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portions de son rôle appartiennent entièrement à Shakspeare, ainsi que la plus grande partie des méditations de Henri pendant la bataille de Towton, son discours au lieutenant de la Tour, sa scène avec des gardes-chasse, etc.; ces morceaux ne se trouvent point ou sont à peine indiqués dans la pièce originale. Il est aisé de reconnaître les passages ajoutés, car ils se distinguent par un charme et une naïveté d'images que n'offre nulle part ailleurs le style de l'ouvrage original. Quelquefois aussi les endroits retouchés par Shakspeare, soit sur son ouvrage, soit sur celui d'un autre, se font remarquer par la recherche d'esprit qui lui est familière, et qui n'est pas ici compensée par cette conséquence et cette cohérence des images qui, dans ses bons ouvrages, accompagnent presque toujours ses subtilités. C'est ce qu'on peut remarquer, par exemple, dans les regrets de Richard sur la mort de son père; il serait difficile de les attribuer à d'autres qu'à Shakspeare, tant ils portent son empreinte; mais il serait également difficile de les attribuer à ses meilleurs temps, et leur imperfection pourrait servir encore à prouver que les trois parties de Henri VI, telles que nous les avons aujourd'hui, nous offrent, non pas Shakspeare corrigé par lui-même dans la maturité de son talent, mais Shakspeare employant le premier essai de ses forces à corriger les ouvrages des autres. Il a au reste beaucoup moins retouché cette pièce-ci que la précédente, qui probablement lui a paru plus digne de ses efforts; excepté le discours de Marguerite avant la bataille de Tewksbury, une partie de la scène d'Édouard avec lady Gray, et quelques autres passages peu importants, on n'en peut guère ajouter d'autres à ceux qui ont déjà été cités comme appartenant entièrement à l'ouvrage corrigé. La plus grande partie de la pièce originale y est textuellement reproduite; on y retrouve de même le décousu qui a pu frapper dans la première et la seconde partie. Les horreurs accumulées dans celle-ci ne laissent pas d'être peintes avec une certaine énergie, mais bien éloignée de cette vérité profonde que, dans ses beaux ouvrages, Shakspeare a su, pour ainsi dire, tirer des entrailles mêmes de la nature.

PERSONNAGES

      LE ROI HENRI VI.

      LE DUC DE GLOCESTER, oncle du roi, et protecteur.

      LE DUC DE BEDFORD, oncle du roi, et régent de France.

      THOMAS DE BEAUFORT, duc d'Exeter, grand-oncle du roi.

      HENRI DE BEAUFORT, grand-oncle du roi, évêque de Winchester et ensuite cardinal.

      JEAN DE BEAUFORT, duc de Somerset.

      RICHARD PLANTAGENET, fils aîné de Richard, premièrement

      comte de Cambridge, ensuite duc d'York.

      LE COMTE DE WARWICK.

      LE COMTE DE SALISBURY.

      LE COMTE DE SUFFOLK.

      LORD TALBOT, ensuite comte de Shrewsbury.

      JEAN TALBOT, son fils.

      EDMOND MORTIMER, comte des Marches.

      LE GEOLIER DE MORTIMER.

      UN HOMME DE LOI.

      SIR JEAN FASTOLFFE.

      SIR WILLIAM LUCY.

      SIR WILLIAM GLANSDALE.

      SIR THOMAS GARGRAVE.

      WOODVILLE, lieutenant de la Tour de Londres.

      LE LORD MAIRE de Londres.

      VERNON, de la rose blanche, ou faction d'York.

      BASSET, de la rose rouge, ou faction de Lancastre.

      CHARLES, dauphin, depuis roi de France.

      RENÉ, duc d'Anjou, et roi titulaire de Naples.

      LE DUC DE BOURGOGNE.

      LE DUC D'ALENÇON.

      LE BATARD D'ORLÉANS.

      LE GOUVERNEUR DE PARIS.

      LE MAITRE CANONNIER de la ville d'Orléans, et son fils.

      LE GÉNÉRAL des troupes françaises à Bordeaux.

      UN SERGENT français.

      UN PORTIER.

      UN VIEUX BERGER, père de Jeanne d'Arc, la Pucelle.

      MARGUERITE, fille de René, et ensuite femme de Henri VI,

      et reine d'Angleterre.

