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pas, la soubrette ?

      LA COMÉDIENNE, aux autres.

      Mais pourquoi sont-ils cent contre un pauvre poète ?

      CYRANO.

      Marchons !

      (Aux officiers.)

      Et vous, messieurs, en me voyant charger,

      Ne me secondez pas, quel que soit le danger !

      UNE AUTRE COMÉDIENNE, sautant de la scène.

      Oh ! mais, moi, je vais voir !

      CYRANO.

      Venez !…

      UNE AUTRE, sautant aussi, à un vieux comédien.

      Viens-tu, Cassandre ?…

      CYRANO.

      Venez tous, le Docteur, Isabelle, Léandre,

      Tous ! Car vous allez joindre, essaim charmant et fol,

      La farce italienne à ce drame espagnol,

      Et, sur son ronflement tintant un bruit fantasque,

      L’entourer de grelots comme un tambour de basque !…

      TOUTES LES FEMMES, sautant de joie.

      Bravo ! – Vite, une mante ! – Un capuchon !

      JODELET.

      Allons !

      CYRANO, aux violons.

      Vous nous jouerez un air, messieurs les violons !

      (Les violons se joignent au cortège qui se forme. On s’empare des chandelles allumées de la rampe et on se les distribue. Cela devient une retraite aux flambeaux.)

      Bravo ! des officiers, des femmes en costume,

      Et, vingt pas en avant…

      (Il se place comme il dit.)

      Moi, tout seul, sous la plume

      Que la gloire elle-même à ce feutre piqua,

      Fier comme un Scipion triplement Nasica !…

      – C’est compris ? Défendu de me prêter main-forte ! –

      On y est ?… Un, deux, trois ! Portier, ouvre la porte !

      (Le portier ouvre à deux battants. Un coin du vieux Paris pittoresque et lunaire paraît.)

      Ah !… Paris fuit, nocturne et quasi nébuleux ;

      Le clair de lune coule aux pentes des toits bleus ;

      Un cadre se prépare, exquis, pour cette scène ;

      Là-bas, sous des vapeurs en écharpe, la Seine,

      Comme un mystérieux et magique miroir,

      Tremble… Et vous allez voir ce que vous allez voir !

      TOUS.

      À la porte de Nesle !

      CYRANO, debout sur le seuil.

      À la porte de Nesle !

      (Se retournant avant de sortir, à la soubrette.)

      Ne demandiez-vous pas pourquoi, mademoiselle,

      Contre ce seul rimeur cent hommes furent mis ?

      (Il tire l’épée et, tranquillement.)

      C’est parce qu’on savait qu’il est de mes amis !

      (Il sort. Le cortège, – Lignière zigzaguant en tête, – puis les comédiennes aux bras des officiers, – puis les comédiens gambadant, – se met en marche dans la nuit au son des violons, et à la lueur falote des chandelles.)

      RIDEAU.

      Acte II – La Rôtisserie des Poètes

      La boutique de Ragueneau, rôtisseur-pâtissier, vaste ouvroir au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Arbre-Sec qu’on aperçoit largement au fond, par le vitrage de la porte, grises dans les premières lueurs de l’aube.

      À gauche, premier plan, comptoir surmonté d’un dais en fer forgé, auquel sont accrochés des oies, des canards, des paons blancs. Dans de grands vases de faïence de hauts bouquets de fleurs naïves, principalement des tournesols jaunes. Du même côté, second plan, immense cheminée devant laquelle, entre de monstrueux chenets, dont chacun supporte une petite marmite, les rôtis pleurent dans les lèchefrites.

      À droite, premier plan avec porte. Deuxième plan, un escalier montant à une petite salle en soupente, dont on aperçoit l’intérieur par des volets ouverts ; une table y est dressée, un menu lustre flamand y luit : c’est un réduit où l’on va manger et boire. Une galerie de bois, faisant suite à l’escalier, semble mener à d’autres petites salles analogues.

      Au milieu de la rôtisserie, un cercle en fer que l’on peut faire descendre avec une corde, et auquel de grosses pièces sont accrochées, fait un lustre de gibier.

      Les fours, dans l’ombre, sous l’escalier, rougeoient. Des cuivres étincellent. Des broches tournent. Des pièces montées pyramident, des jambons pendent. C’est le coup de feu matinal. Bousculade de marmitons effarés, d’énormes cuisiniers et de minuscules gâte-sauces. Foisonnement de bonnets à plume de poulet ou à aile de pintade. On apporte, sur des plaques de tôle et des clayons d’osier, des quinconces de brioches, des villages de petits-fours.

      Des tables sont couvertes de gâteaux et de plats. D’autres, entourées de chaises, attendent les mangeurs et les buveurs. Une plus petite, dans un coin, disparaît sous les papiers. Ragueneau y est assis au lever du rideau ; il écrit.

      Scène I

      Ragueneau, pâtissiers, puis Lise ; Ragueneau, à la petite table, écrivant d’un air inspiré, et comptant sur ses doigts.

      PREMIER PÂTISSIER, apportant une pièce montée.

      Fruits en nougat !

      DEUXIÈME PÂTISSIER, apportant un plat.

      Flan !

      TROISIÈME PÂTISSIER, apportant un rôti paré de plumes.

      Paon !

      QUATRIÈME PÂTISSIER, apportant une plaque de gâteaux.

      Roinsoles !

      CINQUIÈME PÂTISSIER, apportant une sorte de terrine.

      Bœuf en daube !

      RAGUENEAU, cessant d’écrire et levant la tête.

      Sur les cuivres, déjà, glisse l’argent de l’aube !

      Étouffe en toi le dieu qui chante, Ragueneau !

      L’heure du luth viendra, – c’est l’heure du fourneau !

      (Il se lève.À un cuisinier.)

      Vous, veuillez m’allonger cette sauce, elle est courte !

      LE CUISINIER.

      De

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