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David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс
Читать онлайн.Название David Copperfield – Tome I
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Чарльз Диккенс
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
«Clara!»
Ma mère tressaille, rougit et sourit faiblement; M. Murdstone se lève, prend le livre, me le jette à la tête, ou me donne un soufflet, et me fait sortir brusquement de la chambre.
Quand j'ai fini d'apprendre mes leçons, il me reste encore à faire ce qu'il y a de plus terrible, une effrayante multiplication. C'est une torture inventée à mon usage, et M. Murdstone me dicte lui-même cet énoncé:
«Je vais chez un marchand de fromages, j'achète cinq mille fromages de Glocester à six pence pièce, ce qui fait en tout…»
Je vois la joie secrète de miss Murdstone. Je médite sur ces fromages sans le moindre résultat, jusqu'à l'heure du dîner; je me noircis les doigts à force de tripoter mon ardoise. On me donne un morceau de pain sec pour m'aider à compter mes fromages, et je passe en pénitence le reste de la soirée.
Il me semble, autant que je puis me le rappeler, que c'était ainsi que finissaient presque toujours mes malheureuses leçons. Je m'en serais très-bien tiré sans les Murdstone; mais les Murdstone exerçaient sur moi une sorte de fascination, comme celle d'un serpent à sonnette vis-à-vis d'un petit oiseau. Même lorsqu'il m'arrivait de passer assez bien la matinée, je n'y gagnais autre chose que mon dîner; car miss Murdstone ne pouvait souffrir de me voir loin de mes cahiers, et si j'avais la folie de laisser apercevoir que je n'étais pas occupé, elle appelait sur moi l'attention de son frère, en disant:
«Clara, ma chère, il n'y a rien de tel que le travail; donnez un devoir à ce garçon,» et on me remettait à l'ouvrage. Quant à jouer avec d'autres enfants de mon âge, cela m'arrivait rarement, car la sombre théologie des Murdstone leur faisait envisager tous les enfants comme une race de petites vipères; (et pourtant il y eut jadis un Enfant placé au milieu des Disciples!); et à les croire, ils n'étaient bons qu'à se corrompre mutuellement.
Le résultat de ce traitement qui dura pendant six mois au moins, fut, comme on pouvait bien le croire, de me rendre grognon, triste et maussade. Ce qui y contribuait aussi infiniment, c'était qu'on m'éloignait toujours davantage de ma mère. Une seule chose m'empêchait de m'abrutir absolument. Mon père avait laissé dans un cabinet, au second, une petite collection de livres; ma chambre était à côté, et personne ne songeait à cette bibliothèque. Peu à peu Roderick Random, Peregrine Pickle, Humphrey Clinker, Tom Jones, le Vicaire de Wakefield, don Quichotte, Gil Blas et Robinson Crusoé, sortirent, glorieux bataillon, de cette précieuse petite chambre pour me tenir compagnie. Ils tenaient mon imagination en éveil; ils me donnaient l'espoir d'échapper un jour à ce lieu. Ni ces livres, ni les Mille et une Nuits, ni les histoires des génies, ne me faisaient de mal, car le mal qui pouvait s'y trouver ne m'atteignait pas; je n'y comprenais rien. Je m'étonne aujourd'hui du temps que je trouvais pour lire ces livres, au milieu de mes méditations et de mes chagrins sur des sujets plus pénibles. Je m'étonne encore de la consolation que je trouvais au milieu de mes petites épreuves, qui étaient grandes pour moi, à m'identifier avec tous ceux que j'aimais dans ces histoires où, naturellement, tous les méchants étaient pour moi M. et miss Murdstone. J'ai été pendant plus de huit jours Tom Jones (un Tom Jones d'enfant, la plus innocente des créatures). Pendant un grand mois, je me suis cru un Roderick Random. J'avais la passion des récits de voyages; il y en avait quelques-uns sur les planches de la bibliothèque, et je me rappelle que pendant des jours entiers, je parcourais l'étage que j'habitais, armé d'une traverse d'embouchoir de bottes, pour représenter le capitaine un tel, de la marine royale, en grand danger d'être attaqué par les sauvages, et résolu à vendre chèrement sa vie. Le capitaine avait beau recevoir des soufflets tout en conjuguant ses verbes latins, jamais il n'abandonnait sa dignité. Moi, je perdais la mienne, mais le capitaine était un capitaine, un héros, en dépit de toutes les grammaires, et de toutes les langues vivantes ou mortes qui pouvaient exister sur la terre.
