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prudemment à découvert. Elle entendit crier dans l'auberge derrière elle, Eoris ou Syrelle avait dû entrer dans la chambre et découvrir sa disparition. Les savoir à sa poursuite lui donna des ailes, elle courut vers les buissons en bordure de route afin de se cacher, être en sûreté.

      “Elle est là !” ils l'avaient repérée. Elle continua d'avancer, ne sachant que faire, elle retomberait entre leurs griffes si elle s'arrêtait.

      Elle ne pouvait pas courir plus vite mais se déplaçait parmi les arbres et les buissons bordant le chemin, elle haletait, slalomait dans l'espoir de semer ses poursuivants.

      Lenore entendit des bruits de pas derrière elle, elle se refugia derrière un arbre, n'osant pas regarder derrière. Elle devait atteindre le prochain arbre, la végétation y était plus dense. Elle parviendrait peut-être à les semer, elle devait faire un choix. Droite ou gauche … gauche ou droite …

      Lenore prit à gauche et comprit immédiatement qu'elle avait pris la mauvaise décision, des mains vigoureuses s'emparèrent d'elle, on la plaqua au sol, elle avait le souffle coupé. Elle essaya de lutter mais c'était peine perdu. L'homme attrapa ses mains qu'il noua et la releva.

      Il s'agissait d'Ethir, l'homme qui l'avait retrouvée aux écuries ; le premier qui l'avait … Il la souleva comme un fétu de paille et la remit sur pieds.

      “Vous allez regretter de vous être enfuie, Princesse,” dit-il d'un ton doucereux. “Nous ferons en sorte que vous le regrettiez.”

      “Je vous en supplie,” implorait Lenore, peine perdue. Ethir la traîna vers les chevaux qui patientaient et le voyage vers le sud, des moments d'horreur l'attendaient par-delà les ponts menant aux confins du royaume.

      CHAPITRE DEUX

      Le Roi Godwin II du Royaume du Nord, installé sur son trône devant sa foule de courtisans, avait du mal à garder son calme. Il détestait être assis là, comme si de rien n'était, après ce qui s'était produit, sa fille Nerra avait été contrainte à l'exil. Il voulait quitter son trône et partir à sa recherche mais c'était impossible.

      Il devait rester assis et recevoir sa cour, dans ce grand salon qui portait encore les traces du festin. Le grand salon était immense, tout en pierre, des bannières au mur indiquaient les ponts délimitant le territoire du Nord. Des tapis avaient été installés, chacun réservé à un rang particulier de la noblesse, ou à des familles de nobles.

      Il devait se tenir devant eux, seul, Aethe ne se montrerait jamais devant les courtisans qui avaient œuvré au renvoi de Nerra. Godwin aurait préféré être n'importe où, mais certainement pas ici : le royaume de Ravin, le troisième continent de Sarrass, peu importe.

      Comment faire semblant alors que Nerra était bannie, que sa benjamine, Erin, avait déserté pour devenir chevalier ? Godwin se savait échevelé, sa barbe grise pas soignée, ses robes tâchées, il n'avait guère fermé l'œil depuis ces derniers jours. Le Duc Viris et ses sbires le regardaient avec un amusement flagrant. Si le fils de cet homme ne devait pas épouser sa fille …

      Songer à Lenore l'apaisait. Elle était partie en procession, en compagnie de Vars. Elle serait bientôt de retour, tout se passerait bien. Entre temps, il devait s'occuper d'affaires sérieuses ; des rumeurs enflaient à la cour, un danger menaçait.

      “Montre-toi, mon fils !” tempêta Godwin. “Rodry, sors de là et montre-toi !”

      Son plus jeune fils fendit la foule, tous le regardaient, on aurait dit un chevalier, qu'il était d'ailleurs, tout le portrait de Godwin au même âge. Grand et musclé par des années de pratique de l'épée, les cheveux blonds coupés courts afin de ne pas être gêné. Un guerrier pur et dur, tous le regardaient avancer avec affection. Si seulement il réfléchissait, de temps à autre.

      “Tout va bien Père ?” demanda-t-il en faisant la révérence.

      “Non,” rétorqua Godwin. “Tu croyais que je ne découvrirais pas ce qui est arrivé à l'ambassadeur ?”

