ТОП просматриваемых книг сайта:
Le comte de Moret. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Le comte de Moret
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Eh bien! c'est justement là où tu fais fausse route, ami Soleil; car, avant-hier soir et hier matin, j'ai travaillé comme d'habitude en tout bien tout honneur; de plus, comme il n'est encore que quatre heures de l'après-midi, j'espère bien trouver quelque bonne pratique avant que le jour tombe tout à fait, et, tombât-il, comme dame Phœbé est dans son plein, je compterais sur la nuit à défaut du jour. Quant aux écus qui te préoccupent tant, non dans mon intérêt mais dans le tien, tu vois, ou plutôt tu entends, – et le buveur fit harmonieusement résonner le contenu de sa poche – qu'il y en a encore quelques-uns dans l'escarcelle, et que le gousset n'est pas tout à fait si vide que tu le crois; donc, si je ne règle pas mon compte hic et nunc, c'est tout simplement que je veux le faire payer par le premier gentilhomme qui viendra réclamer mes bons offices. Et peut-être bien – continua l'hôte insoucieux de maître Soleil, en se penchant vers la fenêtre et en appuyant son front contre les carreaux – peut-être bien celui qui m'acquittera envers toi, est-il celui-là, justement, que je vois venir du côté de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, le nez en l'air comme un homme qui cherche l'enseigne de la Barbe Peinte. Justement, il l'a vu, et paraît on ne peut plus satisfait! Eclipsez-vous donc, maître Soleil, et comme il est évident que ce gentilhomme veut parler à moi, retournez à vos lardoires et laissez les gens d'épée causer de leurs petites affaires. A propos, éclairez; car dans dix minutes, il fera nuit comme dans un four, et j'aime à voir l'air des gens avec qui je traite.
Le buveur ne se trompait point, car, en même temps que son hôte, empressé d'obéir aux ordres qu'il venait de recevoir de lui, disparaissait par la porte de la cuisine, une ombre, interceptant un reste de jour entrant du dehors, apparaissait sur le seuil de la porte d'entrée.
Le nouveau venu, avant de se hasarder par un jour si douteux par la salle basse de l'hôtellerie de la Barbe Peinte, interrogea d'un regard prudent ses ténébreuses profondeurs; voyant alors que cette salle était occupée par un seul individu, et que cet individu était, selon toute probabilité, celui qu'il cherchait, il remonta son manteau, à la hauteur de sa bouche et de ses yeux, de façon à se cacher entièrement le visage, et s'avança vers lui.
Si l'homme au manteau craignait d'être reconnu, la précaution n'était point inutile, car maître Soleil entra juste à ce moment, émanant la lumière, comme l'astre dont il portait le nom, puisqu'il tenait de chaque main une chandelle allumée, qu'il alla déposer dans deux chandeliers de fer-blanc, accrochés à plat contre le mur.
L'étranger le regarda faire avec une impatience qu'il ne se donna point la peine de cacher. Il était évident qu'il eût préféré demeurer dans la demi-obscurité où la salle se trouvait dès son arrivée, demi-obscurité qui devait toujours aller en augmentant, à mesure que la nuit tomberait. Cependant, il demeura silencieux, se contentant de suivre du regard, à travers l'étroite ouverture de son manteau, les agissements de maître Soleil, et ce ne fut que quand la porte par laquelle il était entré se fut refermée sur sa sortie que, s'adressant au buveur qui ne paraissait faire aucune attention à lui, il lui demanda, sans autre préambule:
– C'est vous qu'on appelle Etienne Latil, autrefois à M. d'Epernon, puis capitaine dans les Flandres?
Le buveur, qui était en train de porter son pot à sa bouche au moment où la question lui fut faite, tourna, sans remuer la tête, son œil vers celui qui l'interpellait, et, comme la demande lui avait été adressée d'un ton qui ne satisfaisait probablement pas la susceptibilité dont il se piquait:
– Eh bien! dit-il, quand ce serait moi, en effet, qui m'appelasse de ces deux noms, en quoi cela peut-il vous intéresser?