C'était ma seule et ma fidèle consolation. Quand j'y pense, je revois toujours devant moi une belle soirée d'été; les enfants du village jouaient dans le cimetière, et moi, je lisais dans mon lit, comme si ma vie en eût dépendu. Toutes les granges du voisinage, toutes les pierres de l'église, tous les coins du cimetière, avaient, dans mon esprit, quelque association avec ces fameux livres et représentaient quelque endroit célèbre de mes lectures. J'ai vu Tom Pipes gravir le clocher de l'église; j'ai remarqué Strass, son sac sur le dos, assis sur la barrière pour s'y reposer, et je sais que le commodore Trunnion présidait le club avec M. Pickle dans la salle du petit cabaret de notre village.
Le lecteur sait maintenant aussi bien que moi où j'en étais à cette époque de mon enfance que je vais reprendre.
Un matin, en descendant dans le salon avec mes livres, je vis que ma mère avait l'air soucieux, que miss Murdstone avait l'air ferme, et que M. Murdstone ficelait quelque chose au bas de sa canne, petit jonc élastique qu'il se mit à faire tournoyer en l'air à mon arrivée.
«Puisque je vous dis, Clara, disait M. Murdstone, que j'ai souvent été fouetté moi-même.
– Bien certainement, dit miss Murdstone.
– Certainement, ma chère Jane, balbutia timidement ma mère; mais croyez-vous que cela ait fait du bien à Édouard?
– Croyez-vous que cela ait fait du mal à Édouard, Clara? reprit gravement M. Murdstone.
– C'est là toute la question,» dit sa soeur.
À cela ma mère répondit: «Certainement, ma chère Jane,» et ne dit plus un mot.
Je sentais que j'étais personnellement intéressé à ce dialogue, et je cherchais les yeux de M. Murdstone qui se fixèrent sur les miens.
«Maintenant, Davy, dit-il, et ses yeux étincelaient, il faut que vous soyez plus attentif aujourd'hui que de coutume.» Il fit de nouveau cingler sa canne, puis, ayant fini ces préparatifs, il la posa à côté de lui avec un regard expressif, et prit son livre.
C'était, pour le début, un bon moyen de me donner de la présence d'esprit! Je sentais les mots de mes leçons m'échapper, non pas un à un, mais par lignes et pages entières. J'essayai de les rattraper, mais il me semblait, si je puis ainsi dire, qu'ils s'étaient mis des patins ou des ailes pour glisser loin de moi avec une rapidité que rien ne pouvait arrêter.
Le commencement fut mauvais, la suite encore plus déplorable: j'étais justement arrivé résolu, ce jour-là, à me distinguer; je me croyais très-bien préparé, mais il se trouva que c'était une erreur grossière. Chaque volume qu'on posa sur la table, après la récitation, ajouta son contingent à la masse des arriérés: miss Murdstone ne nous quittait pas des yeux. Enfin, quand nous arrivâmes au problème des cinq mille fromages (ce jour-là ce fut des coups de bâton qu'on me fit multiplier, je m'en souviens très- bien), ma mère fondit en larmes.
«Clara! dit miss Murdstone de sa voix d'avertissement.
– Je suis un peu souffrante, je crois, ma chère Jane,» dit ma mère.
Je le vis regarder sa soeur d'un air solennel, puis il se leva et dit, en prenant sa canne:
«Vraiment, Jane, nous ne pouvons nous attendre à ce que Clara supporte avec une fermeté parfaite la peine et le tourment que David lui a causés aujourd'hui. Ce serait trop héroïque. Clara a fait de grands progrès, mais ce serait trop lui demander. David, nous allons monter ensemble, mon garçon.»
Comme il m'emmenait, ma mère courut vers nous. Miss Murdstone dit: «Clara, est-ce que vous êtes folle?» et l'arrêta. Je vis ma mère se boucher les oreilles, puis je l'entendis pleurer.
Il monta dans ma chambre, lentement et gravement. Je suis sûr qu'il était ravi de cet appareil solennel de justice exécutive. Quand nous fûmes entrés, il passa tout d'un coup ma tête sous son bras.
«Monsieur