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déric, Roi des Francs, (tome second)

      CHILDÉRIC.

      LIVRE ONZIÈME

SOMMAIRE DU LIVRE ONZIÈME

      Viomade s'est éloigné. Le roi sent déjà des remords, et va réparer ses injustices. Le jour choisi pour la révolte est arrivé. Egidius la commande à la tête des Romains et des Francs. Egésippe doit livrer le roi. Ulric avertit son maître. Les braves se joignent à lui et entraînent Childéric dans la forêt des Ardennes. Ils sont attaqués; le roi blessé s'enfonce dans les bois, suivi d'Eginard. Childéric s'évanouit, il est transporté dans le temple des Druides, et couché dans un lieu sombre. Une main inconnue le sert. Les Druides pansent sa blessure, elle est guérie. L'inconnu se découvre; c'est Viomade; il instruit le roi des événemens qui l'intéressent, et de ses projets. Childéric les approuve, et se rend en Thuringe, où il doit attendre le signal de son retour.

      LIVRE ONZIÈME

      Viomade avoit reçu avec douleur l'ordre de son bannissement; il avoit reconnu également la haine et l'amour, et s'affligeoit pour son prince, dont il pressentoit le danger. Sûr de son cœur, il demande à être conduit vers lui, et Valérius s'y oppose; le brave insiste encore; Valérius le menace de le faire saisir par ses gardes. Viomade sait qu'il ne sera que trop défendu, et craignant d'exciter une émeute dangereuse, il se décide à partir, mais il demande Ulric. Le romain voudroit éviter cette entrevue; cependant il n'ose la refuser; il sait, qu'haï du peuple, un mot peut le perdre; il mande Ulric; les deux amis parlent bas; Valérius ne les quitte pas, mais ne peut les entendre; ils s'embrassent et se séparent. Rends-moi tes armes, dit alors l'agent méprisable d'Egidius. Jamais, répondit Viomade, je ne les rendis aux Romains; si tu les veux, sers-toi des tiennes pour m'y contraindre. Viomade jura sur l'honneur de quitter la ville à l'instant même, et de n'y jamais rentrer sans l'ordre du roi. Valérius l'accompagna jusqu'aux portes, les lui vit franchir, et rentra au château d'Egésippe, à qui il fit savoir, par ses femmes, qu'elle étoit délivrée de son ennemi. Bientôt le bruit de cet injuste exil se répandit; on excita le peuple à le venger; l'ingratitude du roi fut généralement détestée. Egidius, de son côté, rassembloit ses troupes, et tous les Francs n'attendoient qu'un signal pour se réunir à elles. Malgré son amour et son bonheur, malgré ses enivrantes espérances, Childéric n'a pu revoir, sans un généreux soupir, la couche déserte de Viomade; ses torts légers ne sont qu'une ombre à tant de vertus, de nobles actions, de sacrifices. Le roi se rappele tout; il croit voir Mérovée; il croit entendre la voix de Gelimer. Depuis que l'amour l'a séduit, ces souvenirs lui échappent, ils renaissent en foule, suivis de la honte et du repentir. Est-ce moi, se disoit-il, moi, l'élève du sage Gelimer, qui résistai à l'amour vrai et généreux de Talaïs; moi qui préférai une grotte sauvage et des déserts, au trône, à la fortune, et sacrifiai tous les biens à l'amitié; est-ce moi qui maintenant languis sans gloire aux pieds d'une femme, et viens de lui sacrifier l'ami de mon père, son défenseur et le mien? Qui donc a su empoisonner mon ame? Les conseils de Viomade étoient sévères; ceux de Gelimer l'etoient-ils moins? l'ai-je sacrifié à la tendre Talaïs? Suis-je donc devenu insensible à la reconnoissance, sourd aux leçons de la sagesse, rebelle aux avis de la prudence? Que pense de moi ce peuple à qui je dois le bonheur et l'exemple? qu'ai-je fait pour lui? quelles lois sages ai-je su rendre? quelle victoire ai-je remportée? Pourquoi Beauvais ne m'ouvre-t-il point ses portes? pourquoi Soissons renferme-t-il encore nos ennemis? pourquoi un seul romain respire-t-il dans les Gaules? Est-ce ainsi que je veux paroître dans l'histoire, à la suite de mes pères, et au milieu de mes glorieux successeurs, pour qui mon nom sera un outrage, et mon règne un exemple odieux? O mon père! ô Gelimer! vos ombres sacrées m'apparoissent, et ne peuvent reconnoître en moi ce héros que sembloit promettre mon enfance téméraire, et ma jeunesse valeureuse. Apaisez-vous, mânes irritées des héros, mon repentir m'éclaire, j'en suivrai les mouvemens heureux. Demain je rappele Viomade, et bientôt, marchant contre Egidius, j'irai reconquérir ma gloire et ces instans donnés à l'amour. Rempli de ces idées qui le consolent, le roi s'endort; il se lève pour exécuter d'aussi belles résolutions, et s'enferme dans son appartement pour révoquer l'ordre d'exil contre Viomade, retirer le projet d'impôt, et pourvoir aux besoins de l'état. Valérius, qui avoit exécuté la condamnation injuste prononcée contre le brave, est chargé d'aller le chercher. Le roi mande Mainfroy et lui expose son plan d'attaque contre les