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du Sud l’avaient frappée au nez, dès que Christine avait quitté le train. Sa mère l’attendait sur les quais.

      – Maman, j’ai passé un voyage fantastique! Le train a été si rapide que je n’ai même pas remarqué le temps passé!

      – Quelle exaltation pour un simple trajet, ma fille!

      Christine comprit qu’il fallait cacher légèrement ses sentiments envers Bill, sinon sa mère aurait commencé à lui poser des questions, pour lesquelles elle n’avait aucune réponse: «Combien il gagne, a-t-il des enfants, a-t-il un métier stable?»

      Toutes ces questions n’avaient aucun sens pour l’instant. «Pour l’instant…», se répétait-elle.

      – Maman, je suis si contente qu’on soit à nouveau ensemble! Je suis tellement fatiguée de la ville. La vie dans la campagne est si agréable!

      – Oui, on se sent plus près du sens de la vie, lui répliqua sa mère, et ses paroles retentissaient avec force dans la tête de Christine: «Oui, on se sent plus près… On se sent plus près!»

      Bill s’approchait de l’aéroport de Paris. L’hôtesse de l’air annonçait l’atterrissage avec une voix très douce, leur demandant avec un léger accent français «d’attacher leurs ceintures».

      D’un coup, il se demanda: «Mais quelle langue parle Christine?» Avant, cette question ne lui était pas passée par la tête, il la comprenait, c’est tout… Encore un doute se glissait dans sa conscience. Il commençait à se rebeller contre sa conscience, si rigide et si contestatrice!

      «Pourquoi sa conscience ne le laissait pas en paix avec lui-même à vivre cette expérience extraordinaire? Pourquoi elle ne se tait pas et ne lui laisse pas la possibilité de découvrir tout, pas à pas, quel que soit le résultat? Pourquoi elle veut être si pressée à connaître la fin de l’histoire qui n’a même pas encore commencé! Fiche-moi la paix!!!», cria-t-il dans sa tête, en s’adressant à sa conscience.

      De l’extérieur, il avait l’air tellement agité que l’hôtesse de l’air lui a demandé s’il ne voulait pas boire quelque chose?

      – Oui, oui, du whisky, un double! Il essayait de prendre l’accent français.

      L’hôtesse de l’air lui fit un grand sourire:

      – Vous avez un rendez-vous par internet?

      – Oui, en quelque sorte, a-t-il dit avec effort.

      – On voit beaucoup de gens s’agiter comme ça, comme vous, ici, dans les airs; après ils reviennent, très souvent, beaucoup plus raisonnables. Mais il ne faut pas désespérer, peut-être, vous êtes unique dans l’Univers? Et vous aurez votre chance!

      – Peut-être… lui répondit Bill, souriant.

      – Vous ressemblez beaucoup à un acteur américain… que j’aime beaucoup…

      – Non, non, souvent on me prend pour lui! se précipita à répondre Bill. On m’a même demandé si je ne voulais pas être son sosie! Mais non, désolé… c’est pas lui…

      – Dommage, sinon, je vous aurais demandé un autographe! Pour ma fille, bien sûr!

      «Heureusement, on va atterrir», a pensé Bill. Il n’avait guère envie de donner des autographes à tout le salon de l’avion.

      Dans son hôtel, où les fenêtres donnaient sur le grand jardin des Tuileries, Bill avait remarqué un petit mot qui l’attendait sur la table. Dans une enveloppe en papier spécial, sans le timbre de la poste, il se reposait sur la surface vernie. «Encore des lettres des fans! Non, je la lirai plus tard!», se dit Bill en se dirigeant vers le grand canapé au fond du salon de sa suite.

      Sur la petite table basse il y avait un grand vase avec le magnifique bouquet de roses, offert, probablement, par la direction de l’hôtel car ils devaient être fiers de recevoir une telle vedette dans leurs murs. Le numéro de sa suite était impeccable: des tableaux de Renoir dans des cadres dorés, de magnifiques services de porcelaine fine dans les vitrines, des divans, des tapisseries des Gobelins, des tapis persans couvrant le parquet… tout correspondait parfaitement à son goût californien!

