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dit-il entre ses dents, est-il vrai le proverbe qui dit que le bien vient en dormant?

      – Suivez-moi, monsieur! dit Mazarin.

      – Allons, allons, murmura d'Artagnan, Rochefort m'a tenu parole; seulement, par où diable est-il passé?

      Et il regarda jusque dans les moindres recoins du cabinet mais il n'y avait plus de Rochefort.

      – Monsieur d'Artagnan, dit Mazarin en s'asseyant et en s'accommodant sur son fauteuil, vous m'avez toujours paru un brave et galant homme.

      «C'est possible, pensa d'Artagnan, mais il a mis le temps à me le dire.»

      Ce qui ne l'empêcha pas de saluer Mazarin jusqu'à terre pour répondre à son compliment.

      – Eh bien, continua Mazarin, le moment est venu de mettre à profit vos talents et votre valeur!

      Les yeux de l'officier lancèrent comme un éclair de joie qui s'éteignit aussitôt, car il ne savait pas où Mazarin en voulait venir.

      – Ordonnez, Monseigneur, dit-il, je suis prêt à obéir à Votre

      Éminence.

      – Monsieur d'Artagnan, continua Mazarin, vous avez fait sous le dernier règne certains exploits…

      – Votre Éminence est trop bonne de se souvenir… C'est vrai, j'ai fait la guerre avec assez de succès.

      – Je ne parle pas de vos exploits guerriers, dit Mazarin car, quoiqu'ils aient fait quelque bruit, ils ont été surpassés par les autres.

      D'Artagnan fit l'étonné.

      – Eh bien, dit Mazarin, vous ne répondez pas?

      – J'attends, reprit d'Artagnan, que Monseigneur me dise de quels exploits il veut parler.

      – Je parle de l'aventure… Hé! vous savez bien ce que je veux dire.

      – Hélas! non, Monseigneur, répondit d'Artagnan tout étonné.

      – Vous êtes discret, tant mieux. Je veux parler de cette aventure de la reine, de ces ferrets, de ce voyage que vous avez fait avec trois de vos amis.

      – Hé! hé! pensa le Gascon, est-ce un piège? Tenons-nous ferme.

      Et il arma ses traits d'une stupéfaction que lui eût enviée

      Mondori ou Bellerose, les deux meilleurs comédiens de l'époque.

      – Fort bien! dit Mazarin en riant, bravo! on m'avait bien dit que vous étiez l'homme qu'il me fallait. Voyons, là, que feriez-vous bien pour moi?

      – Tout ce que Votre Éminence m'ordonnera de faire, dit d'Artagnan.

      – Vous feriez pour moi ce que vous avez fait autrefois pour une reine?

      – Décidément, se dit d'Artagnan à lui-même, on veut me faire parler; voyons-le venir. Il n'est pas plus fin que le Richelieu, que diable!.. Pour une reine, Monseigneur! je ne comprends pas.

      – Vous ne comprenez pas que j'ai besoin de vous et de vos trois amis?

      – De quels amis, Monseigneur?

      – De vos trois amis d'autrefois.

      – Autrefois, Monseigneur, répondit d'Artagnan, je n'avais pas trois amis, j'en avais cinquante. À vingt ans, on appelle tout le monde ses amis.

      – Bien, bien, monsieur l'officier! dit Mazarin, la discrétion est une belle chose; mais aujourd'hui vous pourriez vous repentir d'avoir été trop discret.

      – Monseigneur, Pythagore faisait garder pendant cinq ans le silence à ses disciples pour leur apprendre à se taire.

      – Et vous l'avez gardé vingt ans, monsieur. C'est quinze ans de plus qu'un philosophe pythagoricien, ce qui me semble raisonnable. Parlez donc aujourd'hui, car la reine elle-même vous relève de votre serment.

      – La reine! dit d'Artagnan avec un étonnement, qui, cette fois, n'était pas joué.

      – Oui, la reine! et pour preuve que je vous parle en son nom, c'est qu'elle m'a dit de vous montrer ce diamant qu'elle prétend que vous connaissez, et qu'elle a racheté de M. des Essarts.

      Et Mazarin étendit la main vers l'officier, qui soupira en reconnaissant la bague que la reine lui avait donnée le soir du bal de l'Hôtel de Ville.

      – C'est vrai! dit d'Artagnan, je reconnais ce diamant, qui a appartenu à la reine.

      – Vous voyez donc bien que je vous parle en son nom. Répondez-moi donc sans jouer davantage la comédie. Je vous l'ai déjà dit, et je vous le répète, il y va de votre fortune.

      – Ma foi, Monseigneur! j'ai grand besoin de faire fortune. Votre

      Éminence m'a oublié si longtemps!

      – Il ne faut que huit jours pour réparer cela. Voyons, vous voilà, vous, mais où sont vos amis?

      – Je n'en sais rien, Monseigneur.

      – Comment, vous n'en savez rien?

      – Non; il y a longtemps que nous nous sommes séparés, car tous trois ont quitté le service.

      – Mais où les retrouverez-vous?

      – Partout où ils seront. Cela me regarde.

      – Bien! Vos conditions?

      – De l'argent, Monseigneur, tant que nos entreprises en demanderont. Je me rappelle trop combien parfois nous avons été empêchés, faute d'argent, et sans ce diamant, que j'ai été obligé de vendre, nous serions restés en chemin.

      – Diable! de l'argent, et beaucoup! dit Mazarin; comme vous y allez, monsieur l'officier! Savez-vous bien qu'il n'y en a pas, d'argent, dans les coffres du roi?

      – Faites comme moi, alors, Monseigneur, vendez les diamants de la couronne; croyez-moi, ne marchandons pas, on fait mal les grandes choses avec de petits moyens.

      – Eh bien! dit Mazarin, nous verrons à vous satisfaire.

      – Richelieu, pensa d'Artagnan, m'eût déjà donné cinq cents pistoles d'arrhes.

      – Vous serez donc à moi?

      – Oui, si mes amis le veulent.

      – Mais, à leur refus, je pourrais compter sur vous?

      – Je n'ai jamais rien fait de bon seul, dit d'Artagnan en secouant la tête.

      – Allez donc les trouver.

      – Que leur dirai-je pour les déterminer à servir Votre Éminence?

      – Vous les connaissez mieux que moi. Selon leurs caractères vous promettrez.

      – Que promettrai-je?

      – Qu'ils me servent comme ils ont servi la reine, et ma reconnaissance sera éclatante.

      – Que ferons-nous?

      – Tout, puisqu'il paraît que vous savez tout faire.

      – Monseigneur, lorsqu'on a confiance dans les gens et qu'on veut qu'ils aient confiance en nous, on les renseigne mieux que ne fait Votre Éminence.

      – Lorsque le moment d'agir sera venu, soyez tranquille, reprit

      Mazarin, vous aurez toute ma pensée.

      – Et jusque-là!

      – Attendez et cherchez vos amis.

      – Monseigneur, peut-être ne sont-ils pas à Paris, c'est probable même, il va falloir voyager. Je ne suis qu'un lieutenant de mousquetaires fort pauvre et les voyages sont chers.

      – Mon intention, dit Mazarin, n'est pas que vous paraissiez avec un grand train, mes projets ont besoin de mystère et souffriraient d'un trop grand équipage.

      – Encore, Monseigneur, ne puis-je voyager avec ma paye, puisque l'on est en retard de trois mois avec moi; et je ne puis voyager avec mes économies, attendu que depuis vingt-deux ans que je suis au service je n'ai

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