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Milord,

      «Les vers que j'avais essayé de faire sont encore, ou plutôt étaient dans un état tout-à-fait imparfait; je viens de les jeter dans un feu plus décisif que celui de Drury-Lane. Dans de telles circonstances, je ne saurais risquer volontiers de lutter contre Philo-drama, Philo-Drury, Asbestos H**, et tous les anonymes et synonymes des candidats du comité. Sérieusement, je crois que vous pourriez trouver bien mieux ailleurs; les prologues ne sont pas mon fort. Dans tous les cas, mon amour-propre ou ma modestie ne me permettraient pas de courir le hasard de voir mes rimes enterrées dans le Magazine du mois prochain sous les Essais sur l'assassinat de M. Perceval, et les Guérisons de la morsure des chiens enragés, comme ce pauvre Goldsmith s'en plaignait pour des productions bien supérieures aux miennes.

      »Je prends cependant toujours assez d'intérêt à la chose pour désirer connaître l'heureux candidat. Dans un nombre aussi grand, je ne doute pas qu'il ne s'en trouve d'excellens, surtout aujourd'hui que l'art d'écrire en vers est devenu le plus aisé de tous.

      »Je n'ai point de nouvelles à vous apprendre, si ce n'est que, par amour pour le théâtre, vous ne veuillez que je vous parle de M. ***. Je crains bien qu'il ne soit beaucoup au-dessous de la tâche que les directeurs de Covent-Garden viennent de lui confier. Sa figure est trop grasse, ses traits écrasés, sa voix ingouvernable, ses gestes sans grâces; et, comme dit Diggory, je le défie d'embellir jamais assez cette espèce de figure-là pour lui donner même l'air de la folie. Je suis bien fâché de le voir dans le rôle de l'Éléphant sur la corde lâche; car, quand je l'ai vu la dernière fois, j'étais enchanté de son jeu. Mais alors j'avais seize ans; et tout Londres avait la bonté de juger comme s'il était revenu à cet âge. Après tout, de meilleurs juges l'ont admiré et l'admireront peut-être encore, ce qui ne m'empêche pas de me hasarder à prédire qu'il ne réussira pas.

      »Voilà donc le pauvre Rogers retenu fortement au sommet du puissant Heswellyn; ce n'est pas pour toujours, j'espère. Mes complimens respectueux à lady Holland; son départ, et celui de mes autres amis, a été un triste événement pour moi, qui suis maintenant réduit à la solitude la plus cynique.

«Au bord des eaux de Cheltenham, je me suis assis et j'ai bu en songeant à toi, ô Georgina Cottage! Quant à nos harpes, nous les avons suspendues aux saules qui croissent en cet endroit. Alors ils ont dit: Chantez-nous un chant de Drury-Lane, etc.; mais j'étais muet et sombre comme les Israélites 25.» Les eaux m'ont rendu aussi malade que je pouvais le désirer; vous aviez raison en cela, comme vous l'avez toujours.

      »Croyez-moi pour toujours votre obligé et affectionné serviteur.»

      BYRON.

Note 25: (retour) Imitation burlesque du fameux psaume, Super flamina Babylonis, etc.

      Les instances du comité; pour qu'il se chargeât du prologue, ayant été renouvelées avec plus de force encore, il consentit enfin à l'entreprendre pour obliger lord Holland, malgré la difficulté de cette tâche et les chances de se créer de nouveaux ennemis. Les lettres et les billets suivans qui se succédèrent avec la plus grande rapidité, et qu'il adressait à sa seigneurie, ne paraîtront pas sans quelque intérêt aux amis des lettres; ils y trouveront une nouvelle preuve des peines qu'il se donnait alors pour perfectionner et polir ses ouvrages, et l'importance qu'il mettait judicieusement au choix des épithètes, comme moyens d'enrichir l'harmonie et la clarté du vers; ils y verront encore, ce qui est fort important pour la peinture de son caractère, la facilité extraordinaire et la bonne humeur avec lesquelles il cédait aux avis et aux critiques de ses amis. On ne saurait douter que cette docilité qu'il montra constamment sur des points où les poètes sont généralement si tenaces et si irritables, ne fût en lui disposition naturelle, dont on aurait pu tirer parti dans des choses bien autrement importantes, s'il avait eu le bonheur de rencontrer des personnes capables de le comprendre et de le diriger.

