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n'en était pas moins un peu direct.

      Le roi conduisit Fouquet dans un petit salon qui séparait son cabinet de travail de sa chambre à coucher.

      – Savez-vous bien pourquoi je vous appelle? dit le roi en s'asseyant sur le bord de la croisée, de façon à ne rien perdre de ce qui se passerait dans les parterres sur lesquels donnait la seconde entrée du pavillon de Madame.

      – Non, Sire… mais c'est pour quelque chose d'heureux, j'en suis certain, d'après le gracieux sourire de Votre Majesté.

      – Ah! vous préjugez?

      – Non, Sire, je regarde et je vois.

      – Alors, vous vous trompez.

      – Moi, Sire?

      – Car je vous appelle, au contraire, pour vous faire une querelle.

      – À moi, Sire?

      – Oui, et des plus sérieuses.

      – En vérité, Votre Majesté m'effraie… et cependant j'attends, plein de confiance dans sa justice et dans sa bonté.

      – Que me dit-on, monsieur Fouquet, que vous préparez une grande fête à Vaux?

      Fouquet sourit comme fait le malade au premier frisson d'une fièvre oubliée et qui revient.

      – Et vous ne m'invitez pas? continua le roi.

      – Sire, répondit Fouquet, je ne songeais pas à cette fête, et c'est hier au soir seulement qu'un de mes amis, Fouquet appuya sur le mot, a bien voulu m'y faire songer.

      – Mais hier au soir je vous ai vu et vous ne m'avez parlé de rien, monsieur Fouquet.

      – Sire, comment espérer que Votre Majesté descendrait à ce point des hautes régions où elle vit jusqu'à honorer ma demeure de sa présence royale?

      – Excusez, monsieur Fouquet; vous ne m'avez point parlé de votre fête.

      – Je n'ai point parlé de cette fête, je le répète, au roi d'abord parce que rien n'était décidé à l'égard de cette fête, ensuite parce que je craignais un refus.

      – Et quelle chose vous faisait craindre ce refus, monsieur

      Fouquet? Prenez garde, je suis décidé à vous pousser à bout.

      – Sire, le profond désir que j'avais de voir le roi agréer mon invitation.

      – Eh bien! monsieur Fouquet, rien de plus facile, je le vois, que de nous entendre. Vous avez le désir de m'inviter à votre fête, j'ai le désir d'y aller; invitez-moi, et j'irai.

      – Quoi! Votre Majesté daignerait accepter? murmura le surintendant.

      – En vérité, monsieur, dit le roi en riant, je crois que je fais plus qu'accepter; je crois que je m'invite moi-même.

      – Votre Majesté me comble d'honneur et de joie! s'écria Fouquet; mais je vais être forcé de répéter ce que M. de La Vieuville disait à votre aïeul Henri IV: Domine, non sum dignus.

      – Ma réponse à ceci, monsieur Fouquet, c'est que, si vous donnez une fête, invité ou non, j'irai à votre fête.

      – Oh! merci, merci, mon roi! dit Fouquet en relevant la tête sous cette faveur, qui, dans son esprit, était sa ruine. Mais comment Votre Majesté a-t elle été prévenue?

      – Par le bruit public, monsieur Fouquet, qui dit des merveilles de vous et des miracles de votre maison. Cela vous rendra-t-il fier, monsieur Fouquet, que le roi soit jaloux de vous?

      – Cela me rendra le plus heureux homme du monde, Sire, puisque le jour où le roi sera jaloux de Vaux, j'aurai quelque chose de digne à offrir à mon roi.

      – Eh bien! monsieur Fouquet, préparez votre fête, et ouvrez à deux battants les portes de votre maison.

      – Et vous, Sire, dit Fouquet, fixez le jour.

      – D'aujourd'hui en un mois.

      – Sire, Votre Majesté n'a-t-elle rien autre chose à désirer?

      – Rien, monsieur le surintendant, sinon, d'ici là, de vous avoir près de moi le plus qu'il vous sera possible.

      – Sire, j'ai l'honneur d'être de la promenade de Votre Majesté.

      – Très bien; je sors en effet, monsieur Fouquet, et voici ces dames qui vont au rendez-vous.

      Le roi, à ces mots, avec toute l'ardeur, non seulement d'un jeune homme, mais d'un jeune homme amoureux se retira de la fenêtre pour prendre ses gants et sa canne que lui tendait son valet de chambre.

      On entendait en dehors le piétinement des chevaux et le roulement des roues sur le sable de la cour.

      Le roi descendit. Au moment où il apparut sur le perron, chacun s'arrêta. Le roi marcha droit à la jeune reine. Quant à la reine mère, toujours souffrante de plus en plus de la maladie dont elle était atteinte, elle n'avait pas voulu sortir.

      Marie-Thérèse monta en carrosse avec Madame, et demanda au roi de quel côté il désirait que la promenade fût dirigée.

      Le roi, qui venait de voir La Vallière, toute pâle encore des événements de la veille, monter dans une calèche avec trois de ses compagnes, répondit à la reine qu'il n'avait point de préférence, et qu'il serait bien partout où elle serait.

      La reine commanda alors que les piqueurs tournassent vers

      Apremont.

      Les piqueurs partirent en avant.

      Le roi monta à cheval. Il suivit pendant quelques minutes la voiture de la reine et de Madame en se tenant à la portière.

      Le temps s'était à peu près éclairci; cependant une espèce de voile poussiéreux, semblable à une gaze salie, s'étendait sur toute la surface du ciel; le soleil faisait reluire des atomes micacés dans le périple de ses rayons.

      La chaleur était étouffante.

      Mais, comme le roi ne paraissait pas faire attention à l'état du ciel, nul ne parut s'en inquiéter, et la promenade, selon l'ordre qui en avait été donné par la reine, fut dirigée vers Apremont.

      La troupe des courtisans était bruyante et joyeuse, on voyait que chacun tendait à oublier et à faire oublier aux autres les aigres discussions de la veille.

      Madame, surtout, était charmante.

      En effet, Madame voyait le roi à sa portière, et, comme elle ne supposait pas qu'il fût là pour la reine, elle espérait que son prince lui était revenu.

      Mais, au bout d'un quart de lieue à peu près fait sur la route, le roi, après un gracieux sourire, salua et tourna bride, laissant filer le carrosse de la reine, puis celui des premières dames d'honneur, puis tous les autres successivement qui, le voyant s'arrêter, voulaient s'arrêter à leur tour.

      Mais le roi leur faisait signe de la main qu'ils eussent à continuer leur chemin.

      Lorsque passa le carrosse de La Vallière, le roi s'en approcha.

      Le roi salua les dames et se disposait à suivre le carrosse des filles d'honneur de la reine comme il avait suivi celui de Madame, lorsque la file des carrosses s'arrêta tout à coup.

      Sans doute la reine, inquiète de l'éloignement du roi, venait de donner l'ordre d'accomplir cette évolution.

      On se rappelle que la direction de la promenade lui avait été accordée.

      Le roi lui fit demander quel était son désir en arrêtant les voitures.

      – De marcher à pied, répondit-elle.

      Sans doute espérait-elle que le roi, qui suivait à cheval le carrosse des filles d'honneur, n'oserait à pied suivre les filles d'honneur elles-mêmes.

      On était au milieu de la forêt.

      La promenade, en effet, s'annonçait belle, belle surtout pour des rêveurs ou des amants.

      Trois belles allées,

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