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Жерминаль. Книга для чтения на французском языке. Эмиль Золя
Читать онлайн.Название Жерминаль. Книга для чтения на французском языке
Год выпуска 2005
isbn 5-89815-503-1
Автор произведения Эмиль Золя
Жанр Литература 19 века
Серия Чтение в оригинале (Каро)
Издательство КАРО
Maheu tenta un dernier effort. Il s’approcha de Pierron, qui avait pris son service à six heures.
– Voyons, tu peux bien nous laisser monter.
Mais le chargeur, un beau garçon, aux membres forts et au visage doux, refusa d’un geste effrayé.
– Impossible, demande au porion… On me mettrait à l’amende.
De nouveaux grondements furent étouffés. Catherine se pencha, dit à l’oreille d’Étienne:
– Viens donc voir l’écurie. C’est là qu’il fait bon!
Et ils durent s’échapper sans être vus, car il était défendu d’y aller. Elle se trouvait à gauche, au bout d’une courte galerie. Longue de vingt-cinq mètres, haute de quatre, taillée dans le roc et voûtée en briques, elle pouvait contenir vingt chevaux. Il y faisait bon en effet, une bonne chaleur de bêtes vivantes, une bonne odeur de litière fraîche, tenue proprement. L’unique lampe avait une lueur calme de veilleuse. Des chevaux au repos tournaient la tête, avec leurs gros yeux d’enfants, puis se remettaient à leur avoine, sans hâte, en travailleurs gras et bien portants, aimés de tout le monde.
Mais, comme Catherine lisait à voix haute les noms, sur les plaques de zinc, au-dessus des mangeoires, elle eut un léger cri, en voyant un corps se dresser brusquement devant elle. C’était la Mouquette, effarée, qui sortait d’un tas de paille, où elle dormait. Le lundi, lorsqu’elle était trop lasse des farces du dimanche, elle se donnait un violent coup de poing sur le nez, quittait sa taille sous le prétexte d’aller chercher de l’eau, et venait s’enfouir là, avec les bêtes, dans la litière chaude. Son père, d’une grande faiblesse pour elle, la tolérait, au risque d’avoir des ennuis.
Justement, le père Mouque entra, court, chauve, ravagé, mais resté gros quand même, ce qui était rare chez un ancien mineur de cinquante ans. Depuis qu’on en avait fait un palefrenier, il chiquait à un tel point, que ses gencives saignaient dans sa bouche noire. En apercevant les deux autres avec sa fille, il se fâcha.
– Qu’est-ce que vous fichez là, tous? Allons, houp! bougresses qui m’amenez un homme ici!.. C’est propre de venir faire vos saletés dans ma paille.
Mouquette trouvait ça drôle, se tenait le ventre. Mais Étienne, gêné, s’en alla, tandis que Catherine lui souriait. Comme tous trois retournaient à l’accrochage, Bébert et Jeanlin y arrivaient aussi, avec un train de berlines. Il y eut un arrêt pour la manoeuvre des cages, et la jeune fille s’approcha de leur cheval, le caressa de la main, en parlant de lui à son compagnon. C’était Bataille, le doyen de la mine, un cheval blanc qui avait dix ans de fond. Depuis dix ans, il vivait dans ce trou, occupant le même coin de l’écurie, faisant la même tâche le long des galeries noires, sans avoir jamais revu le jour. Très gras, le poil luisant, l’air bonhomme, il semblait y couler une existence de sage, à l’abri des malheurs de là-haut. Du reste, dans les ténèbres, il était devenu d’une grande malignité. La voie où il travaillait avait fini par lui être si familière, qu’il poussait de la tête les portes d’aérage, et qu’il se baissait, afin de ne pas se cogner, aux endroits trop bas. Sans doute aussi il comptait ses tours, car lorsqu’il avait fait le nombre réglementaire de voyages, il refusait d’en recommencer un autre, on devait le reconduire à sa mangeoire. Maintenant, l’âge venait, ses yeux de chat se voilaient parfois d’une mélancolie. Peut-être revoyait-il vaguement, au fond de ses rêvasseries obscures, le moulin où il était né, près de Marchiennes, un moulin planté sur le bord de la Scarpe, entouré de larges verdures, toujours éventé par le vent. Quelque chose brûlait en l’air, une lampe énorme, dont le souvenir exact échappait à sa mémoire de bête. Et il restait la tête basse, tremblant sur ses vieux pieds, faisant d’inutiles efforts pour se rappeler le soleil.
