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      Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 7 avril 1790 (7 avril 1790)

      (L'Assemblée Constituante s'occupait de l'organisation du pouvoir judiciaire. Trois projets de décret lui étaient soumis sur cette matière importante. Les avis étant partagés sur la question de savoir auquel des trois projets on accorderait la priorité; il fut décrété que plusieurs questions fondamentales seraient discutées et décidées préalablement. Au nombre de ces questions étaient les deux suivantes: 1° Etablira-t-on des jurés? 2° Les établira-t-on en matière civile et en matière criminelle? La discussion s'engagea La majorité de l'assemblée penchait en faveur du jury, mais parmi ceux qui reconnaissaient l'utilité de cette institution admirable, il en était qui ne la croyaient applicable qu'au criminel, d'autres qui renvoyaient a l'année 1792 l'application du Jury au civil. Un député ayant dit: "Avant de discuter, qu'on me définisse donc ce que c'est que des jurés," Robespierre se leva et répondit ainsi à cette question.)

      D'après tout ce qui a été dit, il semble que pour fixer l'opinion il suffit de répondre à la question du préopinant eu définissant l'essence et en déterminant le principal caractère de la procédure par juré. Supposez donc, à la place de ces tribunaux permanents auxquels nous sommes accoutumés, et qui prononcent à la fois sur le fait et sur le droit, des citoyens jugeant le fait et des juges appliquant ensuite la loi. D'après cette seule définition, on saisira aisément la grande différence qui se trouve entre les jurés et les différentes institutions qu'on voudrait vous proposer. Les juges des tribunaux permanents, investis pour un temps du pouvoir terrible de juger, adopteront nécessairement un esprit de corps d'autant plus redoutable que, s'alliant avec l'orgueil, il devient le despotisme. Il est trop souvent impossible d'obtenir justice contre des magistrats en les attaquant soit comme citoyens soit comme juges. Quand ma fortune dépendra d'un juré je me rassurerai en pensant qu'il rentrera dans la société; je ne craindrai plus le juge qui, réduit à appliquer la loi, ne pourra jamais s'écarter de la loi: je regarde donc comme un point incontestable que les jurés sont la base la plus essentielle de la liberté; sans cette institution je ne puis croire que je sois libre, quelque belle que soit votre constitution.

      Tous les opinants adoptent l'établissement des jurés au criminel. Eh! quelle différence peut-on trouver entre les deux parties distinctes de notre procédure? Dans l'une, il s'agit de l'honneur et de la vie; dans l'autre, de l'honneur et de la fortune. Si l'ordre judiciaire au criminel sans jurés est insuffisant pour garantir ma vie et mon honneur, il l'est également au civil, et je réclame les jurés pour mon honneur et pour ma fortune. On dit que cette institution au civil est impossible: des hommes qui veulent être libres et qui en ont senti le besoin sont capables de surmonter toutes les difficultés; et s'il est une preuve de la possibilité d'exécuter l'institution qu'on attaque, je la trouve dans cette observation que beaucoup d'hommes instruits ont parlé dans cette affaire sans présenter une objection soutenable! Peut-on prouver qu'il est impossible de faire ce que l'on fait ailleurs, qu'il est impossible de trouver des juges assez éclairés pour juger des faits? Mais partout, malgré la complication de nos lois, malgré tous nos commentaires, les faits sont toujours des faits; toute question de fait sur une vente se réduira toujours à ce point: La vente a-t-elle été faite? (Murmures.) J'éprouve en ce moment même que l'on confond encore le fait et le droit. Quelle est la nature de la vente? Voilà ce qui appartient à la loi et aux juges. N'avez vous pas vendu? Cette question appartient aux jurés... Quoi! vous voulez donc que le bon sens, que la raison soit exclusivement affectée aux hommes qui portent une certaine robe? On a dit que notre situation politique ne permettait pas l'établissement des jurés: quelle est donc notre situation politique? Les Français, timides esclaves du despotisme, sont changés par la révolution en un peuple libre qui ne connaît pas d'obstacles quand il s'agit d'assurer la liberté; nous sommes au moment où toutes les vérités peuvent paraître, où toutes seront accueillies parle patriotisme. On dit que nous ne connaissons pas les jurés: j'en atteste tous les gens éclairés; la plupart des citoyens connaissent les jurés et en désirent l'établissement. On veut vous faire redouter les obstacles des gens de loi: c'est une injure qui leur est faite; ceux qui n'ont porté au barreau que le désir d'être utiles à leurs concitoyens saisiront avec enthousiasme l'occasion de sacrifier leur état si l'utilité publique l'exige... Suffit-il donc de se borner à apposer des convenances aux principes? rappelez-vous ce que vous avez fait; souvenez-vous que quand vous avez changé ce mot servile et gothique: Etats généraux, en cette expression: Assemblée nationale, qui a consacré tout à la fois vos droits et vos principes les plus sacrés de la constitution, les mêmes convenances ont été opposées par les mêmes personnes.