      JEANNE, la Pucelle, dite communément Jeanne d'Arc.

      DÉMONS aux ordres de la Pucelle.

      LA COMTESSE D'AUVERGNE.

      Lords, gardiens de la tour, hérauts, capitaines, soldats,

      courriers, et autres suivants, tant anglais que français.

      La scène est tantôt en Angleterre, tantôt en France.

      ACTE PREMIER

      SCÈNE I

Abbaye de Westminster Marche funèbre. Le corps du roi Henri V, découvert, exposé solennellement, entouré des DUCS DE BEDFORD, DE GLOCESTER ET D'EXETER, DU COMTE DE WARWICK, DE L'ÉVÊQUE DE WINCHESTER, DE HÉRAUTS, ETC

      BEDFORD. – Que les cieux soient tendus de noir! que le jour cède à la nuit! comètes, qui amenez les révolutions dans les siècles et les États, secouez dans le firmament vos tresses de cristal, et châtiez-en les étoiles rebelles qui ont conspiré la mort de Henri, de Henri V, trop illustre pour qu'il vécût longtemps! Jamais l'Angleterre n'a perdu un si grand roi.

      GLOCESTER. – Avant lui, l'Angleterre n'avait jamais eu de roi. Il avait de la vertu et méritait de commander. Son épée, quand il la brandissait, éblouissait les yeux de ses éclairs. Ses bras s'ouvraient plus largement que les ailes du dragon: ses yeux, quand ils étincelaient du feu de la colère, étourdissaient, repoussaient plus sûrement ses ennemis que le soleil du midi lançant ses brûlants rayons sur leurs visages. Que dirais-je? Ses exploits sont au-dessus des récits. Jamais il n'a levé son bras qu'il n'ait conquis.

      EXETER. – Nous portons le deuil avec du noir; pourquoi ne le portons-nous pas avec du sang? Henri est mort et ne revivra jamais. Nous entourons un cercueil de bois, et nous honorons de notre glorieuse présence la honteuse victoire de la mort, comme des captifs enchaînés à un char de triomphe. Qui accuserons-nous? maudirons-nous les astres du malheur qui ont ainsi conspiré la ruine de notre gloire? ou faut-il croire que les rusés enchanteurs et magiciens français épouvantés auront, par des vers magiques, amené sa perte?

      WINCHESTER. – C'était un roi chéri du Roi des rois. Le terrible jour du jugement ne sera pas si terrible pour les Français que l'était sa vue. Il a livré les batailles du Dieu des armées: ce sont les prières de l'Église qui assuraient ses succès.

      GLOCESTER. – L'Église? Où est-elle? Si les ministres de l'Église n'avaient pas prié, le fil de ses jours ne se serait pas usé si vite. Vous n'aimez qu'un prince efféminé, que vous puissiez gouverner comme un jeune écolier.

      WINCHESTER. – Glocester, quoi que nous aimions, tu es protecteur de l'Angleterre, et tu aspires à gouverner le prince et le royaume; ta femme est hautaine: elle exerce sur toi plus d'empire que Dieu ou les ministres de la religion n'en pourraient jamais avoir.

      GLOCESTER. – Ne nomme point la religion, car tu aimes la chair: et, dans tout le cours de l'année, tu ne vas jamais à l'église, si ce n'est pour prier contre tes ennemis.

      BEDFORD. – Cessez, cessez ces querelles, et tenez vos esprits en paix. – Marchons vers l'autel. – Hérauts, suivez-nous. – Au lieu d'or, nous offrirons nos armes, puisque nos armes sont inutiles à présent que Henri n'est plus. – Postérité, attends-toi à des années malheureuses: tes enfants suceront les larmes des yeux de leurs mères, notre île nourrira ses fils de douleurs et de pleurs, et il ne restera que les femmes pour pleurer les morts. O Henri V, j'invoque ton ombre! fais prospérer ce royaume: préserve-le des troubles civils; lutte dans les cieux contre les astres ses ennemis; et ton âme sera au firmament une constellation bien plus glorieuse que celle de Jules César, ou la brillante…

(Entre un messager.)

      LE MESSAGER. – Salut à vous tous, honorables lords. Je vous apporte de France de tristes nouvelles

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