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David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс
Читать онлайн.Название David Copperfield – Tome I
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Чарльз Диккенс
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Je ne pouvais songer, vu mon âge, à faire les honneurs du festin, quand j'avais là Steerforth pour les faire: ma main tremblait à cette seule pensée. Je le priai de vouloir bien y présider, et ma requête fut appuyée par tous les élèves du dortoir. Il accepta, s'assit sur mon oreiller, fit circuler les mets avec une parfaite équité, je dois en convenir, et nous distribua le cassis dans un petit verre sans pied, qui lui appartenait. Quant à moi, j'étais assis à sa gauche, les autres étaient groupés autour de nous, assis par terre sur les lits les plus rapprochés du mien.
Comme je me rappelle cette soirée! Nous parlions à voix basse, ou plutôt ils parlaient et je les écoutais respectueusement; les rayons de la lune tombaient dans la chambre à peu de distance et dessinaient de leur pâle clarté une fenêtre sur le parquet. Nous restions presque tous dans l'ombre, excepté quand Steerforth plongeait une allumette dans sa petite boîte de phosphore, pour aller chercher quelque chose sur la table, lumière bleuâtre qui disparaissait aussitôt. Je me sens de nouveau saisi d'une certaine terreur mystérieuse; il fait sombre, notre festin doit être caché, tout le monde chuchote autour de moi, et j'écoute avec une crainte vague et solennelle, heureux de sentir mes camarades autour de moi, et très-effrayé (bien que je fasse semblant de rire) quand Traddles prétend apercevoir un revenant dans un coin.
On raconta toutes sortes de choses sur la pension, et sur ceux qui y vivaient. J'appris que M. Creakle avait raison de se baptiser lui-même un Tartare; que c'était le plus dur et le plus sévère des maîtres; que pas un jour ne s'écoulait sans qu'il vînt punir de sa propre main les élèves en faute. Il ne savait absolument rien autre chose que de punir, disait Steerforth; il était plus ignorant que le plus mauvais élève: il ne s'était fait maître de pension, ajoutait-il, qu'après avoir fait banqueroute dans un faubourg de Londres, comme marchand de houblon; il n'avait pu se tirer d'affaire que grâce à la fortune de mistress Creakle; sans compter bien d'autres choses encore que je m'étonnais qu'ils pussent savoir.
J'appris que l'homme à la jambe de bois, qui s'appelait Tungby, était un barbare impitoyable qui, après avoir servi d'abord dans le commerce du houblon, avait suivi M. Creakle dans la carrière de l'enseignement; on supposait que c'était parce qu'il s'était cassé la jambe au service de M. Creakle, et qu'il savait tous ses secrets, l'ayant assisté dans beaucoup d'opérations peu honorables. J'appris qu'à la seule exception de M. Creakle, Tungby considérait toute la pension, maîtres ou élèves, comme ses ennemis naturels, et qu'il mettait son plaisir à se montrer grognon et méchant. J'appris que M. Creakle avait un fils, que Tungby n'aimait pas; et qu'un jour, ce fils qui aidait son père dans la pension, ayant osé lui adresser quelques observations sur la façon dont il traitait les enfants, peut-être même protester contre les mauvais traitements que sa mère avait à souffrir, M. Creakle l'avait chassé de chez lui, et que, depuis ce jour, mistress Creakle et miss Creakle menaient la vie la plus triste du monde.
Mais ce qui m'étonna le plus, ce fut d'entendre dire qu'il y avait un de ses élèves sur lequel M. Creakle n'avait jamais osé lever la main, et que cet élève était Steerforth. Steerforth confirma cette assertion, en disant qu'il voudrait bien voir qu'il le touchât du bout du doigt. Un élève pacifique (ce ne fut pas moi), lui ayant demandé comment il s'y prendrait si M. Creakle en venait là, il trempa une allumette dans le phosphore, comme pour donner plus d'éclat à sa réponse, et dit qu'il commencerait par lui donner un bon coup sur la tête avec la bouteille d'encre qui était toujours sur la cheminée. Après quoi, pendant quelques minutes, nous restâmes dans l'obscurité, n'osant pas seulement souffler de peur.
J'appris que M. Sharp et M. Mell ne recevaient qu'un misérable salaire; que, lorsqu'il y avait à dîner sur la table de M. Creakle de la viande chaude et de la viande froide, il était convenu que M. Sharp devait toujours préférer la froide. Ce fait nous fut de nouveau confirmé par Steerforth, le seul admis aux honneurs de la table de M. Creakle. J'appris que la perruque de M. Sharp n'allait pas à sa tête, et qu'il ferait mieux de ne pas tant faire son fier avec sa perruque, parce qu'on voyait ses cheveux roux passer par- dessous.