      Bill a sorti de son sac de voyage le bouquet de ses fleurs, à peine vivantes, puis il a enlevé les roses de leur vase et a mis ses fleurs à la place. C’était l’heure du crépuscule, le soleil tombait vers l’horizon, et les rayons bas se glissaient juste sur la table avec son bouquet dessus. Il a regardé sa montre, elle montrait dix heures du matin.

      «Mais, oui! J’avais oublié de changer l’heure, il est temps de la conversation… Où est-elle? Elle sera si contente de savoir que je suis arrivé!» Il devenait très impatient à l’idée de la voir, peut-être, déjà ce soir! Le sang pulsait dans ses trempes, la tension montait, il n’arrivait pas à se calmer.

      Bill buvait de plus en plus de whisky, en regardant le soleil se coucher, et il pensait que: «Peut-être, ce n’était qu’une hallucination de la fatigue, due à son travail, et qu’il faudra qu’il se repose avant de devenir complètement fou…» Doucement il s’endormit après la longue nuit passée dans un avion, comme il était, sur le canapé, devant ses fleurs d’Amérique…

      Christine était contente que sa mère se montrât discrète, sans la tourmenter avec des questions sur sa vie privée. Christine n’aimait jamais ces questions, surtout de la part de sa mère, car elle n’avait pas grand-chose à lui répondre. Sa vie était un chaos continu de rencontres qui terminaient toujours mal.

      Elle n’avait plus ni force, ni envie de rassurer sa mère, que cette fois-ci… ce sera le bon… Non, cette fois-ci, ce sera toujours la même chose. Pas de boulot intéressant, pas de mec intéressant, elle se considérait déjà, à ses 31 ans, une femme totalement ratée. Et elle ne pouvait pas, tout de même, raconter à sa mère, que son unique consolation était dans ses histoires imaginaires, qu’elle consommait, comme une vraie vie.

      «Comment je vais attaquer la conversation sur les îles? Elle a peut-être déjà tout oublié…», pensa Christine.

      – Maman! dit-elle à voix haute, viens ici, on va admirer le coucher du soleil, cette colline ouvre un paysage si magnifique! Maman… je ne sais pas comment t’expliquer, et ne me demande pas pour l’instant de te donner des explications… Mais quelqu’un m’a parlé des îles de Noureev… tu te souviens, on a été là-bas, quand j’étais petite?

      – Des mystères des îles de Noureev… a repris sa mère avec une voix basse et mystérieuse, juste au moment où le soleil a touché la ligne de l’horizon. Qui est-ce qui t’a parlé de cela? Ah, tu ne veux pas que je te demande… d’accord. La mère se plongea dans des souvenirs profonds. C’est une vieille légende. Noureev nous l’a racontée:

      Il y a très longtemps, les païens russes ont transmis au grand prince Vladimir des Connaissances. Sous quelle forme, personne ne le sait. Les grands princes les transmettaient d’une génération à l’autre, en les gardant dans un secret total. Personne, à part les familles royales, ne connaissait leur existence. Le grand tsar Dimitri, ayant peur des persécutions de la part de révolutionnaires, a confié ses Connaissances à un danseur du ballet russe, en l’aidant émigrer en Europe. Le grand tsar a financé lui-même son voyage et le reste de sa vie, ce danseur a vécu dans le luxe et la gaîté. Ne pouvant pas garder ces Connaissances dans la ville, ce danseur les a déplacées sur une île, complètement isolée dans la mer méditerranéenne, en face de la côte italienne. Mais ce n’est pas tout! Paraît-il, que le grand tsar avait encore un autre trésor de sa vie. C’était sa fille Alexandra, une jeune actrice, qu’il a cachée longtemps dans les provinces profondes de la Russie. Elle vivait loin de la cour, dans une petite ville de Sibérie. Elle était si belle et si talentueuse, que ses admirateurs, sans connaître sa haute provenance, lui faisaient des portraits, l’un desquels est resté intact dans les archives de son théâtre. Sur ce portrait, on voit bien une bague avec un grand rubis, que lui a offert son père. Quel est le destin de cette

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