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bien obligée…

      MAXIME, violemment.

      Allez-vous-en, vous dis-je! sortez!.. (Il se lève et s'approche d'elle avec douceur.) Louison… je vous comprends… je vous remercie: mais je suis un peu souffrant ce soir: je n'ai pas faim.

      MADAME VAUBERGER, avec émotion. Elle se rapproche, portant le plateau qu'elle dépose doucement sur la table devant Maxime.

      Ah! monsieur Maxime! si vous saviez comme vous me mortifiez! Eh bien, vous me paierez mon dîner, là; vous me mettrez de l'argent dans la main quand il vous en reviendra; mais vous pouvez être bien sûr que quand vous me donneriez cent mille francs, ça ne me ferait pas autant de plaisir que de vous voir manger mon pauvre dîner! Ce serait une fière charité que vous me feriez, allez! vous devez pourtant bien comprendre ça, monsieur Maxime, vous qui avez de l'esprit.

       MAXIME.

      Eh bien, ma chère Louison, que voulez-vous? je ne peux pas vous donner cent mille francs… mais je vais manger votre dîner. (Il s'asseoit brusquement devant la table.)

       MADAME VAUBERGER.

      Oh! merci, monsieur Maxime, merci… vous avez bon coeur.

       MAXIME.

      Et bon appétit aussi, Louison, je vous jure… mais laissez-moi, n'est-ce pas?..

       MADAME VAUBERGER

      Oui, monsieur Maxime… merci, Monsieur.

      MAXIME, la rappelant.

      Louison… donnez-moi votre main… soyez tranquille, ce n'est pas pour y mettre de l'argent… (Lui prenant la main.) Là… à revoir. (Madame Vauberger sort en pleurant.)

       SCENE XII.

      MAXIME, puis LAUBEPIN.

      MAXIME, portant son mouchoir à ses yeux.

      Allons! pas d'enfantillage! et dînons puisque dîner il y a!.. Ce que c'est que le fruit défendu! j'ai moins faim que tout à l'heure! Cette pauvre femme, que j'accusais, cette portière… c'est un ange!.. Enfin me voilà toujours assuré de vivre jusqu'à demain… c'est quelque chose. (On entend Madame Vauberger qui parle à Laubépin dans l'escalier. La porte s'ouvre. Laubépin paraît conduit par Madame Vauberger qui se retire aussitôt. Maxime se lève un peu interdit.)

      LAUBEPIN, d'un air consterné.

      Au nom du ciel, monsieur le marquis, comment ne m'avez-vous pas dit…? (S'avançant.) Jeune homme, c'est mal; vous avez blessé un ami! vous faites rougir un vieillard!..

      MAXIME, ému.

      Monsieur!

      LAUBEPIN, l'attirant sur sa poitrine.

      Mon pauvre enfant! Allons! n'y pensons plus! Dînez, mon ami, et dînez gaiement… car Dieu merci, je vous apporte une bonne nouvelle…

       MAXIME.

      Bah! (Il lui donne une chaise1 [1. Laubépin, Maxime.].)

       LAUBEPIN.

      J'ai un emploi à vous offrir.

       MAXIME.

      Un emploi?

       LAUBEPIN.

      Mais, dame! je ne sais s'il vous agréera. Je suis arrivé ce matin de Bretagne, comme vous savez, mon ami. Il y a là, au fond du Morbihan, une famille considérable et très-opulente, la famille Laroque d'Arz dont je possède toute la confiance. Les Laroque avaient, depuis vingt ans, un homme d'affaires, un intendant, nommé Yvart, qui était un fripon. J'ai appris ces jours-ci que cet individu était fort malade; je suis immédiatement parti pour le château de Laroque, et j'ai demandé pour un ami à moi, que je n'ai point nommé, l'emploi qui, suivant toute apparence, allait devenir vacant.

       MAXIME.

      Mais tantôt vous ne m'aviez pas dit un mot…

       LAUBEPIN.

      D'abord, mon ami, j'avais à peine l'honneur de vous connaître, et je tenais à savoir avant tout quelle espèce d'homme vous étiez. Ensuite, c'est en rentrant chez moi seulement qu'une lettre de mon excellente amie, madame Laroque, m'a appris le décès définitif du sieur Yvart. Maintenant, voici les conditions: vous serez uniquement connu dans le château sous le nom de Maxime Odiot; vous habiterez un pavillon particulier. Quant à vos appointements, ils seront réglés chaque année de façon à vous permettre de penser à la dot de votre soeur. Cela vous convient-il?

       MAXIME.

      A merveille, et je ne sais comment vous remercier de votre prévoyante bonté… Seulement je crains d'être un homme d'affaires un peu neuf.

       LAUBEPIN.

      N'êtes-vous pas avocat, c'est-à-dire un peu propre à tout? Et puis, comme je l'écris à madame Laroque, ce qui vous manque peut s'apprendre en deux mois, et vous avez ce que cinquante ans d'expérience n'avaient pu apprendre à votre prédécesseur… la probité… je vous ai vu au feu, j'en réponds.

       MAXIME.

      Eh bien, Monsieur, je suis prêt. (Il se lève.)

       LAUBEPIN.

      Prêt à partir demain?

       MAXIME.

      Demain?

       LAUBEPIN.

      Mon Dieu, il le faut, car ces gens-là sont ne sont pas capables à eux tous de faire une quittance. Mon excellente amie madame Laroque en particulier est, en affaires, d'une enfance… c'est une créole.

      MAXIME, vivement.

      Ah! c'est une créole!

      LAUBEPIN, sèchement.

      Oui, jeune homme, une vieille créole. De son côté, sa fille…

       MAXIME.

      Ah! elle a une fille?

       LAUBEPIN.

      Oui, qui est plus jeune.

       MAXIME.

      Naturellement…

       LAUBEPIN.

      Au surplus, vous les verrez, vous les jugerez vous-même.

       MAXIME.

      Si je pouvais pourtant sans indiscrétion vous demander, pour ma gouverne, quelques renseignements sur le caractère des personnes avec qui je vais me trouver en contact?

      LAUBEPIN, avec réserve.

      Mon Dieu, jeune homme, l'article personnel est toujours fort délicat. Cependant, voyons… Il y a dans le château, en résidence permanente, sans parler des voisins, des amis, il y a, dis-je, cinq personnes: d'abord monsieur Laroque le père, célèbre au commencement de ce siècle en qualité de corsaire autorisé, source de la fortune… aujourd'hui plus qu'octogénaire… intelligence un peu flottante; ensuite, madame Laroque, sa belle-fille, veuve, créole d'origine… quelques manies… mais belle âme; mademoiselle Marguerite, sa fille, créole et bretonne… une petite tête, quelques chimères, mais belle âme; puis, en sous-ordre, une madame Aubry, cousine au deuxième degré recueillie dans la maison, veuve d'une banquier décédé en Belgique… esprit aigri; et enfin une demoiselle Hélouin, institutrice, demoiselle de compagnie, esprit cultivé… caractère… (Il hésite et reprend.) Esprit cultivé!.. c'est tout! vous voyez…

       MAXIME.

      Comment, mais sur cinq habitants il y a deux belles âmes… c'est une proportion magnifique!

       LAUBEPIN.

      N'est-ce pas? ah çà! Maxime, vous penserez à la dot d'Hélène?

       MAXIME.

      Je ne penserai qu'à cela, Monsieur!

       LAUBEPIN.

      Bien!

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