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peut-être plus vivement qu'il l'eût voulu, voyant en outre que Latil, pour lui couper la retraite, s'était placé entre la porte et lui, se mit à crier tout à coup:

      – A moi, mes amis! à l'aide! au secours! on m'assassine!

      A peine le gentilhomme bossu avait-il fait cet appel, que trois hommes qui s'étaient arrêtés, attendant leur quatrième compagnon derrière la barrière de la rue de l'Homme-Armé, se précipitèrent dans la salle basse, et attaquèrent le malheureux Latil, qui, se retournant pour leur faire face, ne put parer la botte que lui porta, en se fendant jusqu'aux épaules, son premier adversaire; et, comme en même temps un des assaillants le frappait du côté opposé, il reçut à la fois deux effroyables coups d'épée, dont l'un, entrant par la poitrine, lui sortait par le dos, et dont l'autre, entrant par le dos, lui sortait par la poitrine.

      Latil tomba tout d'une pièce sur le carreau.

      CHAPITRE III.

      OU LE LECTEUR COMMENCE A S'EXPLIQUER LA HAINE QUE LE GENTILHOMME BOSSU PORTAIT AU COMTE DE MORET, ET CE QU'IL EN ADVINT

      Quelques instants après qu'Etienne Latil, laissant tomber son épée, s'était affaissé sur lui-même, rendant le sang par ses deux terribles blessures, nous retrouvons le gentilhomme bossu et ses trois compagnons à quelque distance de la rue de l'Homme-Armé. Assis sur une borne, l'œil sombre et la figure contractée, le premier adversaire du spadassin semblait une de ces figures fantastiques que l'imagination vagabonde des architectes du quatrième siècle sculptait à l'angle des maisons.

      Devant lui une espèce d'athlète de cinq pieds six pouces de haut, lui parlait les bras croisés.

      – Ah! ça, Pisani, lui disait-il, tu es donc enragé de te jeter sans cesse, et de nous jeter avec toi dans de mauvaises affaires. Voilà un homme tué, il n'y a pas grand malheur, c'était un sbire connu; nous soutiendrons que tu étais dans le cas de légitime défense, donc, il n'y aura pas de poursuites à l'endroit de sa mort; mais si je n'étais point arrivé là et si je ne l'avais pas embroché d'un côté, tandis que tu l'embrochais de l'autre, c'était toi qui étais enfilé comme une mauviette.

      – Eh bien? répliqua celui qui avait nom Pisani, le grand malheur, quand cela serait arrivé!

      – Comment, le grand malheur?

      – Oui, qui te dit que je ne cherche pas à me faire tuer? N'ai-je pas en vérité une riche carcasse à ménager, et pour l'agréable vie que je mène, raillé des hommes, méprisé des femmes, ne vaudrait-il pas autant être mort ou mieux encore n'être jamais né?

      Et il leva son poing au ciel en grinçant des dents.

      – Eh bien! mais alors, si tu voulais te faire tuer, mon cher marquis, si autant vaudrait pour toi être mort, pourquoi nous avoir appelés à ton secours, au moment où l'épée d'Etienne Latil allait probablement combler tous tes vœux?

      – Parce qu'avant de mourir, je veux me venger!

      – Eh! que diable! quand on veut se venger et que l'on a pour ami un homme qui s'appelle Souscarrières, on lui conte ses petites affaires, et l'on ne va pas chercher un coupe-jarret rue de l'Homme-Armé.

      – J'ai été chercher un coupe-jarret, parce qu'il n'y avait qu'un coupe-jarret qui pût me rendre le service que je demandais de lui. Si Souscarrières eût pu me rendre ce service, je ne me fusse adressé à personne, et pas même à lui, je me fusse chargé moi-même d'appeler et de tuer mon homme; voir un rival que l'on déteste étendu à ses pieds, se débattant dans les angoisses de l'agonie, c'est une trop grande volupté pour se la refuser quand on peut la prendre.