Et il acheva de rapprocher de ses lèvres le broc, un instant arrêté au milieu de la route qu'il avait à parcourir.
L'homme au manteau laissa au buveur tout le temps de donner à sa dame-jeanne une accolade aussi tendre et aussi prolongée qu'il lui plut de le faire, et, lorsque celui-ci eut reposé le pot, à peu près vide, sur la table:
– J'ai l'honneur de vous demander, lui dit-il avec une notable différence dans l'accent, si vous êtes le chevalier Etienne Latil?
– Ah! voilà qui est déjà mieux, fit, avec un mouvement de tête approbateur, celui auquel s'adressait la question.
– Alors, faites-moi la grâce de me répondre.
– Eh bien! oui, mon gentilhomme, je suis Etienne Latil en personne. Que lui voulez-vous, à ce pauvre Etienne?
– Je veux lui proposer une bonne affaire.
– Une bonne affaire! Ah! ah!
– Mieux que bonne, excellente.
– Pardon – interrompit celui qui venait de reconnaître que le prénom d'Etienne et le nom de Latil s'appliquaient effectivement à lui; – mais, avant d'aller plus loin, permettez que ma susceptibilité prenne modèle sur la vôtre. A qui ai-je l'honneur de parler?
– Peu vous importe mon nom, pourvu que mes paroles sonnent agréablement à votre oreille?
– Vous vous méprenez, mon gentilhomme, si vous croyez qu'à mon endroit cette musique-là suffit; je suis cadet de famille, c'est vrai, mais je suis de noblesse, et ceux qui vous ont adressé à moi ont dû vous dire que je ne travaille ni pour le menu peuple ni pour la petite bourgeoisie. Si vous avez maille à partir avec quelque artisan, votre compère, ou quelque boutiquier, votre voisin, vous pouvez vous bâtonner mutuellement, sans que je m'en mêle ou m'en soucie; je n'interviens pas dans de pareils démêlés.
– Je ne puis ni ne veux vous dire mon nom, maître Latil, mais je ne fais aucune difficulté à ce que vous sachiez mon titre. Voici une bague qui me sert de cachet et qui pourra vous renseigner, pour peu que vous ne soyez point tout à fait ignare en blason, sur le rang que j'occupe dans le monde.
Et, tirant une bague de son doigt, il la passa au bravo, qui se rapprocha de la fenêtre, et, jetant sur elle un regard, aux dernières lueurs du jour:
– Oh! oh! – dit-il – un onyx gravé comme on ne grave qu'à Florence! Vous êtes Italien et marquis, mon gentilhomme; nous savons ce que veulent dire la feuille de vigne et les trois perles; de plus, riche, ce qui ne gâte jamais rien; la pierre seule, sans sa monture, vaut quarante pistoles.
– Cela vous suffit-il, et pouvons-nous causer maintenant? demanda l'inconnu en reprenant sa bague, et en la passant à une main blanche, longue et fine qu'il tira de son manteau, et que, de son autre main gantée déjà, il s'empressa de reganter à son tour.
– Oui, cela me suffit, et vous venez de faire vos preuves, monsieur le marquis; mais auparavant, et comme arrhes du marché que nous allons conclure, il serait galant à vous, quoique je ne vous en fasse point une condition, de payer les dix ou douze pots de vin que je dois dans ce cabaret; je suis un homme d'ordre, et s'il m'arrivait un accident, dans une de mes expéditions, je serais désolé de laisser derrière moi une dette, si petite qu'elle fût.
– Qu'à cela ne tienne!
– Et ce serait, continua le buveur, mettre le comble à votre galanterie, les deux pots que j'ai devant moi sonnant le creux, d'en faire venir, pour les remplacer, deux autres, avec lesquels nous nous gargariserons la gorge, car j'ai le parler sec, et je trouve que les paroles mal humectées écorchent la bouche d'où elles sortent.
– Maître Soleil! cria l'inconnu en s'enfonçant d'un degré de plus dans son manteau.
Maître Soleil parut, comme s'il se