      Je conclus, et je dis que différer jusqu'à 1792 l'établissement des jurés au civil, c'est peut-être y renoncer pour toujours, c'est aider à la renaissance de cet esprit aristocratique qui se montre chaque jour avec une assurance qu'il avait perdue depuis plusieurs mois. Le moment le plus favorable pour cette belle institution était venu: vous différez! Qui vous a dit que ce moment reviendra? Et si vous n'êtes pas sûrs de son retour, de quel droit hasarderez-vous le bonheur du peuple.

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      Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 28 avril 1790 (28 avril 1790)

      (L'assemblée avait chargé son comité de jurisprudence criminelle de lui présenter un travail sur les conseils de guerre. Le député Beaumetz donna lecture d'un projet de décret dont les principales dispositions consistaient à rendre la procédure publique et à donner un conseil à l'accusé. Robespierre l'apprécia en ces termes:)

      Le décret qu'on vous propose est si important, qu'il est difficile de se déterminer après une seule lecture: cependant il est impossible de n'être pas frappé de son insuffisance; il ne fallait pas se borner à réformer quelques détails; mais on devait toucher à la composition des conseils de guerre. Vainement vous auriez donné un conseil à l'accusé, si, comme les autres citoyens, les soldats ne tenaient de vous le droit d'être jugé par ses pairs. Je ne prétends rien dire de désobligeant à l'armée française, en exposant avec force un sentiment que vous trouverez sans doute plein de justice. Il est impossible de décréter, dans les circonstances actuelles, que les soldats n'auront pas d'autres juges que les officiers... (Il s'élève quelques murmures). J'en conviens, il faut du courage pour dire, dans cette tribune, où une expression d'un membre patriote a été interprétée d'une manière défavorable, qu'il y a entre les soldats et les officiers des intérêts absolument opposés. Si cette réflexion est juste, serez-vous suffisamment rassurés sur le sort des soldats qui pour, raient être accusés? Ne craindrez-vous pas que quelquefois cette différence de sentiments sur la révolution se fasse naître des préjugés contre l'innocence des soldats? ne craindrez-vous pas que, sous prétexte de discipline, on ne punisse le patriotisme et l'attachement à la révolution? Mes observations sont conformes aux principes de l'Assemblée nationale: elle ne les violera pas, quand il s'agit de la sûreté des braves soldats auxquels nous devons une reconnaissance si sincère et si méritée.

      Je demande que désormais le conseil de guerre soit composé d'un nombre égal d'officiers et de soldats.

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      Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé à l'Assemblée constituante le 15 mai 1790 (15 mai 1790)

      (Un grand différend s'était élevé entre l'Espagne et l'Angleterre; les deux puissances faisaient des armements considérables et Louis XVI, par l'organe de M. de Montmorin, avait donné communication à l'assemblée des mesures qu'il avait cru devoir prendre pour assurer la tranquillité générale et pour la sûreté du commerce. Une discussion s'éleva à ce sujet sur la question de savoir à qui appartenait, du roi ou de l'assemblée, le droit de faire la paix ou la guerre. Voici quelle fut l'opinion de Robespierre:)

      S'il est un moment où il soit indispensable de juger la question de savoir à qui appartiendra le droit de faire la paix ou la guerre, c'est à l'époque où vous avez à délibérer sur l'exercice de ce droit. Comment prendrez-vous des mesures si vous ne connaissez

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