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son orthodoxie, lorsqu'il mourut sans se rétracter.

      La vie et les intrigues de sa femme Théodora paraissent avoir donné naissance à un nouveau genre d'histoire particulière inconnue jusqu'alors dans la littérature grecque, l'histoire secrète, anecdotique, ou si l'on veut scandaleuse 116. Procope surtout s'y distingua, et n'a peut-être eu depuis que trop d'imitateurs. Avant lui, Achille Tatius avait laissé un autre genre d'écrits, dont la première origine date même de plus loin, je veux dire celui des romans d'amour. Son roman de Clitophon et Leucippe fut surpassé par les Amours de Théagène et de Chariclèe, ou les Ethiopiques, de son contemporain l'évêque Héliodore; genre agréable, sans doute, mais un peu étranger aux travaux de l'épiscopat. Une observation qui n'a pas échappé au judicieux Denina, c'est que, tandis qu'en Occident on commençait à composer des légendes, des vies miraculeuses, et à inventer des récits de martyres vrais ou supposés 117, l'évêque de Tricca composait, de son côté, ses Fables éthiopiques. À cette observation, nous pouvons, nous autres Français, en ajouter une autre: c'est que, par une destinée qui semble attachée à ce roman, les deux premiers auteurs qui l'ont fait connaître en France, furent, l'un, Octavien de St. – Gelais, évêque d'Angoulême, par des morceaux traduits en vers; l'autre, le célèbre Amiot, évêque d'Auxerre, par une traduction complète en prose. Disons de plus que ce fut pour cette traduction qu'il eut sa première abbaye, et que celle qu'il fit dans la suite, de Daphnis et Chloé, du sophiste Longus, autre roman postérieur à celui d'Héliodore, inférieur pour la conduite, et plus licencieux dans les détails, ne l'empêcha point d'être évêque, ou contribua peut-être à lui faire avoir son évêché.

      La science qui avait alors le moins perdu en Orient et en Occident était la jurisprudence. Après la théologie, c'était ce que Justinien aimait et entendait le mieux. Il y porta la réforme, et c'est de lui, ou du moins des légistes habiles qu'il employa, qu'est le corps des lois romaines tel qu'il existe encore aujourd'hui.

      Ce ne fut pas un ouvrage fait du premier jet: dix jurisconsultes, à la tête desquels était le célèbre Tribonien, furent d'abord chargés de réunir, d'accorder, de compléter et de rassembler en un seul les trois Codes qui servaient alors de règle, y compris celui de Théodose. Le même Tribonien, et dix-sept jurisconsultes, firent ensuite un autre travail, plus considérable et peut-être plus difficile, mais qui devait les flatter, parce qu'il donnait de l'autorité et presque force de loi aux décisions des jurisconsultes les plus célèbres qui les avaient précédés; ce fut de rassembler ces décisions, de les diviser en cinquante livres, et chacun de ces livres en plusieurs titres, selon les diverses matières. Ce recueil reçut le nom de Digeste ou de Pandectes. Enfin, Tribonien et deux autres, dont les noms, quoique moins illustres, méritent aussi d'être conservés, Théophile et Dorothée, composèrent, par ordre de l'Empereur, les quatre livres des institutions, qu'on appelle vulgairement les Institutes, ou éléments de la science du Droit.

      Le tout ensemble fut publié 118 six ans après le commencement du premier travail, et promulgué pour avoir seul force de loi, et être enseigné publiquement dans tout l'Empire. L'Empereur y joignit par la suite les nouvelles lois qu'il porta, et qui sont connues sous le titre de Novelles. Ainsi, le corps entier de la jurisprudence romaine resta divisé en Digeste, Code et Novelles, outre les Institutes, qui en sont comme le préambule 119. Ces lois ne furent point adoptées en Italie pendant la domination des Goths; le Code de Théodose continua d'y être suivi; ce ne fut qu'après les dernières victoires de Narsès que ce général y put mettre en vigueur celui de Justinien.

      Les Lombards n'eurent des lois pour eux-mêmes que long-temps après leur conquête; et lorsqu'ils se furent donné un code, il fut encore permis aux peuples qu'ils avaient soumis, de suivre des lois romaines. Les lois lombardes ont été recueillies plus complètement et plus correctement qu'elles ne l'avaient encore été, par le laborieux Muratori 120. M. Denina en a fait une exposition claire et méthodique dans son Histoire des Révolutions d'Italie 121, et l'on y peut observer que, si elles conservent des traces sensibles de l'ancienne barbarie de ces peuples, elles prouvent aussi que, sur plusieurs points de civilisation, ils avaient beaucoup gagné.

