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Les belles-de-nuit; ou, les anges de la famille. tome 4. Féval Paul
Читать онлайн.Название Les belles-de-nuit; ou, les anges de la famille. tome 4
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Féval Paul
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Pauvre père! pensait Diane qui écoutait les larmes aux yeux.
– «Je ne demande pas un gros salaire… poursuivait Jean de Penhoël; quand j'aurai bien travaillé, vous me donnerez ce que vous voudrez.» La porte se refermait avant que j'eusse fini… Ou bien on me demandait: «Brave homme, que savez-vous faire?» Mon Dieu! autrefois je savais monter à cheval, porter le mousquet et manier l'épée… Je n'ai jamais été obligé d'apprendre d'autre métier, grâce au pain que me donnait Penhoël. Et maintenant que Penhoël n'a plus de pain, je ne peux pas lui en donner moi! Je répondais: «Je sais bêcher la terre des jardins, porter les fardeaux, balayer les écuries… Ayez pitié!.. Faites-moi le valet de vos serviteurs! – Non… non…» La même parole toujours!.. Dans cet immense Paris où tant d'or se prodigue, quand on est pauvre et qu'on a les cheveux blancs, il faut donc se coucher sur la terre pour attendre la mort!..
Diane collait son oreille aux planches; elle sanglotait tout bas. Marthe de Penhoël restait froide et semblait saisir à peine le sens de ces paroles désolées.
L'oncle Jean s'assit auprès d'elle, et prit ses mains, qu'il serra tendrement dans les siennes.
– Et pourtant, continua-t-il en retrouvant son mélancolique sourire, j'ai tort de murmurer, car aujourd'hui, Dieu m'a envoyé un espoir… Marthe… ma petite Marthe!.. si le pauvre vieillard pouvait vous secourir!..
Il baissa la voix comme pour faire une confidence.
– Écoutez! reprit-il, je crois bien que nous ne serons pas longtemps malheureux désormais… Comme je revenais ce soir, harassé de fatigue et le découragement dans l'âme, j'ai entendu, par la fenêtre ouverte d'un rez-de-chaussée, un bruit bien connu à mon oreille… des fleurets qui se choquaient… et le coup de fouet de la sandale, claquant contre le sol… J'étais auprès d'une salle d'armes… Autrefois, du temps de ma jeunesse, je faisais un fier tireur, ma petite Marthe!.. C'est moi qui donnai des leçons à notre Louis, la plus forte lame de Bretagne!..
A ce nom de Louis, le regard fixe de Madame eut un rayonnement soudain et fugitif.
Jean de Penhoël continua sans prendre garde:
– Comme il se tenait sous les armes!.. Il me semble le voir encore ferme sur ses jarrets d'acier, vif à l'attaque, prompt à la parade… Ah! il était devenu plus fort que son maître, le cher enfant!.. Mais parlons de nous, ma fille… Je suis entré dans la salle… ils étaient là une vingtaine de jeunes gens prenant leçon ou faisant assaut. Moi qui ai vu Saint-Georges, Fabien et la Boëssière, je puis bien dire cela… on ne se bat plus comme autrefois, et les belles manières sont perdues!
Son bon sourire se teignit d'un peu d'ironie.
– Vraiment, s'écria-t-il emporté par une distraction soudaine, ces beaux messieurs d'à présent sont incroyables! Si vous les voyiez, Marthe, saluer négligemment et tirer le mur comme par manière d'acquit, cela vous ferait pitié, ma pauvre fille!.. Plus de grâce!.. une tenue gauche et en même temps fanfaronne!.. A les voir courir, souffler, crier et se fendre comme des compas pour se donner, au hasard, quelques méchants coups de fleuret dans les cuisses, on dirait une douzaine de paires de boutiquiers qui se battent avec leurs aunes.
L'oncle en sabots eut un petit rire sec et décidément moqueur.
Puis tout à coup sa figure redevint grave.
– A qui vais-je parler de cela?.. Et devrais-je censurer, moi qui demande l'aumône?.. Je me suis approché du maître, du professeur, comme on les appelle maintenant, et je lui ai dit en rassemblant tout mon courage:
« – Monsieur, avez-vous besoin d'un prévôt pour votre salle?
