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également riche elle-même.

      En dépit de toutes ces précautions, elle savait que Kyle, un sociopathe qui l’avait trompée pendant dix ans, était rusé et impitoyable. Il avait presque réussi à tuer sans se faire arrêter. Il avait réussi à échapper à une peine de prison prolongée par la négociation. Elle n’allait pas sous-estimer sa capacité à contourner ses mesures de sécurité.

      – Tu es prête pour le dessert ? lui demanda Hannah de la table, remmenant Jessie au moment présent pendant qu’elle rinçait les derniers plats. J’ai préparé des tartelettes aux poires.

      Jessie n’avait plus faim mais ne voulait pas fragiliser encore plus l’ambiance positive de cette soirée.

      – Je suis pleine à craquer, mais je pourrais essayer une petite tartelette, dit-elle en obtenant un sourire satisfait de la part de sa demi-sœur.

      Ces jours-ci, tous les sourires qu’elle pouvait obtenir étaient autant de victoires. Même si, dans son appartement, tout paraissait agréable, il y avait incontestablement une tension tout juste palpable. Quand Ryan avait envisagé de vivre avec Jessie et de lui en parler, il avait d’abord demandé la permission à Hannah. Même s’il avait ainsi fait preuve de considération, Jessie sentait que Hannah avait consenti plus par politesse que par enthousiasme sincère.

      Il était clair que Hannah voulait que Jessie soit heureuse, mais il était tout aussi évident qu’elle n’adorait pas l’idée de partager un appartement à deux chambres avec un couple amoureux, particulièrement parce que ces deux-là étaient tous deux membres de la police.

      Alors que Jessie réfléchissait à ce problème, Hannah approcha, sortit les tartelettes du four et, sans un mot, posa la plus petite, qui était aussi un peu brûlée, sur le plan de travail mouillé à côté de Jessie.

      – Bon appétit, marmonna-t-elle.

      – Merci, dit Jessie en décidant de mettre l’accent sur le cadeau plutôt que sur la manière dont il était offert.

      Parfois, la légère rancœur de Hannah s’exprimait sous la forme de remarques adolescentes passives-agressives ou, dans ce cas, de tartelettes aux poires brûlées. Parfois, elle se manifestait par un silence renfrogné. Ce n’était pas constant, mais cela se produisait assez souvent pour être visible. Ses yeux verts se faisaient ombrageux, son grand corps prenait une posture voûtée et ses cheveux blond roux se retrouvaient soudain attachés en une queue de cheval austère et dédaigneuse.

      Les circonstances n’étaient pas non plus idéales pour Jessie et Ryan. Aucun des deux ne sentait qu’il pouvait se laisser aller sur le plan amoureux quand une fille de dix-sept ans était présente dans une chambre située juste de l’autre côté du salon. Cela faisait moins d’un mois qu’ils vivaient ensemble comme cela, mais il devenait déjà clair qu’une conversation sur l’avenir de leur vie commune allait s’avérer inévitable.

      – Avec toute la sécurité que tu as ici, nous pourrions peut-être investir dans l’isolation sonore de la chambre.

      C’était le seul trait d’humour que Ryan avait formulé sur ce sujet. Ensuite, il y avait l’autre question, celle qui les concernait tous. Hannah Dorsey était-elle stable ? Jessie avait récemment décidé d’assurer la garde de la demi-sœur dont elle n’avait découvert l’existence que lorsque son père tueur en série avait assassiné les parents adoptifs de Hannah. Ensuite, un autre tueur du nom de Bolton Crutchfield avait massacré ses parents adoptifs, kidnappé Hannah et tenté de l’endoctriner pour qu’elle devienne comme lui. Cela exigeait beaucoup de résilience pour qui que ce soit, surtout pour une jeune lycéenne.

      – Fais attention avec ce couteau, je te prie, dit-elle quand Hannah s’en servit imprudemment pour détacher les tartelettes restantes du papier cuisson qui couvrait le plateau.

      – Merci, maman, marmonna Hannah à voix basse tout en continuant d’utiliser la lame en acier comme brosse à récurer.

