Скачать книгу

suis Pesme. J’abbartiens à M. le dugue de Gouise.

      – Pesme, murmura Coconnas; je ne connais pas ce nom là.

      – C’est monsieur de Besme, mon gentilhomme, dit la sentinelle. La prononciation vous trompe, voilà tout. Donnez votre lettre à monsieur, allez, j’en réponds.

      – Ah! monsieur de Besme, s’écria Coconnas, je le crois bien si je vous connais! … comment donc! avec le plus grand plaisir. Voici ma lettre. Excusez mon hésitation. Mais on doit hésiter quand on veut être fidèle.

      – Pien, pien, dit de Besme, il n’y afre pas besoin d’exguses.

      – Ma foi, monsieur, dit La Mole en s’approchant à son tour, puisque vous êtes si obligeant, voudriez-vous vous charger de ma lettre comme vous venez de le faire de celle de mon compagnon?

      – Comment fous abbelez-vous?

      – Le comte Lerac de La Mole.

      – Le gonte Lerag de La Mole.

      – Oui.

      – Che ne gonnais pas.

      – Il est tout simple que je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous, monsieur, je suis étranger, et, comme le comte de Coconnas, j’arrive ce soir de bien loin.

      – Et t’où arrifez-vous?

      – De Provence.

      – Avec eine lettre?

      – Oui, avec une lettre.

      – Pourmonsir de Gouise?

      – Non, pour Sa Majesté le roi de Navarre.

      – Che ne souis bas au roi de Navarre, monsir, répondit Besme avec un froid subit, che ne buis donc bas me charger de votre lettre.

      Et Besme, tournant les talons à La Mole, entra dans le Louvre en faisant signe à Coconnas de le suivre.

      La Mole demeura seul.

      Au même moment, par la porte du Louvre, parallèle à celle qui avait donné passage à Besme et à Coconnas, sortit une troupe de cavaliers d’une centaine d’hommes.

      – Ah! ah! dit la sentinelle à son camarade, c’est de Mouy et ses huguenots; ils sont rayonnants. Le roi leur aura promis la mort de l’assassin de l’amiral; et comme c’est déjà lui qui a tué le père de Mouy, le fils fera d’une pierre deux coups.

      – Pardon, fit La Mole s’adressant au soldat, mais n’avez-vous pas dit, mon brave, que cet officier était monsieur de Mouy?

      – Oui-da, mon gentilhomme.

      – Et que ceux qui l’accompagnaient étaient…

      – Étaient des parpaillots… Je l’ai dit.

      – Merci, dit La Mole, sans paraître remarquer le terme de mépris employé par la sentinelle. Voilà tout ce que je voulais savoir.

      Et se dirigeant aussitôt vers le chef des cavaliers:

      – Monsieur, dit-il en l’abordant, j’apprends que vous êtes monsieur de Mouy.

      – Oui, monsieur, répondit l’officier avec politesse.

      – Votre nom, bien connu parmi ceux de la religion, m’enhardit à m’adresser à vous, monsieur, pour vous demander un service.

      – Lequel, monsieur?… Mais, d’abord, à qui ai-je l’honneur de parler?

      – Au comte Lerac de La Mole. Les deux jeunes gens se saluèrent.

      – Je vous écoute, monsieur, dit de Mouy.

      – Monsieur, j’arrive d’Aix, porteur d’une lettre de M. d’Auriac, gouverneur de la Provence. Cette lettre est adressée au roi de Navarre et contient des nouvelles importantes et pressées… Comment puis-je lui remettre cette lettre? comment puis-je entrer au Louvre?

      – Rien de plus facile que d’entrer au Louvre, monsieur, répliqua de Mouy; seulement, je crains que le roi de Navarre ne soit trop occupé à cette heure pour vous recevoir. Mais n’importe, si vous voulez me suivre, je vous conduirai jusqu’à son appartement. Le reste vous regarde.

      – Mille fois merci!

      – Venez, monsieur, dit de Mouy.

      de Mouy descendit de cheval, jeta la bride aux mains de son laquais, s’achemina vers le guichet, se fit reconnaître de la sentinelle, introduisit La Mole dans le château, et, ouvrant la porte de l’appartement du roi:

      – Entrez, monsieur, dit-il, et informez-vous. Et saluant La Mole, il se retira. La Mole, demeuré seul, regarda autour de lui. L’antichambre était vide, une des portes intérieures était ouverte.

      Il fit quelques pas et se trouva dans un couloir.

      Il frappa et appela sans que personne répondît. Le plus profond silence régnait dans cette partie du Louvre.

      – Qui donc me parlait, pensa-t-il, de cette étiquette si sévère? On va et on vient dans ce palais comme sur une place publique.

      Et il appela encore, mais sans obtenir un meilleur résultat que la première fois.

      – Allons, marchons devant nous, pensa-t-il; il faudra bien que je finisse par rencontrer quelqu’un. Et il s’engagea dans le couloir, qui allait toujours s’assombrissant.

      Tout à coup la porte opposée à celle par laquelle il était entré s’ouvrit, et deux pages parurent, portant des flambeaux et éclairant une femme d’une taille imposante, d’un maintien majestueux, et surtout d’une admirable beauté.

      La lumière porta en plein sur La Mole, qui demeura immobile. La femme s’arrêta, de son côté, comme La Mole s’était arrêté du sien.

      – Que voulez-vous, monsieur? demanda-t-elle au jeune homme d’une voix qui bruit à ses oreilles comme une musique délicieuse.

      – Oh! madame, dit La Mole en baissant les yeux, excusez-moi, je vous prie. Je quitte M. de Mouy, qui a eu l’obligeance de me conduire jusqu’ici, et je cherchais le roi de Navarre.

      – Sa Majesté n’est point ici, monsieur; elle est, je crois, chez son beau frère. Mais, en son absence, ne pourriez-vous dire à la reine…

      – Oui, sans doute, madame, reprit La Mole, si quelqu’un daignait me conduire devant elle.

      – Vous y êtes, monsieur.

      – Comment! s’écria La Mole.

      – Je suis la reine de Navarre, dit Marguerite.

      La Mole fit un mouvement tellement brusque de stupeur et d’effroi que la reine sourit.

      – Parlez vite, monsieur, dit-elle, car on m’attend chez la reine mère.

      – Oh! madame, si vous êtes si instamment attendue, permettez-moi de m’éloigner, car il me serait impossible de vous parler en ce moment. Je suis incapable de rassembler deux idées; votre vue m’a ébloui. Je ne pense plus, j’admire.

      Marguerite s’avança pleine de grâce et de beauté vers ce jeune homme qui, sans le savoir, venait d’agir en courtisan raffiné.

      – Remettez-vous, monsieur, dit-elle. J’attendrai et l’on m’attendra.

      – Oh! pardonnez-moi, madame, si je n’ai point salué d’abord Votre Majesté avec tout le respect qu’elle a le droit d’attendre d’un de ses plus humbles serviteurs, mais…

      – Mais, continua Marguerite, vous m’aviez prise pour une de mes femmes.

      – Non, madame, mais pour l’ombre de la belle Diane de Poitiers. On m’a dit qu’elle revenait au Louvre.

      – Allons, monsieur, dit Marguerite, je ne m’inquiète plus de vous, et vous ferez fortune à la cour. Vous aviez une lettre pour le roi, dites-vous? C’était fort inutile. Mais, n’importe, où est-elle? Je la lui remettrai… Seulement, hâtez-vous,

Скачать книгу