«Le professeur m'a toisé d'un regard dédaigneux.
« – Est-ce qu'on faisait des armes avant le déluge? m'a-t-il demandé.
«Toujours mes malheureux cheveux blancs!
« – Je pense bien que l'art a fait des progrès… ai-je répondu, et sous votre direction savante…
« – Mon vieux, on n'apprend plus rien à votre âge!
« – C'est que j'ai grand besoin…
« – Je vous demande si cela me regarde!..
«Je m'en allais tristement, lorsqu'il se ravisa pour mon bonheur.
« – Au fait, dit-il, je n'aime pas à renvoyer comme ça les pauvres diables… J'ai besoin de quelqu'un pour balayer la salle, moucheter les fleurets et mettre tout en ordre… vingt francs par mois: l'ancien, ça vous va-t-il?..
«Si cela m'allait, ma pauvre petite Marthe!.. vingt francs par mois!.. Comme je l'ai remercié!.. Et j'entre en fonctions dans huit jours… Entends-tu bien?.. nous n'avons plus qu'une semaine de misère!»
Le pauvre oncle Jean ne se possédait pas de joie.
– Eh bien! reprit-il voyant que Marthe ne répondait pas, vous ne dites rien, ma fille?..
Marthe secoua la tête:
– Huit jours!.. murmura-t-elle d'un ton si bas que Diane ne put l'entendre à travers la cloison, c'est bien long!.. c'est trop long!
Et comme l'oncle Jean l'interrogeait du regard, elle ajouta:
– La main qui nous jetait chaque soir un morceau de pain s'est lassée, sans doute…
Elle n'acheva point sa pensée, mais ses deux mains touchèrent sa poitrine avec ce mouvement dont nous avons parlé déjà, funeste pantomime, signal de détresse que tout le monde comprend.
La tête du vieillard se pencha vers la terre.
Diane n'avait rien entendu de ces dernières paroles, mais elle avait vu le geste de Marthe, et cela suffisait.
Elle s'élança tremblante d'émotion. En trois sauts elle eut regagné sa chambre où Cyprienne rentrait, à ce moment, tout essoufflée.
Cyprienne, joyeuse et consolée, mordait à belles dents un gros morceau de pain qu'elle rapportait.
– Ils souffrent là-haut… dit Diane; Madame a faim!
Les dents de Cyprienne, qui venaient de rompre avidement la croûte appétissante et dorée, lâchèrent prise aussitôt.
– Et moi qui ne pensais pas!.. s'écria-t-elle; vite, ma sœur!.. Heureusement que je ne leur ai pris qu'une bouchée!..
Elles remontèrent, lestes comme des sylphides, les marches vermoulues des deux derniers étages, et l'instant d'après le pain, glissant entre deux planches, tomba sur le sol poudreux du grenier.
Marthe poussa un cri de soulagement.
Les deux jeunes filles la regardaient manger. Elles souriaient toutes deux.
– Ma sœur… disait Cyprienne; à voir cela, on n'a plus faim.
V
MADAME COCARDE
Il y avait cinq minutes que Diane et Cyprienne étaient rentrées dans leur chambre, dont la porte restait entr'ouverte. Elles étaient agenouillées toutes deux, côte à côte, devant l'image de la Vierge, collée au mur, dans la ruelle du petit lit. Elles disaient ensemble leur prière du soir.
Quand elles eurent achevé de réciter avec recueillement la série d'oraisons que l'usage catholique réunit en un pieux faisceau pour consacrer les heures du sommeil, Diane ajouta d'un ton simple, qui révélait l'habitude de chaque jour:
– Sainte Marie, mère de Dieu, intercédez auprès de Jésus, votre fils, afin qu'il nous envoie cinq cent mille francs pour racheter les biens de Penhoël!..
– Ainsi soit-il!.. répondit Cyprienne.
Pauvres enfants!
– Faites, bonne sainte Vierge, reprit Diane, que notre cousine Blanche soit gardée de tout mal, et que nous puissions la rendre à sa mère; sainte Marie, ayez