      Jessie soupira sans répondre. Voir sa demi-sœur tenir un long couteau-scie était déconcertant. Alors qu’elle essayait de lui créer un environnement sûr, Jessie craignait qu’un résidu de pulsions homicides n’ait été implanté dans cette fille. Avait-elle secrètement acquis une soif de sang après avoir découvert la puissance cruelle que la violence offrait à ceux qui s’y adonnaient ? Est-ce qu’un gène d’instinct meurtrier avait d’une façon ou d’une autre été transmis du père à la fille ? Enfin, si tel était le cas, est-ce que Jessie l’avait aussi ?

      C’était une question sur laquelle elle avait ruminé pendant des mois. Elle l’avait soumise à la thérapeute, la docteure Janice Lemmon, qui avait aussi examiné Hannah. C’était une question qu’elle avait même posée à son mentor, le célèbre profileur criminel Garland Moses, mais personne ne pouvait fournir de conclusion définitive sur la nature de Hannah, tout comme Jessie semblait incapable de fournir une réponse certaine sur son propre caractère.

      La plupart du temps, Hannah ressemblait à une adolescente ordinaire avec toutes ses humeurs et réactions hormonales prévisibles mais, vu les traumatismes qu’elle avait subis dans les derniers mois, parfois, même la « normalité » paraissait louche.

      Jessie secoua la tête en essayant de se débarrasser de ces pensées. Pour l’instant, les choses se passaient assez bien. Sa sœur avait fait le dessert, même si elle lui avait donné la tartelette brûlée. Tout le monde était gentil. Jessie était supposée repartir exécuter des tâches administratives la semaine prochaine et espérait reprendre ses fonctions complètes de profileuse criminelle la semaine d’après. Les choses progressaient.

      Certes, c’était frustrant de regarder Ryan partir tous les matins pour aller au Poste Central de la Police de Los Angeles, où ils travaillaient tous les deux, mais elle le rejoindrait bientôt. Alors, elle pourrait retrouver le monde qu’elle aimait, où elle parvenait à attraper les tueurs en plongeant dans leur esprit.

      Pendant une demi-seconde, la nature troublante de son amour pour ce monde l’obséda, mais elle digéra vite cette inquiétude avec une bouchée de l’excellente tartelette aux poires de Hannah. Même légèrement brûlée, elle était délicieuse. Alors qu’ils finissaient tous le dessert, le téléphone portable de Ryan sonna. Même avant qu’il ne regarde l’écran, tout le monde avait compris de quoi il s’agissait. À cette heure-là, c’était presque certainement une affaire.

      – Allô ? répondit Ryan.

      Il écouta silencieusement pendant presque une minute. Jessie distinguait à peine la voix qui venait de l’autre bout de la ligne mais, vu son élocution rauque et nonchalante, elle était sûre de savoir qui c’était.

      – Garland ? demanda-t-elle quand Ryan raccrocha.

      – Ouais, dit-il en hochant la tête et en se levant pour commencer à rassembler ses affaires. Il s’occupe d’une affaire à Manhattan Beach et il pense qu’elle correspond au profil de la SSH. Il veut que je l’aide.

      – Manhattan Beach ? insista Jessie. C’est un peu hors de notre juridiction, n’est-ce pas ?

      – Apparemment, le mari de la victime est un cadre important de l’industrie pétrolière. Il a entendu parler de Garland et a demandé qu’il s’occupe de l’affaire. Comme le mari de la victime est censé être un gros con, les policiers du coin acceptent volontiers de laisser la police de Los Angeles s’occuper de cette affaire.

      – L’ambiance a l’air sympa, dit Jessie.

      – C’est le plus étrange, dit Ryan en s’adressant non pas à Jessie mais à Hannah en se mettant sa veste de sport et son arme avec sa ceinture. La plupart des gens le diraient sur un ton sarcastique, mais ta sœur le pense vraiment. Elle est jalouse de ne pas pouvoir me suivre. Ça la ronge.

      Il avait raison de plus d’un point de vue.

      CHAPITRE TROIS

      Garland Moses se sentait coupable.

      Il avait conduit vite pour essayer d’arriver à la scène

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