J'appris qu'un des élèves était le fils d'un marchand de charbon, et qu'on le recevait dans la pension en payement du compte de charbon; ce qui lui avait valu le surnom de M. Troc, sobriquet emprunté au chapitre du livre d'arithmétique, qui traitait de ces matières. Quant à la bière, disait-on, c'est un vol fait aux parents, aussi bien que le pudding. On croyait, en général, que miss Creakle était amoureuse de Steerforth. Quoi de plus probable, me disais-je, tandis qu'assis dans les ténèbres, je songeais à la voix si douce, au beau visage, aux manières élégantes, aux cheveux bouclés de mon nouvel ami? J'appris aussi que M. Mell était un assez bon garçon, mais qu'il n'avait pas six pence à lui appartenant, et qu'à coup sûr la vieille Mme Mell, sa mère, était pauvre comme Job. Cela me rappela mon déjeuner où j'avais cru entendre «Mon Charles!» Mais, grâce à Dieu, je me rappelle aussi que je n'en soufflai mot à personne.
Toute cette conversation se prolongea un peu de temps après le banquet. La plus grande partie des convives étaient allés se coucher dès que le repas avait été terminé, et nous finîmes par les imiter après être restés encore à chuchoter et à écouter tout en nous déshabillant.
«Bonsoir, petit Copperfield, dit Steerforth, je prendrai soin de vous.
– Vous êtes bien bon, dis-je, le coeur plein de gratitude. Je vous remercie beaucoup.
– Avez-vous une soeur? dit Steerforth, tout en bâillant.
– Non, répondis-je.
– C'est dommage, dit Steerforth. Si vous en aviez eu une, je crois que ce serait une gentille petite personne, timide, jolie, avec des yeux très-brillants. J'aurais aimé à faire sa connaissance. Bonsoir, petit Copperfield.
– Bonsoir, monsieur,» répondis-je. Je ne pensai qu'à lui au fond de mon lit, je me soulevai pour le regarder; couché au clair de la lune, sa jolie figure tournée vers moi, la tête négligemment appuyée sur son bras, c'était, à mes yeux, un grand personnage, il n'est pas étonnant que j'en eusse l'esprit tout occupé; les sombres mystères de son avenir inconnu ne se révélaient pas sur sa face à la clarté de la lune. Il n'y avait pas une ombre attachée à ses pas, pendant la promenade que je fis, en rêve avec lui, dans le jardin.
CHAPITRE VII
Mon premier semestre à Salem-House
Les classes recommencèrent sérieusement le lendemain. Je me rappelle avec quelle profonde impression j'entendis tout à coup tomber le bruit des voix qui fut remplacé par un silence absolu, lorsque M. Creakle entra après le déjeuner. Il se tint debout sur le seuil de la porte, les yeux fixés sur nous, comme dans les contes des fées, quand le géant vient passer en revue ses malheureux prisonniers.
Tungby était à côté de M. Creakle. Je me demandai dans quel but il criait «silence!» d'une voix si féroce; nous étions tous pétrifiés, muets et immobiles.
On vit parler M. Creakle, et on entendit Tungby dans les termes suivants:
«Jeunes élèves, voici un nouveau semestre. Veillez à ce que vous allez faire dans ce nouveau semestre. De l'ardeur dans vos études, je vous le conseille, car moi, je reviens plein d'ardeur pour vous punir. Je ne faiblirai pas. Vous aurez beau frotter la place, vous n'effacerez pas la marque de mes coups. Et maintenant, tous, à l'ouvrage!»
Ce terrible exorde prononcé, Tungby disparut, et M. Creakle s'approcha de moi; il me dit que, si je savais bien mordre, lui aussi il était célèbre en ce genre. Il me montra sa canne, et me demanda ce que je pensais de cette dent-là? Était-ce une dent canine, hein? Était-ce une grosse dent, hein? Avait-elle de bonnes pointes, hein? Mordait-elle bien, hein? Mordait-elle bien? Et à chaque question il me cinglait un coup de jonc qui me faisait tordre en deux; j'eus donc bientôt payé, comme disait Steerforth, mon droit de bourgeoisie à Salem-House. Il me coûta bien des larmes.
Au reste, j'aurais tort de me vanter que ces marques de distinction spéciales fussent réservées pour moi: j'étais loin d'en avoir le privilège. La grande majorité des élèves (surtout les plus jeunes) n'étaient pas moins favorisés, toutes les fois que M. Creakle faisait