Скачать книгу

      FRANÇOIS

      —Pourquoi ne le dis-tu pas à ta maman?

      CHRISTINE

      —Parce ma bonne me battrait horriblement; elle dirait des mensonges à maman, et je serais encore grondée et punie.

      FRANÇOIS

      —Pourquoi ne dis-tu pas à ta maman que ta bonne est une méchante menteuse?

      CHRISTINE

      —Maman ne me croirait pas; elle croit toujours ma bonne.

      FRANÇOIS

      —Alors, moi, je vais le dire à papa pour qu'il le dise à ta maman.

      CHRISTINE

      —Non, non, François, je t'en prie, ne dis rien; ma bonne me gronderait et me battrait bien plus, et maman ne me croirait pas. Je n'en parle qu'à toi, parce que je t'aime plus que tout le monde.

      FRANÇOIS

      —Mais tu es malheureuse, pauvre Christine, et je ne peux pas supporter cela.

      CHRISTINE

      —Mais non! quand je suis ici, avec toi surtout, je suis très heureuse; j'y viens presque tous les jours; et quand ma bonne n'est pas avec moi, je ne suis pas malheureuse.

      FRANÇOIS

      —Je voudrais bien que papa allât chez toi.

      CHRISTINE

      —Pourquoi n'y vient-il pas?

      FRANÇOIS

      Parce que ta maman voit beaucoup de monde; elle est très élégante, et papa n'aime pas cela.

      CHRISTINE

      —Mais il vient chez ma tante; c'est la même chose!

      FRANÇOIS

      —Il dit que non; que vous êtes tous très bons, que ta tante et ton oncle ne font pas d'élégance, qu'ils reçoivent simplement et sans toilette, et je ne saïs quoi encore que j'ai oublié.

      Bernard et Gabrielle, qui s'étaient éloignés, reviennent.

      BERNARD

      —C'est ennuyeux de ne rien faire! Si nous commencions notre pêche aux écrevisses?

      GABRIELLE

      —Oui, oui, commençons; demandons les pêchettes, la viande crue, les paniers.

      BERNARD

      —Mais il nous faut quelqu'un pour nous aider.

      FRANÇOIS

      —Voici tout juste M. Paolo; mais il ne nous voit pas.

      Les enfants se mirent à crier:

      «Monsieur Paolo! par ici!»

      Paolo se retourne et s'avance vers eux à pas précipités. Il salue:

      —Messieurs, mesdemoiselles..., à quel service vous voulez Paolo? Lé voici!

      FRANÇOIS

      —Mon bon monsieur Paolo, voulez-vous nous aider à arranger nos pêchettes pour prendre des écrevisses?

      PAOLO

      —Oui, signor; tout pour votre service. Paolo reconnaissant, n'oublie jamais ni bon ni mauvais.

      Tous coururent chercher ce qu'il leur fallait, et revinrent près du ruisseau; Paolo allait, venait, déployait les pêchettes, les mettait dans l'eau.

      «Pas là, pas là, monsieur Paolo, criaient les enfants; il y a des branches qui accrochent la pêchette».

      Paolo changeait de place.

      «Pas là, pas là! criaient Bernard et Gabrielle: il n'y en a pas; il n'y a que des pierres.»

      PAOLO

      —L'écrevisse aime les pierres, signor Bernardo.

      BERNARD

      —Quand les pierres sont dans l'eau, mais pas quand elles sont perchées en l'air.

      PAOLO

      —L'écrevisse a des pattes, signor Bernardo.

      BERNARD

      —Pour marcher dans l'eau, mais pas pour en sortir, grimper et tomber.

      PAOLO

      —L'écrevisse a oune queue, signor Bernardo.

      BERNARD

      —Pour se soutenir dans l'eau, mais pas en l'air.

      PAOLO

      —L'écrevisse a oune peau dure, signor Bernardo.

      BERNARD

      —Ah bah! Vous m'ennuyez, monsieur Paolo! Je vous dis que les pêchettes sont très mal là! Donnez-les-moi, que je les place comme il faut.

      PAOLO

      —Voilà, signor Bernardo.

      Paolo tendit la pêchette déjà accrochée à une racine qui sortait d'un rocher. Bernard la prit et la plaça avec deux autres dans un recoin où venaient se réfugier quelques écrevisses.

      Pendant qu'il arrangeait ses pêchettes, Paolo restait immobile, un peu honteux, un peu mécontent et n'osant le témoigner. François et Christine s'aperçurent de son embarras, et s'approchèrent de lui:

      «Mon cher monsieur Paolo, lui dit tout bas le petit François, prenons les quatre pêchettes qui restent, et allons les mettre près d'un rocher où vous vouliez mettre les autres; je suis sûr qu'il y a des écrevisses par là.»

      —Voua croyez, signor excellentissimo? dit Paolo d'un air joyeux.

      CHRISTINE

      —Oui, oui, François a raison, mon pauvre monsieur Paolo; venez avec nous.

      Paolo sourit et saisit les pêchettes oubliées; il les arrangea, les plaça très habilement et attendit patiemment les écrevisses; elles ne tardèrent pas à arriver en foule, si bien que lorsque Bernard leva sa pêchette en criant d'un air triomphant:

      «J'en ai trois!»

      Paolo leva les siennes et s'écria avec une voix retentissante:

      «Z'en ai dix-houit et des souperbes!»

      BERNARD

      —Dix-huit! Près de ce rocher? Pas possible!

      Bernard et Gabrielle coururent aux pêchettes de Paolo, et comptèrent en effet dix-huit belles écrevisses.

      —C'est vrai, dit Gabrielle, M. Paolo a raison.

      —Et Bernard a eu tort! dit Christine à Gabrielle en s'éloignant. Il a fait de la peine à ce pauvre M. Paolo, qui est très bon et très complaisant.

      GABRIELLE

      —Oui, mais il est si ridicule!

      CHRISTINE

      —Qu'est-ce que ça fait, s'il est bon?

      GABRIELLE

      —C'est vrai, mais c'est tout de même ennuyeux d'être ridicule.

      CHRISTINE

      —Gabrielle, est-ce que tu n'aimes pas François?

      GABRIELLE

      —Si fait, mais je ne voudrais pas être comme lui.

      CHRISTINE

      —Et moi, je le trouve si bon, que je l'aime cent fois plus que Maurice et Adolphe de Sibran, qui sont si beaux.

      GABRIELLE

      —Pas moi, par exemple; François est bon, c'est

Скачать книгу