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rit doucement en faisant semblant de ne pas entendre le mensonge sous-jacent. “Bien sûr. Qu'est-ce qu'on pourrait bien désirer d'autre ?”

      “Pourquoi ne le dites-vous pas vous aussi ?” répliqua Felene. “Qu'est-ce que vous voulez, princesse ? Pourquoi tous ces efforts ?”

      “Je veux être en sécurité”, dit Stephania, “et je veux me venger de ceux qui m'ont pris Thanos.”

      “Vous voulez vous venger de l'Empire ?” dit Felene. “J'imagine que je pourrais avoir la même envie. Ils m'ont envoyé sur leur île-prison, après tout.”

      Si elle voulait croire que Stephania voulait se venger de l'Empire, alors, qu'elle le croie. Les cibles de la colère de Stephania étaient plus faciles à cerner : Ceres, puis Thanos, puis tous ceux qui les avaient aidés.

      Stephania se répéta silencieusement ce qu'elle s'était juré de faire à Delos. Elle allait élever son enfant pour qu'il devienne l'arme parfaite contre son père. Elle allait élever son enfant avec amour : elle n'était tout de même pas un monstre. Cela dit, cet amour aurait aussi un but. L'enfant apprendrait ce que son père avait fait.

      Et qu'il existait des choses que l'on ne pouvait jamais pardonner.

      CHAPITRE QUATRE

      Pendant la plus grande partie du voyage vers Felldust, Lucious avait eu envie de poignarder quelqu'un. Maintenant qu'il se rapprochait, son envie ne faisait que grandir. Il portait des vêtements crasseux, le soleil lui tapait dessus et il fuyait un empire qui aurait dû s'empresser de lui obéir.

      “Fais attention où tu mets les pieds, mon gars”, avait dit un des marins en poussant Lucious pour pouvoir attacher une corde au bon endroit. Lucious ne s'était pas soucié de retenir le nom de cet homme mais, à présent, il se disait qu'il aurait dû le faire, ne serait-ce que pour pouvoir se plaindre de son équipage au capitaine de ce rafiot.

      “'Mon gars' ? Tu sais qui je suis et tu oses m'appeler 'mon gars' ?” demanda Lucious. “Je devrais aller trouver le capitaine Arvan et te faire fouetter.”

      “Vas-y”, dit le marin du ton las de de celui qui sait qu'il n'a rien à craindre. “Tu verras bien.”

      Lucious serra les poings. Le pire, c'était la sensation de ne compter pour rien. Le capitaine Arvan se tenait sur la passerelle, la barre en main. Sa silhouette corpulente tanguait à chaque fois que le bateau prenait une vague. Il avait parfaitement fait comprendre à Lucious qu'il n'était intéressé que par son argent.

      Comme depuis son départ de Delos, la colère lui évoqua des images de sang et de pierre. Le sang de son père, dont la pierre de la statue de son ancêtre était maculée.

      Celle avec laquelle tu m'as tué.

      Lucious sursauta en entendant la voix, qui l'avait pourtant bien accompagné depuis qu'il avait donné le premier coup, aussi claire qu'un ciel matinal, aussi profonde que la culpabilité. Lucious ne croyait pas aux fantômes mais le souvenir de la voix de son père était encore là et elle lui répondait dès qu'il essayait de penser. Oui, c'était seulement son propre esprit qui lui jouait des tours, mais cette constatation n'était guère réconfortante. Cela signifiait simplement que même ses propres pensées allaient à l'encontre de ses désirs.

      Rien ne marchait droit, en ce moment. Le capitaine du bateau sur lequel il avait trouvé passage ne l'avait accepté qu'à contrecœur, comme si ce n'était pas pour lui un honneur d'avoir Lucious à bord pendant son voyage. Ses hommes traitaient Lucious avec mépris, comme un criminel ordinaire qui fuyait la justice, au lieu de le considérer comme le souverain légitime de l'Empire, à qui on venait de voler cruellement son trône.

      Le trône de Thanos.

      “Pas le trône de Thanos”, répondit sèchement Lucious au vide qui l’entourait. “Le mien.”

