y gagne cent cinquante francs. Je vais en donner les deux tiers à Gounet, qui a eu la bonté de me prêter de l'argent et qui en est, je crois, plus pressé que vous. Aussitôt que j'aurai pu réaliser une somme un peu présentable, je m'empresserai de vous la faire parvenir; car je suis tourmenté de vous devoir si longtemps.

      Il n'y a encore que le Figaro et les Débats qui aient parlé de mon concert. Castil-Blaze n'entre dans aucun détail; ces animaux ne savent parler que quand il n'y a rien à dire; je vous enverrai tous les journaux littéraires qui auront fait mention de moi.

      Adieu; rétablissez-vous vite et écrivez-moi.

Votre ami.

      XXI

Paris, 4 décembre 1829.

      Mon cher Ferrand,

      Je ne reçois point de réponse à deux lettres que je vous ai adressées et à l'envoi des journaux relatifs à mon concert. Vous êtes malade; c'est sûr; n'auriez-vous point de moyens de me faire donner de vos nouvelles et de me tirer de l'inquiétude mortelle où je suis depuis si longtemps?..

      Une lettre d'Auguste à Gounet ne disait rien de bon sur votre santé.

      Je vous en prie, écrivez-moi seulement un mot ou faites-moi écrire.

      Je vous enverrai dans peu quelques nouvelles compositions que je viens de faire graver.

      Adieu. J'attends.

      XXII

Paris, 27 décembre 1829.

      Mon cher Ferrand,

      D'abord

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