      – Eh bien! pourquoi ne la prends-tu pas?

      – Tu me feras dire ce que je ne veux pas, ce que je ne peux pas dire.

      – Eh! dis, mordieu! l'oreille d'un ami dévoué est un puits où se perd tout ce que l'on y jette. Tu veux mal de mort à un homme, bats-toi avec lui et tue-le.

      – Eh! malheureux! s'écria Pisani emporté par sa passion, est-ce que l'on se bat avec les princes du sang! ou plutôt est-ce que les princes du sang se battent avec nous autres, simples gentilshommes. Quand on veut être débarrassé d'eux, il faut les faire assassiner!

      – Et la roue? dit le compagnon du gentilhomme bossu que nous avons entendu nommé Souscarrières.

      – Lui mort, je me serais tué. Est-ce que je n'ai pas la vie en horreur?

      – Ouais! s'écria Souscarrières en se frappant le front, est-ce que j'y serais par hasard?

      – C'est possible, fit Pisani, haussant insoucieusement les épaules.

      – Est-ce que l'homme dont tu es jaloux, mon pauvre Pisani, est-ce que ce serait…

      – Voyons, achève.

      – Mais non, ce ne peut pas être; celui-là est arrivé depuis huit jours à peine d'Italie.

      – Il ne faut pas huit jours pour aller de l'hôtel Montmorency à la rue de la Cerisaie.

      – Alors, c'est donc… – Souscarrières hésita un instant, puis, comme si le nom s'échappait de sa bouche malgré lui. – C'est donc le comte de Moret?

      Un blasphème terrible, qui s'échappa de la bouche du marquis, fut sa seule réponse.

      – Ah! ah! mais qui donc aimes-tu, mon cher Pisani?

      – J'aime madame de Maugiron.

      – Ah! la bonne histoire! s'écria Souscarrières en éclatant de rire.

      – Est-ce donc si risible ce que je te dis là? demanda Pisani, en fronçant le sourcil.

      – Madame de Maugiron, la sœur de Marion Delorme?

      – La sœur de Marion Delorme, oui!

      – Qui demeure dans la même maison que son autre sœur, madame de La Montagne?

      – Oui! cent fois oui!

      – Eh bien! mon cher marquis, si tu n'as que cette raison d'en vouloir au pauvre comte de Moret, et si tu veux le faire tuer parce qu'il est l'amant de Mme de Maugiron, remercie Dieu que ton désir n'ait pas été accompli, car un brave gentilhomme comme toi aurait eu un remords éternel d'avoir commis un crime inutile.

      – Comment cela? demanda Pisani, se dressant tout debout.

      – Parce que le comte de Moret n'est point l'amant de Mme de Maugiron.

      – Et de qui est-il donc l'amant?

      – De sa sœur, Mme de La Montagne.

      – Impossible!

      – Marquis, je te jure qu'il en est ainsi.

      – Le comte de Moret, l'amant de Mme de La Montagne, tu me le jures?

      – Foi de gentilhomme!

      – Mais, l'autre soir, je me suis présenté chez Mme de Maugiron.

      – Avant-hier?

      – Oui, avant-hier.

      – A onze heures du soir?

      – Comment sais-tu cela?

      – Je le sais, je le sais, comme je sais que Mme de Maugiron n'est point la maîtresse du comte de Moret.

      – Tu te trompes, te dis-je.

      – Alors, va toujours.

      – Je l'avais vue dans la journée; elle m'a dit que je pouvais venir, que je la trouverais seule. J'ai repoussé le laquais, je suis parvenu jusqu'à la porte de sa chambre à coucher, j'ai entendu une voix d'homme.

      – Je ne dis point que tu n'aies pas entendu une voix d'homme. – Je dis seulement que cette voix n'était pas celle du comte de Moret.

      – Oh! tu me damnes, en vérité!

      – Tu ne l'as pas vu, le comte?

      – Si, je l'ai vu.

      – Comment cela?

      – Je

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