Cependant, les manoeuvres continuaient dans le puits, le marteau des signaux avait tapé quatre coups, on descendait le cheval; et c’était toujours une émotion, car il arrivait parfois que la bête, saisie d’une telle épouvante, débarquait morte. En haut, lié dans un filet, il se débattait éperdument; puis, dès qu’il sentait le sol manquer sous lui, il restait comme pétrifié, il disparaissait sans un frémissement de la peau, l’oeil agrandi et fixe. Celui-ci étant trop gros pour passer entre les guides, on avait dû, en l’accrochant au-dessous de la cage, lui rabattre et lui attacher la tête sur le flanc. La descente dura près de trois minutes, on ralentissait la machine par précaution. Aussi, en bas, l’émotion grandissait-elle. Quoi donc? Est-ce qu’on allait le laisser en route, pendu dans le noir? Enfin, il parut, avec son immobilité de pierre, son oeil fixe, dilaté de terreur. C’était un cheval bai, de trois ans à peine, nommé Trompette.
– Attention! criait le père Mouque, chargé de le recevoir. Amenez-le, ne le détachez pas encore.
Bientôt, Trompette fut couché sur les dalles de fonte, comme une masse. Il ne bougeait toujours pas, il semblait dans le cauchemar de ce trou obscur, infini, de cette salle profonde, retentissante de vacarme. On commençait à le délier, lorsque Bataille, dételé depuis un instant, s’approcha, allongea le cou pour flairer ce compagnon, qui tombait ainsi de la terre. Les ouvriers élargirent le cercle en plaisantant. Eh bien! quelle bonne odeur lui trouvait-il? Mais Bataille s’animait, sourd aux moqueries. Il lui trouvait sans doute la bonne odeur du grand air, l’odeur oubliée du soleil dans les herbes. Et il éclata tout à coup d’un hennissement sonore, d’une musique d’allégresse, où il semblait y avoir l’attendrissement d’un sanglot. C’était la bienvenue, la joie de ces choses anciennes dont une bouffée lui arrivait, la mélancolie de ce prisonnier de plus qui ne remonterait que mort.
– Ah! cet animal de Bataille! criaient les ouvriers égayés par ces farces de leur favori. Le voilà qui causé avec le camarade.
Trompette, délié, ne bougeait toujours pas. Il demeurait sur le flanc, comme s’il eût continué à sentir le filet l’étreindre, garrotté par la peur. Enfin, on le mit debout d’un coup de fouet, étourdi, les membres secoués d’un grand frisson. Et le père Mouque emmena les deux bêtes qui fraternisaient.
– Voyons, y sommes-nous, à présent? demanda Maheu.
Il fallait débarrasser les cages, et du reste dix minutes manquaient encore pour l’heure de la remonte. Peu à peu, les chantiers se vidaient, des mineurs revenaient de toutes les galeries. Il y avait déjà là une cinquantaine d’hommes, mouillés et grelottants, sous les fluxions de poitrine qui soufflaient de partout. Pierron, malgré son visage doucereux, gifla sa fille Lydie, parce qu’elle avait quitté la taille avant l’heure. Zacharie pinçait sournoisement la Mouquette, histoire de se réchauffer. Mais le mécontentement grandissait, Chaval et Levaque racontaient la menace de l’ingénieur, la berline baissée de prix, le boisage payé à part; et des exclamations accueillaient ce projet, une rébellion germait dans ce coin étroit, à près de six cents mètres sous la terre. Bientôt, les voix ne se continrent plus, ces hommes souillés de charbon, glacés par l’attente, accusèrent la Compagnie de tuer au fond une moitié de ses ouvriers, et de faire crever l’autre moitié de faim. Étienne écoutait, frémissant.
– Dépêchons! dépêchons! répétait aux chargeurs le porion Richomme.
Il hâtait la manoeuvre pour la remonte, ne voulant point sévir, faisant semblant de ne pas entendre. Cependant, les murmures devenaient tels, qu’il fut forcé de s’en mêler. Derrière lui, on criait que ça ne durerait pas toujours et qu’un beau matin