Romains; ce jour alloit être un jour de gloire. Egésippe, instruite par Valérius, presse son parti; elle lui promet de lui livrer le prince à l'entrée de la nuit; tout est prêt, on n'attend plus que la fin du jour, elle s'approche. Egésippe écrit au roi une lettre passionnée, elle le conjure de venir promptement rassurer son ame, qu'un instant d'absence désespère. Childéric redoute sa vue, il se sent trop foible auprès de tant d'attraits, il se refuse encore au bonheur, et cependant il est agité. Ulric paroît, ses cheveux blancs sont en désordre, et sa mâle physionomie est décomposée. O ciel! dit-il au roi, que faut-il que je vous annonce? et en parlant, des pleurs de rage coulent de ses yeux. Courageux Ulric, dit le monarque, expliquez-vous. O jour affreux! reprit le brave, jour de honte pour les Francs! vous êtes trahi, détrôné; Egidius est roi, et la perfide Egésippe vous attend, pour livrer aux Romains un illustre captif! Il vous reste peu de momens pour échapper; fuyez, ô roi! daignez me suivre, je sais où conduire vos pas. Fuir! dit le monarque, fuir! en suis-je réduit à ce triste abaissement? n'ai-je donc plus d'armée? ne me reste-t-il plus d'amis? Il vous reste, reprit Ulric, vos braves et mes fils; mais que pouvons-nous contre deux armées réunies? Une téméraire audace n'est pas plus permise qu'une honteuse crainte; le courage aime la prudence, croyez-en mon âge, mes cheveux blancs, sur-tout ma fidélité. O mon roi! dit-il en se jetant à ses genoux, daignez faire dire à la perfide, qui vous attend pour vous sacrifier, que vous allez bientôt vous rendre chez elle; ordonnez votre char et vos gardes, trompez les yeux et suivez-moi. Eginard entra tout-à-coup accompagné de ses deux frères; tous répètent au monarque les mêmes paroles. Amblar, Arthaut, Recimer, se jetèrent à ses pieds, en lui renouvelant le serment de mourir pour lui; et Childéric, ému des marques de leur zèle, défère à leurs avis, plus par reconnoissance que par crainte; mais il ne croit pas devoir exposer ses jours, ni d'aussi dévoués amis. Le roi, armé comme eux, suit Ulric, qui les conduit hors de la ville par des détours: ils approchoient déjà de la forêt des Ardennes, quand ils furent atteints d'une grêle de flèches, dont une grande partie, heureusement mal dirigée dans l'obscurité, se perdit dans les airs. Cependant Childéric est blessé, ainsi que Mainfroy. Le roi, qui craignit alors de tomber au pouvoir des ennemis, s'enfonça rapidement dans la forêt; Eginard le suivit; le reste de la troupe s'égara dans l'obscurité. Childéric marcha long-tems au hasard, et toujours accompagné d'Eginard; mais la douleur, et le sang qui coule de sa blessure, l'affoiblissent; il est forcé de s'arrêter sous un chêne, et bientôt il s'évanouit. Eginard, dont les yeux se sont habitués à l'obscurité, distingue les objets; la nuit est belle, les étoiles brillent au firmament, et jettent un demi-jour à travers le feuillage; il en profite pour examiner la blessure du roi, pour arrêter le sang, pour reconnoître les lieux. Il voit, avec une grande joie, que la partie de la forêt dans laquelle ils sont parvenus, est la partie consacrée, et que dans cet asile saint et redouté, Childéric n'a rien à craindre de ses ennemis; la coignée a respecté ces arbres touffus qui couronnent la terre, et forment par-tout des berceaux, que les rayons du soleil même ne peuvent percer; il y règne une fraîcheur et une obscurité perpétuelles; les sylvains, les nymphes, Pan et les autres divinités champêtres, fuyent cette partie du bois destinée aux mystères; on ne voit de tous côtés que des autels, sur lesquels des victimes avoient été égorgées; les arbres étoient teints de leur sang; nul oiseau ne se perchoit sur leurs branches, nul animal ne pénétroit dans cette enceinte, les vents mêmes craignoient d'en troubler la paix; la foudre n'osoit y tomber; l'ombre de ces chênes, qu'aucun zéphir n'agitoit, portoit dans tous les cœurs une sainte épouvante; des troncs bruts et informes représentoient le dieu Pan; la mousse verdâtre dont ils étoient couverts, inspiroit la tristesse, l'horreur et l'étonnement qui semblent empreints sur leurs écorces. On diroit qu'ils veulent annoncer aux téméraires qui osent s'approcher, que ces lieux sont consacrés à un dieu terrible, dont les Druides mêmes sont effrayés, et qu'ils craignent d'entrevoir. C'est au milieu de cette sombre retraite qu'est bâti le temple des Druides: ce temple est octogone et à deux étages; les murs épais sont revêtus au-dehors de pierres de taille, et au-dedans de petites pierres déliées et incrustées de marbre, avec des compartimens en mosaïque; le pavé est de marbre, le toit de plomb. Plusieurs autels ornent l'étage supérieur, ils sont de pierres solides et de toutes

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