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graines de la poussière jouaient dans les particules minuscules du soleil. Bill se rassit sur son divan, hypnotisé par cette image magique.

      Il la regardait très longuement. La même question, qui l’avait tourmenté tout ce temps-là, commençait à se formuler à l’intérieur de lui: «Que faire? Comment trouver une harmonie dans tous ses rapports? Comment éviter tous ces conflits, si fatigants?» Bill attendait patiemment la réponse, sachant cette fois-ci, qu’elle arriverait tôt ou tard. Et elle ne tarda pas à arriver…

      Christine s’arrêta devant la grande fontaine à l’entrée du jardin. C’était dimanche, Christine ne devait pas aller au travail, mais quelque chose l’avait poussée à venir sur cette place. Peut-être, ses souvenirs d’une agréable sensation de rêve, qu’elle avait éprouvée quelques jours avant… La journée se déclinait vers le crépuscule, ce qui n’empêchait pas aux fleurs de garder leurs couleurs intenses, leur aromate se répandait très loin, et Christine se sentait enveloppée par toutes ces senteurs. Cette fois-ci, Christine s’imaginait dans une grande villa, assise sur un divan moelleux, en cuir blanc, devant une grande baie vitrée, cachée derrière des rideaux épais, qui laissaient passer quelques rayons de soleil…

      Les souvenirs des voyages sur les îles italiennes tournaient lentement dans sa tête. «Pourquoi les îles? Ça fait si longtemps… Je les ai presque oubliées… Pourquoi maintenant je m’en souviens?», se demandait-elle consciemment. Et sa voix intérieure lui redondait: «Les îles, les îles, là, où tu as vu Noureev…» Elle comprenait, pourtant, que rien dans sa vie actuelle ne pouvait l’emmener dans ces îles méditerranéennes. Elle n’avait aucun moyen de se rendre là-bas dans l’immédiat. Elle demanda à sa voix intérieure: «Comment tu veux que je me rende là-bas?» La réponse changea subitement de voix. C’était une voix d’homme, basse et épaisse, qui lui répondait: «Moi, je t’emmènerai. Où es-tu, toi?» «Je suis à Paris, mais qui est-tu, toi?», répondit subitement Christine. Puis elle entendit la voix à nouveau: «J’arrive! Tu me verras en arrivant, il faut qu’on en parle! Tu m’attends à la même heure et à la même place!»… Et puis la voix disparut…

      «Voilà, c’est parfait, encore une fois je me suis tellement plongée dans mon imaginaire, que je ne me suis pas rendu compte, que je parle dans ma tête! Qu’est-ce que penseront les gens autour!» Christine tourna la tête et regarda autour d’elle. Heureusement, ils étaient tous occupés par eux-mêmes. «Ils ne me regardent même pas, tant mieux! Il est peut-être temps que je rentre, la pluie va tomber bientôt…» Christine regarda le ciel et se précipita de monter dans un bus pour échapper aux premières gouttes de la pluie.

      Bill n’avait entendu que la fin de la phrase: «Comment me rendrai-je là-bas?» Qui sait pourquoi, Bill comprit tout de suite qu’il s’agissait des îles, citées par la petite voix d’hier soir, et il reprit le jeu: «Moi, je t’emmènerai!» mais il se demanda aussitôt: «Mais qui dois-je emmener? Moi-même? Qui d’autre? Il n’y a personne dans cette chambre, à côté de moi?» Et il lança: «Où es-tu, toi?» Mais à ce moment le téléphone sonna. Il décrocha:

      – J’arrive! Tu me verras en arrivant, dit-il dans l’appareil. Il faut qu’on en parle! Tu m’attends à la même heure et à la même place! Et il raccrocha, prit son blouson et se précipita vers la sortie.

      Le bureau de Bill était aussi spacieux que sa maison, tout respirait l’argent et le luxe. Il se plongea dans un énorme fauteuil et commença à feuilleter un magazine de mode. Sa secrétaire lança en rentrant: «On a reçu un e-mail à votre nom. Je sais que vous ne lisez jamais les e-mails des inconnus, mais il est tellement étrange… Voilà, jugez par vous-même!» Elle lui tendit la feuille imprimée et s’éclipsa derrière la porte. Bill jeta la feuille sur sa table et sortit dehors. La première moitié de la journée s’était passée, comme d’habitude, sans trop de bouleversements.

