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d’avancer.

      Il n’arrive pas à comprendre, à partir de ses points de référence, comment Dieu peut changer l’homme en respectant sa liberté. Jésus continue :

      « L’idée de renaître est moins absurde que celle de tenter de gagner son salut par ses propres forces. Le succès de l’homme est plus certain si, au lieu d’édifier sa vie à partir de ses idéaux et de ses ressources humaines, il la réalise à partir de l’idéal et de la force de Dieu. Car Dieu n’exige de l’homme rien d’impossible : la nouvelle naissance ne lui est pas demandée, mais offerte. Personne en effet ne peut se donner naissance. Pour naître, on dépend toujours de quelqu’un d’autre. L’expérience de la nouvelle naissance s’apparente à l’accouchement physique, jusque dans le fait qu’elle se produit rarement sans douleur. »

      En réalité, il n’existe pas de véritable « self made man ».

      L’homme est incapable de se reconstruire sans aide extérieure. Repartir de zéro dépasse ses possibilités. Pour entreprendre une vie réellement nouvelle, il doit d’abord prendre conscience qu’il a besoin d’aide.

      Face à la perplexité de Nicodème, Jésus reformule la même idée dans d’autres termes : « Il s’agit de “naître d’eau et d’esprit“. »

      Pour un docteur en Écritures saintes, la mention de ces éléments primordiaux (en hébreu le même mot désigne l’air, le vent, le souffle vital et l’esprit) était une allusion claire aux principes de la création. La nouvelle naissance est une nouvelle création. Il ne s’agit donc pas d’un acte humain, mais divin.

      En l’homme coexistent deux niveaux d’être : l’un « charnel », l’autre « spirituel ». Ils transmettent chacun la vie qu’ils possèdent. La chair transmet la faible condition humaine ; l’esprit, les possibilités de Dieu. Les aspirations humaines se maintiennent généralement, même avec la meilleure volonté, au niveau du bien-être économique, des satisfactions familiales ou du prestige personnel. En restant à ce niveau, personne ne parvient à réaliser le projet total que Dieu a conçu pour l’homme. Celui-ci ne peut dépasser seul la faiblesse inhérente à sa nature déchue. « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. » Pour transcender son impuissance spirituelle, il lui faut la puissance divine. « La nouvelle naissance que je te propose suppose l’entrée dans une réalité nouvelle, dont le centre réside en Dieu et non plus en l’homme. C’est passer d’une vie humaine limitée et renfermée sur elle-même à une vie libre et ouverte à toutes les possibilités de l’Esprit. C’est passer d’une existence centrée sur l’homme (anthropocentrique) à une existence centrée sur Dieu (théocentrique). C’est passer d’une réalité condamnée à la mort à une réalité qui conduit à la vie. »

      Surpris par ce langage, Nicodème se demande comment ce changement est possible.

      Non sans une pointe d’ironie, Jésus l’amène à entrevoir que la notion de vie nouvelle est à chercher en dehors des limites de sa propre formation :

      « Tu es professeur de théologie et tu ne le sais pas ? » Nicodème a de grandes connaissances. La religion est sa spécialité. Dans ce monde d’argumentations théologiques, il se distingue par son érudition. Mais une notion élémentaire lui manque encore : il n’a pas compris que la vie spirituelle ne dépend pas de ses connaissances sur Dieu, mais de ses relations avec lui. Il n’a pas encore découvert que l’on peut obtenir la distinction suprême de docteur en Écritures saintes sans connaître, dans l’expérience, L’Être suprême.

      « Ne t’étonne pas, poursuit Jésus, si je te parle avec insistance de naître de nouveau sans espérer que tu me comprennes parfaitement. Il en est de l’action de l’Esprit comme de celle du vent : on constate ses effets sans qu’il soit nécessaire de comprendre les mécanismes de son fonctionnement. »

      En renaissant spirituellement, des violents se convertissent en apôtres de la paix. Des êtres paralysés par la haine se révèlent capables de pardonner et d’aimer. Des êtres égoïstes s’engagent dans les entreprises les plus généreuses... Peu importe que l’on ne sache pas expliquer le processus de la régénération. Ce qui importe, c’est qu’il se produise. Et pour cela, l’effort de notre volonté ne suffit pas. Il faut l’action puissante de la grâce. On ne peut pas préciser de quelle façon elle surgit, mais à un moment donné, elle fait irruption dans notre vie et la transforme. La nouvelle naissance ne se prouve pas, elle s’éprouve. Et non une fois pour toutes, mais chaque jour. (1 Corinthiens 15 : 31 ; 2 Corinthiens 4 : 16)

      Nicodème finit par constater combien sa connaissance de Dieu est limitée. Il a essayé de comprendre Dieu à partir de ses références, mais la créativité divine ne se laisse enfermer dans le cadre d’aucune théologie. La faille ne réside cependant pas dans ses sources, mais dans leur interprétation. Tout l’Ancien Testament est une immense démonstration des initiatives incroyables de l’amour divin. Mais de même qu’il est difficile au matérialiste de concevoir des réalités autres que les réalités matérielles, de même le légaliste ne conçoit pas de relations avec Dieu en dehors des limites de ses propres conceptions. Nicodème demeure donc perplexe.

      Au cours de ce dialogue tendu, le pharisien reste en deçà du cœur à cœur proposé et se limite à poser des questions qui trahissent son trouble.

      « Comment cela peut-il se faire ? »

      Ce sont ses dernières paroles. Ensuite, Nicodème reste silencieux et écoute sans l’interrompre le singulier confident qui partage avec lui l’assurance de ses convictions (Jean 3 : 9,10) :

      « Nous parlons de ce que nous savons. »

      Le savoir de Nicodème est fondé sur des traditions et des théories. Le savoir de Jésus repose sur l’expérience. Le pharisien connaît la lettre de l’Écriture. Jésus en réalise l’esprit. Le docteur cherche encore la lumière que de simples villageois de Galilée sont déjà en train de propager...

      Et cette lumière transcende les vieux schémas de ses espérances messianiques. Il attendait un Messie qui règnerait sur Israël. Mais Dieu a prévu de régner sur l’humanité entière. Son envoyé sera le roi de tous ceux qui veulent la vie sans fin, dans le royaume de l’amour sans frontières.

      « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jean 3 : 16)

      Si Dieu aime sans limites et désire notre bonheur sans restrictions, son intention première en envoyant le Messie n’est pas de juger le monde, comme le pensait le groupe des amis de Nicodème. Le jugement sera la conséquence ultime de la liberté humaine. La mission du Fils est d’amener à la vie, maintenant et toujours. Il ne s’agit pas de détruire

      les uns et de sauver les autres, mais de rendre l’espérance à tous.

      Et comme Dieu ne désire pas des sujets contraints mais des êtres

      libres, il n’imposera pas son royaume par la force brutale des armes mais par celle contraignante de l’amour.

      L’homme, blessé à mort dans les profondeurs de son être, accédera à la vie nouvelle comme un patient que l’on guérit d’une blessure mortelle.

      « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé afin que quiconque croit, ait en lui la vie éternelle. » (Jean 3 : 14)

      Jésus répond finalement à la grande question que Nicodème ne parvient pas à formuler : « Que faire pour atteindre cette vie nouvelle ? Comment naître de nouveau ? »

      En nous séparant de Dieu, la seule source de vie, nous nous sommes condamnés à mort. Notre seule possibilité de survie est de relier notre finitude à l’éternité. Voilà la vérité. Nous ne pouvons voir la lumière que par l’intervention d’en haut : en elle seule réside notre salut. Notre destin humain dépend de notre acceptation de la grâce divine.

      «

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