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réfléchir.

      – Et d'ici à demain, répliqua l'enfant, Valence croira que je suis un lâche!

      Puis, secouant la tête:

      – C'est trop long d'ici à demain.

      Et il s'éloigna.

      – Où vas-tu? lui demanda Bonaparte.

      – Je vais demander à un autre s'il veut être mon ami.

      – Je ne le suis donc plus, moi?

      – Tu ne l'es plus, puisque tu me crois un lâche.

      – C'est bien, dit le jeune homme en se levant.

      – Tu y vas?

      – J'y vais.

      – Tout de suite?

      – Tout de suite.

      – Ah! s'écria l'enfant, je te demande pardon: tu es toujours mon ami.

      Et il lui sauta au cou en pleurant.

      C'étaient les premières larmes qu'il avait versées depuis le soufflet reçu.

      Bonaparte alla trouver Valence et lui expliqua gravement la mission dont il était chargé. Valence était un grand garçon de dix-sept ans, ayant déjà, comme chez certaines natures hâtives, de la barbe et des moustaches: il en paraissait vingt. II avait, en outre, la tête de plus que celui qu'il avait insulté.

      Valence répondit que Louis était venu lui tirer la queue de la même façon qu'il eût tiré un cordon de sonnette – on portait des queues à cette époque – qu'il l'avait prévenu deux fois de ne pas y revenir, que Louis y était revenu une troisième, et qu'alors, ne voyant en lui qu'un gamin, il l'avait traité comme un gamin.

      On alla porter la réponse de Valence à Louis, qui répliqua que tirer la queue d'un camarade n'était qu'une taquinerie, tandis que donner un soufflet était une insulte.

      L'entêtement donnait à un enfant de treize ans la logique d'un homme de trente.

      Le moderne Popilius retourna porter la guerre à Valence.

      Le jeune homme était fort embarrassé: il ne pouvait, sous peine de ridicule, se battre avec un enfant: s'il se battait et qu'il le blessât, c'était odieux; s'il était blessé lui-même, c'était à ne jamais s'en consoler de sa vie.

      Cependant l'entêtement de Louis, qui n'en démordait pas, rendait l'affaire grave.

      On assembla le conseil des grands, comme cela se faisait dans les circonstances sérieuses.

      Le conseil des grands décida qu'un des leurs ne pouvait pas se battre avec un enfant; mais que, puisque cet enfant s'obstinait à se regarder comme un jeune homme, Valence lui dirait devant tous ses compagnons qu'il était fâché de s'être laissé emporter à le traiter comme un enfant et que désormais il le regarderait comme un jeune homme.

      On envoya chercher Louis, qui attendait dans la chambre de son ami; on l'introduisit au milieu du cercle que faisaient dans la cour les jeunes élèves.

      Là, Valence, à qui ses camarades avaient dicté une sorte de discours longtemps débattu entre eux pour sauvegarder l'honneur des grands à l'endroit des petits, déclara à Louis qu'il était au désespoir de ce qui était arrivé, qu'il l'avait traité selon son âge, et non selon son intelligence et son courage, le priant de vouloir bien excuser sa vivacité et de lui donner la main en signe que tout était oublié.

      Mais Louis secoua la tête.

      – J'ai entendu dire un jour à mon père, qui est colonel, répliqua-t-il, que celui qui recevait un soufflet et qui ne se battait pas était un lâche. La première fois que je verrai mon père, je lui demanderai si celui qui donne le soufflet et qui fait des excuses pour ne pas se battre n'est pas plus lâche que celui qui l'a reçu.

      Les jeunes gens se regardèrent; mais l'avis général avait été contre un duel qui eût ressemblé à un assassinat, et les jeunes gens à l'unanimité, Bonaparte compris, affirmèrent à l'enfant qu'il devait se contenter de ce qu'avait dit Valence, ce que Valence avait dit étant le résumé de l'opinion générale.

      Louis se retira pâle de colère, et boudant son grand ami, qui, disait-il avec un imperturbable sérieux, avait abandonné les intérêts de son honneur.

      Le lendemain, à la leçon de mathématiques des grands, Louis se glissa dans la salle d'études, et, tandis que Valence faisait une démonstration sur la table noire, il s'approcha de lui sans que personne le remarquât, monta sur un tabouret, afin de parvenir à la hauteur de son visage, et lui rendit le soufflet qu'il en avait reçu la veille.

      – Là, dit-il, maintenant nous sommes quittes et j'ai tes excuses de plus; car, moi, je ne t'en ferai pas, tu peux bien être tranquille.

      Le scandale fut grand; le fait s'était passé en présence du professeur, qui fut obligé de faire son rapport au gouverneur de l'école, le marquis Tiburce Valence.

      Celui-ci qui ne connaissait pas les antécédents du soufflet reçu par son neveu, fit venir le délinquant devant lui, et après une effroyable semonce, lui annonça qu'il ne faisait plus partie de l'école, et qu'il devait le même jour se tenir prêt à retourner à Bourg, près de sa mère.

      Louis répondit que, dans dix minutes, son paquet serait fait, et que, dans un quart d'heure, il serait hors de l'école.

      Du soufflet qu'il avait reçu lui-même, il ne dit point un mot.

      La réponse parut plus qu'irrévérencieuse au marquis Tiburce Valence; il avait bonne envie d'envoyer l'insolent pour huit jours au cachot, mais il ne pouvait à la fois l'envoyer au cachot et le mettre à la porte.

      On donna à l'enfant un surveillant qui ne devait plus le quitter qu'après l'avoir déposé dans la voiture de Mâcon; madame de Montrevel serait prévenue d'aller recevoir son fils à la descente de la voiture. Bonaparte rencontra le jeune homme suivi de son surveillant, et lui demanda une explication sur cette espèce de garde de la connétablie attaché à sa personne.

      – Je vous raconterais cela si vous étiez encore mon ami, répondit l'enfant; mais vous ne l'êtes plus: pourquoi vous inquiétez-vous de ce qui m'arrive de bon ou de mauvais?

      Bonaparte fit un signe au surveillant, qui, tandis que Louis faisait sa petite malle, vint lui parler à la porte.

      Il apprit alors que l'enfant était chassé de l'école.

      La mesure était grave: elle désespérait toute une famille et brisait peut-être l'avenir de son jeune camarade.

      Avec cette rapidité de décision qui était un des signes caractéristiques de son organisation, il prit le parti de faire demander une audience au gouverneur, tout en recommandant au surveillant de ne pas presser le départ de Louis.

      Bonaparte était un excellent élève, fort aimé à l'école, fort estimé du marquis Tiburce Valence; sa demande lui fut donc accordée à l'instant même.

      Introduit près du gouverneur, il lui raconta tout, et, sans charger le moins du monde Valence, il tâcha d'innocenter Louis.

      – C'est vrai, ce que vous me racontez là, monsieur? demanda le gouverneur.

      – Interrogez votre neveu lui-même, je m'en rapporterai à ce qu'il vous dira.

      On envoya chercher Valence. Il avait appris l'expulsion de Louis et venait lui même raconter à son oncle ce qui s'était passé.

      Son récit fut entièrement conforme à celui du jeune Bonaparte.

      – C'est bien, dit le gouverneur; Louis ne partira pas, c'est vous qui partirez; vous êtes en âge de sortir de l'école.

      Puis, sonnant:

      – Que l'on me donne le tableau des sous-lieutenances vacantes, dit-il au planton.

      Le même jour, une sous-lieutenance était demandée d'urgence au ministre pour le jeune Valence.

      Le même soir, Valence partait pour rejoindre son régiment.

      Il alla

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