      La routine cinématographique n’était pas si différente de n’importe quelle autre routine: les gestes habituels, les gens habituels, les rituels des rencontres qui se ressemblaient les unes les autres comme deux gouttes d’eau. Toute cette banalité commençait à ennuyer Bill. «Quoi encore? Où trouver la satisfaction de la vie? Plus d’argent? J’en ai assez… Plus de femmes? J’en ai autant que je peux le souhaiter… Un peu d’aventures, peut-être? Les îles… Ah… si… les îles, mais lesquelles?»

      Bill n’arrêtait pas de penser à ces îles…

      Mais aucune idée, plus ou moins explicite, ne lui venait à l’esprit.

      Son regard glissait par-dessus la table, pleine de papiers de toutes sortes. «… Tu trouveras sur les îles, ce que tu cherches…», une seule phrase tournait depuis des heures. «L’obsession! s’écria Bill. Je commence à les voir partout, ces îles!» et il posa son regard sur le papier imprimé et se mit à lire: «Cher Monsieur Bill! Je sais que ma lettre va vous paraître bizarre, mais je ne peux pas ne vous faire part de mon éblouissante découverte! Nous sommes parents!»

      – Magnifique découverte! s’écria Bill. Vous ne pouvez pas inventer quelque chose de plus originale! Tous ces fans, comment ils me fatiguent!

      Mais la ligne suivante accrocha son regard à nouveau: «… Le fait que nous, moi et vous, nous sommes parents, ne vous paraîtra pas une nouvelle si extraordinaire, mais le fait que nous sommes tous les deux les descendants du Grand tsar Dimitri, et que nous sommes tous les deux héritiers de ses biens, se trouvant sur les îles de Noureev, vous éblouira davantage! Comment ces biens ont atterri sur ces îles, je vous raconterai, quand nous nous verrons. Je reprendrai contact avec vous très prochainement! Paul.»

      «Rien d’autre que le Grand tsar Dimitri! Rien d’autre que les îles de Noureev! Encore un Russe célèbre! Mais moi, qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans! Ces fans! Quelle imagination! Je les admire! Ils sont capables de tout pour pouvoir s’immiscer dans ma vie privée!» Il jeta ce bout de papier sur la table, en sentant qu’une nouvelle vague de colère commençait à remonter en lui. Il bascula en arrière du fauteuil, puis se mit à regarder les pages d’internet très nerveusement, en cliquant sur toutes les fenêtres sans y prêter d’intention. Bill pensait à une autre chose… «Qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans?» Une seule pensée tournait dans sa tête…

      «Les îles, Noureev… je ne le connaissais même pas! Un danseur… oui, paraît-il, il possédait des îles dans la mer Méditerranéenne, en face de la côte Napolitaine… C’est tout ce que je sais…», Bill n’arrêtait pas de frotter son front. Il pouvait très bien se débarrasser de ce papier et oublier cette histoire comme beaucoup d’autres, mais la petite voix intérieure, elle aussi, elle lui avait parlé de ces îles… c’est tellement bizarre… l’existence de cette voix ne lui permettait pas d’abandonner cette nouvelle, comme totalement insignifiante.

      «Et encore cette idée du tsar!» Cela ne rentrait dans une aucune explication logique, car ni Bill, ni ces ancêtres, n’avaient aucun lien avec la Russie, en tout cas, d’après ce qu’il savait déjà. Et tout cet envahissement subit de consignes très étranges l’intriguait. Il n’était pas de nature peureuse, et ces événements, il les prenait avec beaucoup de curiosité, mais rien ne lui indiquait pour autant, par quel chemin il pouvait avancer pour comprendre quelque chose. Bill décida d’attendre de nouvelles consignes: «S’ils veulent rentrer en contact avec moi pour une finalité que j’ignore, alors ils vont insister encore une ou plusieurs fois. Nous verrons ce qu’il adviendra plus tard!», ce jeu commençait à lui plaire car, de façon très inattendue, il amenait un léger suspense dans sa routine quotidienne.

      La préparation du film devenait un petit peu plus agréable pour lui, mais personne, ni son entourage proche, ni ses amis ne savaient rien de ce qui s’était passé avec lui. En plus, Bill n’avait pas grand-chose à leur raconter… «Quoi, il va leur parler des voix qu’il entend? Ridicule! Encore la lettre, c’est une preuve, mais preuve de quoi? Il y a tellement de bêtises sur internet! Et qui est-ce Paul?» Rien, rien ne le raccrochait pour l’instant à une logique quelconque de sa vie réelle, c’était quelque chose d’ordre extra, venu complètement d’ailleurs,

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