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Elle voyait le clocher de la Sainte-Chapelle s’élever en spirale à l’horizon.

      – Amanda, appela-t-elle d’une voix flûtée.

      Elle se souvint de la première fois qu’elle était venue à Paris. Tout lui avait semblé bouleversant. Il y avait sept ans, quand elle était une expatriée américaine, s’installant dans un nouveau pays, découvrant une nouvelle culture. Entendre frapper à la porte était une distraction bienvenue à l’époque. Melissa savait que beaucoup de ses amis de la communauté des expatriés avaient du mal à s’adapter à la ville. Au premier abord, Paris n’était pas toujours aussi accueillant, surtout pour les Américains et les jeunes en âge d’aller à l’université. Elle se souvint des deux années qu’elles avaient passées sur un campus universitaire américain. C’était comme si tout le monde voulait devenir son ami. En France, les gens étaient un peu plus réservés. C’est pourquoi, bien sûr, elle avait participé à la création du groupe.

      Melissa sourit à nouveau et frappa une fois de plus à la porte.

      – Amanda, répéta-t-elle.

      Encore une fois, elle ne reçut aucune réponse. Elle hésita, jetant un coup d’œil dans le couloir. Elle plongea la main dans sa poche et y repêcha son téléphone. Les smartphones, c’était bien beau, mais Melissa préférait un style plus classique. Elle scruta le vieux téléphone à clapet et remarqua l’heure sur l’écran avant. 14 heures 02. Elle fit défiler ses textos et lut le dernier d’Amanda.

      « Je serais ravie de te voir plus tard dans la journée. Disons à 14h ? J’ai hâte de rencontrer le groupe. C’est dur de se faire des amis ici. »

      Le sourire de Melissa s’estompa légèrement. Elle se souvenait d’avoir rencontré Amanda par hasard au supermarché. Elles s’étaient tout de suite bien entendues. Le son des cloches disparaissait au loin maintenant. Sur un coup de tête, elle tendit la main et chercha la poignée de la porte. Elle la tourna et constata qu’elle n’était pas fermée à clef. Un clic, et la porte s’entrebâilla.

      Melissa plissa les yeux.

      Elle devrait s’assurer qu’Amanda connaissait les dangers de laisser sa porte ouverte en ville. Même dans une ville comme Paris, il fallait rester prudent. Melissa hésita un moment, en pleine crise de conscience, mais elle finit par ouvrir complètement la porte d’un léger coup d’index.

      – Salut, lança-t-elle dans l’appartement plongé dans l’obscurité. (Amanda était peut-être sortie faire des courses. Elle avait peut-être oublié le rendez-vous). Amanda ? C’est moi, Melissa du forum…

      Pas de réponse.

      Melissa ne se considérait pas comme une personne particulièrement intrusive. Mais quand il s’agissait d’Américains à Paris, son instinct protecteur s’accentuait beaucoup. Comme s’ils appartenaient à la même famille. Elle n’avait pas l’impression de s’immiscer, mais plutôt de s’assurer qu’une petite sœur allait bien. Elle acquiesça pour elle-même, justifiant sa décision dans son esprit avant d’entrer dans l’appartement d’une femme qu’elle n’avait rencontrée qu’une fois dans sa vie.

      La porte grinça à nouveau lorsque son coude frôla le chambranle, et elle s’ouvrit encore davantage. Melissa hésita et crut entendre des voix dans le couloir. Elle jeta un coup d’œil en direction de l’escalier.

      Un jeune couple avançait le long de la rampe, la remarqua et, au lieu de hocher la tête ou de lui adresser un signe de la main, continua joyeusement son chemin. Melissa soupira et entra dans l’appartement – et se figea sur place. Le réfrigérateur était ouvert. Une étrange lumière jaune se reflétait sur le sol de la cuisine.

      Amanda était là. Elle était assise par terre, en face du mur. Son dos était à moitié appuyé contre les placards, une omoplate appuyée contre le bois, l’autre dépassant, son bras gauche reposant sur le sol.

      – As-tu renversé quelque chose ? demanda Melissa en avançant dans la pièce obscure.