      Sans doute ce beau climat et cette terre fertile commençaient à influer sur eux, comme ils le font à la longue sur tous les hommes; mais ce n'était pas à eux qu'il était réservé de faire faire à l'Italie les premiers pas hors de la barbarie dans laquelle ils avaient achevé de la plonger. Leur avant-dernier roi, Astolphe, ayant envahi Ravenne et l'Exarchat, qui étaient jusqu'alors restés à l'Empire, et menaçant Rome elle-même, attira l'attention de Pepin et ensuite de son fils Charlemagne, qui avaient conçu, pour leur propre ambition, des projets inconciliables avec ceux d'Astolphe. Les papes implorèrent leur secours, et n'eurent pas de peine à l'obtenir. Ni Astolphe, ni son fils Didier, qui lui succéda, ne purent résister aux Francs, successivement commandés par ces deux héros; et le royaume des Lombards fut définitivement détruit par Charlemagne, deux cent six ans après qu'ils eurent commencé à opprimer l'Italie.

      Parmi les titres qu'obtint, et ce qui n'est pas toujours la même chose, que mérita le fils de Pepin, nous ne devons considérer ici que celui de restaurateur des lettres, le plus glorieux de tous. Sous ce point de vue, Charlemagne appartient surtout à l'histoire de la littérature française; mais il eut aussi sur l'Italie une influence qui fait époque et qui exige que nous portions en même temps nos regards sur l'Italie, sur la France et sur lui.

      La France avait oublié la gloire dont avaient anciennement joui les Gaules. Les mêmes causes y avaient produit les mêmes et d'aussi déplorables effets. Les Gaules ravagées, pendant le quatrième et le cinquième siècle, par les irruptions des Quades, des Germains, des Vandales, des Bourguignons, des Huns et des Goths, virent s'arrêter tout à coup, et le cours des études, et l'émulation pour les lettres 122. Les Francs étaient d'autres Barbares, dont les invasions et les conquêtes ne firent qu'augmenter le mal et accélérer la décadence de tous les exercices de l'esprit. La langue latine s'éteignit, pour ainsi dire, avec la puissance romaine, ou du moins ce ne fut plus qu'un jargon au lieu d'une langue. Le goût pour les anciens, leurs ouvrages, leurs noms mêmes disparurent presque entièrement. Pendant les deux siècles suivants, le mal empira encore, par cette pente des choses humaines qu'on y peut observer dans tous les temps.

      Si l'on se représente la suite des siècles, comme un torrent où elles sont entraînées, on y voit tantôt le mal et tantôt le bien roulant avec une vitesse progressive, jusqu'à ce que quelque obstacle imprévu, ou quelque moteur puissant, agissant en sens contraire, le cours change, le bien ou le mal s'arrête d'abord, rétrograde ensuite lentement, cède enfin; et les choses humaines reprennent avec la même vitesse le cours opposé. Au huitième siècle, l'ignorance n'avait plus de progrès à faire dans les Gaules: elle était parvenue à son comble. La faiblesse des Rois, la tyrannie des Maires, déléguée en quelque sorte à tous les gouverneurs des provinces, à tous les chefs militaires, dont ils avaient besoin pour leurs projets, accroissaient et favorisaient tous les désordres. La France enfin était toute barbare. Charlemagne vint: il arrêta le torrent, et redonna aux esprits un mouvement vers les études et vers la culture des lettres. L'ordre public et privé fut rétabli, et avec les études et les mœurs revinrent la sécurité intérieure et la prospérité de l'état.

      Charlemagne put concevoir, mais ne pouvait exécuter seul ce grand ouvrage. Ne trouvant point de maîtres en France, il y en appela d'étrangers. Les Français eux-mêmes l'avouent 123. Les Italiens, jaloux d'ajouter cette gloire à celle de leur patrie, attribuent avec assez de vraisemblance le goût même que Charles prit pour l'instruction à son séjour en Italie et aux savants qu'il y rencontra 124. Son éducation avait été plus que négligée: elle était tout-à-fait nulle, quand il passa les Alpes pour la première fois 125.

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<p>116</p>

Denina, Vicende della Letter., liv. I, c. 39.

<p>117</p>

Denina, Vicende della Letter., liv. I, c. 40.

<p>118</p>

En 534.

<p>119</p>

Heinneccius, Hist. Jur., liv. I, c. 6; Terrasson, Hist. de la Jurisp., p. iii, et Tiraboschi, t. III, liv. I, c. 6.

<p>120</p>

Script. rer. Ital. vol. I, part. II.

<p>121</p>

Tom. II, liv. 7.

<p>122</p>

Voy. le poëme de S. Prosper, de Providentiâ, v. 15-60.

<p>123</p>

Voy. l'Histoire littér. de la France, t. IV, Etat des lettres au huitième siècle.

<p>124</p>

Voy. Tirab., Ist. della Lett. Ital., t. III, liv. III, c. i.

<p>125</p>

En 774.