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Considérations inactuelles, deuxième série. Фридрих Вильгельм Ницше
Читать онлайн.Название Considérations inactuelles, deuxième série
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Фридрих Вильгельм Ницше
Жанр Философия
Издательство Public Domain
Avec ce dessein il se place dans le domaine de la culture, car celle-ci est, pour chacun, l'enfant de la connaissance de soi et du sentiment de l'insuffisance individuelle. Chacun de ceux qui se déclarent son partisan déclare par là: «Je vois au-dessus de moi quelque chose de supérieur et de plus humain que moi-même; aidez-moi tous pour que je parvienne à l'atteindre, de même que je veux aider tous ceux qui témoignent comme moi et qui souffrent du même mal que moi, pour qu'enfin puisse naître de nouveau l'homme qui se sent complet et infini, dans la connaissance et dans l'amour, dans la contemplation et dans le pouvoir, l'homme qui, dans sa totalité, tient à la nature, juge et évaluateur des choses.» Il est difficile de placer quelqu'un dans cette condition d'intrépide connaissance de soi-même, parce qu'il est impossible d'enseigner l'amour. L'amour seul permet à l'âme de se juger elle-même avec un regard lucide, analyseur et méprisant et l'anime du désir de voir plus loin qu'elle-même, pour s'enquérir, de toutes ses forces, d'un moi supérieur, qui se tient encore caché quelque part. Donc, celui-là seul qui s'est attaché de tout cœur à un grand homme, quel qu'il soit, reçoit par là la première consécration de la culture. Les signes qui la font reconnaître sont l'humilité sans dépit, la haine que l'on a de sa propre étroitesse et de son manque d'élan, la compassion avec le génie qui sut s'arracher toujours à nouveau de notre atmosphère lourde et sèche, la divination de tous ceux qui se développent et qui luttent et, enfin, la conviction de rencontrer presque partout la nature dans sa détresse, la nature qui tente de s'approcher de l'homme, qui s'aperçoit avec douleur que l'œuvre est encore manquée, bien qu'elle puisse enregistrer des réussites partielles, des traits, des esquisses de l'œuvre parfaite. Il en est alors des hommes au milieu desquels nous vivons comme d'une accumulation d'ébauches artistiques et précieuses, où tout nous invite à mettre la main à la pâte, à terminer, à assembler ce qui doit être réuni, à compléter ce qui aspire à la perfection.
J' ai appelé «la première consécration de la culture» cette somme de conditions intérieures. Il me faut maintenant peindre l'effet de la seconde consécration et je sais fort bien qu'ici ma tâche est plus difficile, car il convient de faire le passage entre le fait intime et l'appréciation du fait extérieur; le regard doit se porter au loin pour retrouver, dans l'agitation du vaste monde, ce désir de culture tel qu'il le connaît d'après ces premières expériences. L'individu doit utiliser ses désirs et ses aspirations comme un chiffre qui lui permet de lire dès lors les aspirations des hommes. Mais, là encore, il ne faut pas qu'il s'arrête. De ce degré il devra s'élever au degré supérieur. La culture n'exige pas seulement de lui ces expériences personnelles, non seulement l'appréciation du monde extérieur qui l'entoure, mais encore et principalement un acte déterminé, à savoir, la lutte pour la culture et la guerre à toutes les influences, toutes les habitudes, toutes les lois, toutes les institutions dans les quelles il ne reconnaît pas son but, la production du génie.
Celui là donc qui est capable de se placer sur le second degré est frappé tout d'abord de voir combien ce but échappe généralement à la sphère de la connaissance, combien, par contre, la préoccupation de la culture est universelle et combien sont énormes les forces que l'on emploie à son service. On se demande avec étonnement si une pareille connaissance est indispensable. La nature n'atteindrait-elle pas son but, lors même que le plus grand nombre saurait mal déterminer la raison de ses propres préoccupations? Celui qui s'est habitué à croire beaucoup en la finalité inconsciente de la nature n'aura pas de peine à répondre: «Il en est ainsi! Laissez les hommes dire et penser ce qu'ils veulent de leur but final, ils ont conscience qu'une obscure poussée les mène sur le droit chemin.»
Pour pouvoir soulever ici des objections, il faut avoir vécu quelque peu; mais celui qui est véritablement convaincu que c'est le but de la culture d'accélérer la venue des grands hommes et que la culture ne saurait avoir d'autre but, et qui compare maintenant, celui-là s'apercevra que la formation d'un pareil homme, malgré tout l'étalage et la pompe de la culture, ne se distingue pas beaucoup d'une cruauté persistante, telle qu'on l'inflige aux animaux. Il jugera alors qu'il est nécessaire que «l'obscure poussée» soit enfin remplacée par une volonté constante. Un autre argument se présentera encore à son esprit: il ne faut plus qu'il soit possible que cet instinct, inconscient de son but, cette obscure poussée tant vantée, soient utilisés à des fins toutes différentes et conduits sur des chemins où ce but supérieur, la création du génie, ne pourra jamais être atteint. Il existe, hélas! une sorte de culture profanée et asservie! Pour s'en apercevoir, il suffit de regarder autour de soi. Ce sont précisément les forces qui prétendent aujourd'hui accélérer la culture de la façon la plus active qui sont animées d'arrière-pensées et dont l'activité en faveur de la culture n'est ni pure ni désintéressée.
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