      Du vin s’était répandu sur le sol sous le bras gauche d’Amanda. Melissa fit encore quelques pas et se tourna vers Amanda, toujours souriante.

      Son sourire se figea. Les yeux morts d’Amanda la fixaient, au-dessus d’une profonde coupure dans son cou. Du sang tachait le devant de sa chemise et continuait à se répandre sur le sol où il s’était épaissi contre le linoléum.

      Melissa ne cria pas, ne hurla pas. Elle se contenta de haleter, les doigts tremblants alors qu’elle s’efforçait de mettre la main sur son inhalateur. Elle trébucha vers la porte, attrapant son inhalateur d’une main et son téléphone de l’autre.

      Après quelques inspirations, elle laissa échapper un gémissement et, les doigts tremblants, elle appela le 17.

      Toujours haletante, dos au mur à l’extérieur de l’appartement, elle déglutit et attendit que l’opérateur décroche. Derrière elle, elle avait l’impression de distinguer un bruit discret de liquide qui s’écoulait sur le sol.

      C’est alors seulement qu’elle hurla.

      CHAPITRE QUATRE

      Adèle jeta un coup d’œil à sa montre intelligente, faisant défiler les différents écrans qui contrôlaient son rythme cardiaque, ses mouvements, sa musique… Elle inspira par le nez d’où elle se tenait dans l’embrasure de la porte de son appartement et consulta l’heure. Quatre heures du matin exactement. Beaucoup de temps pour faire une course de deux heures avant d’aller travailler. Elle ajusta le bandeau qui retenait ses cheveux et observa par-dessus son épaule en direction de l’évier.

      Elle avait laissé son bol Mickey Mouse en plastique sur la délimitation métallique entre l’évier et le comptoir. Normalement, Adèle nettoyait toujours tout de suite. Mais aujourd’hui, dans le petit appartement tranquille…

      – Ça peut attendre, lança-t-elle à la cantonade.

      Le fait de n’avoir personne à qui parler, bien sûr, faisait partie du problème.

      La nuit dernière, elle avait dormi seulement par intermittence. Le sommeil avait semblé l’éviter. Adèle se tenait sur le seuil de la porte alors que la montre numérique affichait 4 heures 01. Elle toisa l’évier encore une fois, marmonna des mots incompréhensibles puis entra à contrecœur dans la cuisine, saisit son bol en plastique et ouvrit l’eau, irritée. Elle rinça les restes de lait au fond, et plaça le bol dans l’égouttoir avant de se diriger vers la porte.

      Mais avant qu’elle ne puisse tourner la poignée, un léger gazouillis attira son attention. Les yeux d’Adèle se dirigèrent vers la table de la cuisine. Son téléphone vibrait.

      Elle fronça les sourcils. Les seules personnes qui l’appelaient aussi tôt étaient son père en Allemagne, ou son travail.

      Et elle avait parlé avec son père il y avait quelques jours seulement. Elle ne fut donc pas surprise de voir un seul mot s’afficher sur l’écran bleu-vert brillant.

      Bureau.

      Elle décrocha alors que la vibration s’arrêtait. Adèle relut les trois mots simples en texte noir qui clignotaient sur son écran. Urgent. Venez.

      Adèle retira son bandeau et s’empressa de retourner dans sa chambre pour se changer et enfiler une tenue de travail. Son jogging devrait attendre.

***

      Adèle traversa le parking, passa les contrôles de sécurité en ne s’arrêtant qu’une seule fois pour déposer un café à Doug, l’un de ses amis de l’équipe de sécurité. Lorsqu’elle atteignit le quatrième étage et le bureau de l’agent superviseur Grant, elle distinguait déjà des voix à travers la porte en verre opaque.

      Adèle entra et se figea.

      Sur deux grands écrans fixés au mur s’affichaient des visages qu’Adèle connaissait bien. À gauche, au-dessus du bureau de Grant, l’agent exécutif Foucault, superviseur de la DGSI. À droite, près de la fenêtre qui donnait sur la ville, Adèle

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