      Il s'adressait à son plus jeune fils, foncièrement honnête. Il ne pourrait plus s'en cacher et faire comme si de rien n'était. Vars aurait certainement dissimulé sa peur, Greave aurait cherché à négocier à grands renforts de palabres, mais Rodry se tenait là, solide comme un roc. Et censé en plus, vu sa réponse.

      “Je ne pouvais décemment rester sans rien faire, il venait d'insulter toute notre famille, notre royaume,” expliqua Rodry.

      “Tu as eu exactement le comportement qui s'imposait,” répliqua Godwin. “Tu as rasé ses cheveux, tué deux de ses gardes … Si tu n'étais pas mon fils héritier, tu serais pendu haut et court. Quant à tes amis …”

      “Ils n'y sont pour rien,” répondit Rodry, impassible, assumant l'entière responsabilité de ses actes. S'il n'était pas si hors de lui devant leur stupidité à tous, Godwin serait presque fier de lui.

      “Ils se feront pincer tôt ou tard. Crois-tu qu'un homme tel que le Roi Ravin passera l'éponge ? J'ai renvoyé son ambassadeur car il ne pouvait rien nous faire. Tu lui as offert une bonne raison de passer à l'offensive sur un plateau.”

      “Nous serons tous présents pour l'arrêter le moment voulu,” affirma Rodry. Il ne regrettait rien. Il était certes un adulte, un chevalier, mais il n'avait jamais vraiment connu la guerre. Oh, il s'était battu contre des bandits et des créatures, comme tout Chevalier d'Argent qui se respecte, mais il n'avait jamais affronté une armée au champ de bataille comme Godwin dans sa jeunesse, vu le chaos, la mort …

      “Il suffit,” répondit Godwin. “Tu as agi bêtement, Rodry. Tu dois apprendre à te contenir si tu veux être roi.”

      “Je—” reprit Rodry, prêt à argumenter.

      “Tais-toi,” asséna Godwin. “Tu discutes car tel est ton caractère. Je suis le roi, l'affaire est close.”

      Godwin crut l'espace d'un instant que son fils se rebifferait, qu'il devrait le punir d'un juste châtiment en tant qu'héritier du trône. Rodry tint fort heureusement sa langue.

      “Si tu persistes dans tes erreurs, je me verrais contraint de te retirer ton grade de chevalier,” annonça Godwin. Il ne pouvait imaginer pire pour Rodry, le message ferait certainement mouche. “Hors de ma vue, avant que je perde mon calme, tout comme toi.”

      Rodry s'empourpra, il pensait que son fils resterait pour argumenter mais il préféra s'abstenir. Il pivota sur ses talons et quitta le hall. Ça lui servirait peut-être de leçon. Il se rassit sur son solide trône en bois sombre, attendit de voir qui oserait l'approcher, sa colère contre son fils couvant toujours.

      Finnal, son futur gendre, prit la parole, il s'avança d'un pas léger et effectua une gracieuse révérence.

      “Votre Majesté. Pardonnez-moi mais au vu des évènements ayant émaillé les préparatifs du mariage, ma famille aurait quelques … requêtes à formuler.”

      Sa famille, c'est à dire le Duc Viris, se tenait dans le fond, tout sourire, aussi calme qu'un héron guettant sa proie sur la rive. Cet homme n'était jamais directement responsable de quoi que ce soit, mais il était toujours présent, hors d'atteinte, le parfait innocent.

      “Quel genre de requêtes ?” demanda Godwin.

      Finnal avança et lui tendit un rouleau de parchemin. L'approche était subtile, il n'aurait ainsi pas à lire les demandes inscrites sur le parchemin.

      Car il s'agissait bien là de demandes ; voilées certes, mais des demandes tout de même. Alors qu'avant, les terres offertes en dot se bornaient à quelques villages ici et là, la donne avait désormais changé, tous étaient concernés. Ce qui impliquait plus d'argent bien évidemment, mais les bénéfices réels étaient tout autres, englobaient un bateau de pêche par-ci, une taxe sur la farine par là. Trois fois rien, Godwin passerait probablement pour un miséreux s'il en prenait ombrage, mais mis bout à bout, le pécule ainsi constitué devenait non négligeable.

      “Ce n'est pas ce que nos familles avaient convenu,” précisa-t-il.

      Finnal

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