      “Tu as dit quelque chose ?” demanda le marin sans se soucier de se retourner.

      Lucious s'éloigna de lui et donna un coup de poing au bois du mât par pure contrariété, mais cela ne fit que lui donner soudainement mal aux jointures des doigts et en égratigner la peau. S'il avait pu faire ce qu'il voulait, il aurait aussi dépecé un ou deux membres de l’équipage.

      Cependant, Lucious gardait ses distances avec eux et restait dans les parties dégagées du pont où on lui avait dit qu'il pouvait aller, comme s'il était un quelconque roturier à qui il fallait dire où il avait le droit de se tenir, comme s'il ne pouvait pas légitimement revendiquer tous les vaisseaux de l'Empire si tel était son bon vouloir.

      Pourtant, c'était exactement ce qu'avait fait le capitaine du bateau. Il avait clairement indiqué à Lucious qu'il faudrait qu'il reste à l'écart de l'équipage pendant qu'il travaillait et qu'il ne cause aucun dérangement.

      “Autrement, tu te retrouveras à l'eau et tu pourras rejoindre Felldust à la nage”, avait dit l'homme.

      Tu aurais peut-être dû le tuer comme tu m'as tué, moi.

      “Je ne suis pas fou”, se dit Lucious. “Je ne suis pas fou.”

      Il ne l'accepterait jamais, tout comme il n'accepterait jamais que les hommes continuent à lui parler sur un ton méprisant comme s'il comptait pour rien. Il se souvenait encore de la furie froide qui s'était emparée de lui quand il avait frappé son père, quand il avait senti le poids de la statue dans sa main et s'en était servi pour frapper parce que c'était le seul moyen de garder ce qui lui revenait.

      “Tu m'y as poussé”, marmonna Lucious. “Tu ne m'as pas laissé le choix.”

      Je suis tout aussi convaincu qu'aucune de tes victimes ne t'a donné le choix, dit la voix intérieure. Tu en es à combien de meurtres, maintenant ?

      “Quelle importance ?” demanda Lucious. Il avança à grands pas vers la balustrade et hurla par-dessus le tumulte des vagues. “Ça n'a aucune importance !”

      “Silence, gamin, on essaie de travailler, ici !” cria le capitaine du navire depuis la passerelle.

      Tu n'es même pas capable de faire ce qu'il faut au milieu de l'océan, dit sa voix intérieure.

      “Tais-toi”, répondit sèchement Lucious. “Tais-toi !”

      “Tu oses me parler sur ce ton, gamin ?” demanda le capitaine en descendant sur le pont principal pour le défier. L'homme était plus grand que Lucious et, normalement, Lucious aurait dû avoir peur. Cependant, il n'avait plus de place pour la peur parce que ses souvenirs l'avaient chassée. Des souvenirs de violence. Des souvenirs de sang. “Je suis le capitaine de ce vaisseau !”

      “Et moi, je suis un roi !” répliqua Lucious en envoyant un direct prévu pour frapper l'autre homme à la mâchoire et l'envoyer chanceler en arrière. Lucious n'avait jamais cru au fair-play.

      En fait, le capitaine recula en évitant facilement le coup. Lucious glissa sur le pont humide et, à ce moment, l'autre homme le gifla.

      Une gifle ! Comme s'il n'était pas un guerrier, un ennemi digne de ce nom mais une quelconque prostituée qui venait de parler sans autorisation ! Comme s'il n'était pas un prince !

      Malgré cela, le coup suffit à le faire tomber sur le pont et il poussa un petit cri de colère.

      Tu ferais mieux de rester où tu es, mon garçon, murmura la voix de son père.

      “Tais-toi !”

      Il plongea la main dans sa tunique pour y prendre le couteau qu'il y gardait. Ce fut à ce moment que le capitaine Arvan lui donna un coup de pied.

      Le premier coup atteignit Lucious au ventre et fut assez dur pour le faire tomber, de ses genoux, sur le dos. Le second ne fit que lui taper légèrement la tête mais fut quand même assez violent pour lui faire voir des étoiles. Il ne parvint nullement à faire taire la voix de son père.

      Et tu

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