À LORD HOLLAND

      22 septembre 1812.

      Cher Milord,

      «Dans un jour ou deux je vous enverrai quelque chose que vous serez parfaitement libre de laisser là si vous ne le trouvez pas bon. J'aurais désiré avoir plus de tems; enfin, je ferai de mon mieux; trop heureux si je puis vous être agréable, quand bien même je devrais déplaire à cent rimailleurs et à la partie éclairée du public.

      »À vous pour toujours, etc.

      BYRON.

      »Gardez-moi le secret, ou je vais me voir assiégé par tous les concurrens rejetés, et peut-être sifflé par une cabale.»

      LETTRE XCVII

À LORD HOLLAND

      Cheltenham, 23 septembre 1812.

      «Voilà enfin! J'ai marqué quelques passages avec des variantes, choisissez, ajoutez, retranchez, coupez, rejetez, détruisez, faites-en ce que vous voudrez, je m'en remets à vous et au comité que vous n'aurez pas cette fois appelé ainsi a non committendo. Que vont-ils faire! que ferai-je moi-même avec les cent-un troubadours repoussés? De quel terrible concert ils vont vous assaillir! Attendez-vous à voir les mauvais vers pleuvoir sur vous. Je désire que mon nom ne transpire pas jusqu'au jour fatal. Je ne serai pas en ville, ainsi que m'importe après tout? au moins ayez un bon acteur pour le lire. Elliston est, je crois, l'homme qu'il nous faudrait, ou bien Pope. Pas de Raymond, je vous en conjure au nom de l'harmonie.

      »Les passages marqués d'un trait dessus et dessous, le sont pour que vous choisissiez entre les épithètes et autres ingrédiens poétiques.

      »Écrivez-moi, je vous prie, un mot, et croyez-moi toujours votre, etc.

»Mes complimens et mes respects à lady Holland. Aurez-vous la bonté d'adopter l'une des deux versions et d'effacer l'autre, sans quoi notre lecteur se trouvera embarrassé comme un commentateur, et pourrait par hasard nous les débiter toutes deux. Si ces petits vers ne vous conviennent pas, je me remettrai à l'enclume et vous ferai de nouveaux endecasyllabes 26.

Note 26: (retour) Les lettres de 97 à 107, ne sont absolument relatives qu'au choix de certaines épithètes à la place de certains mots, dans les vers du Prologue pour la réouverture du théâtre de Drury-Lane; il est impossible de faire passer de pareils détails dans une autre langue: ils y seraient toujours presqu'incomprehensibles et sans aucun intérêt.(N. du Tr.)

      LETTRE CVII

À M. MURRAY

      Cheltenham, 5 septembre 1812.

      «Envoyez, je vous prie, ces dépêches et un numéro de la Revue d'Édimbourg avec le reste. J'espère que vous avez écrit à M. Thompson, que vous l'avez remercié de ma part pour son présent, et que vous lui avez dit que je m'estimerai vraiment heureux de faire ce qu'il désire. Où en êtes-vous? Et le portrait, quand viendra-t-il couronné de lauriers et supporté par quelques méchans vers, orner ou enlaidir quelques-unes de nos tardives éditions?

      »Envoyez-moi Rokeby. Que diable ce peut-il être? N'importe, il est bien apparenté et sera favorablement introduit dans le monde. Je vous remercie de votre politesse. Je ne me porte pas trop mal; mais mon thermomètre poétique est au-dessous de zéro. Que voulez vous me donner à moi ou à mes ayant-cause, pour un poème en six chants (quand il sera terminé, point de vers, point d'argent), dans un genre aussi semblable aux deux derniers qu'il me sera possible? J'ai quelques idées qui pourront prendre un corps; et d'ici l'hiver j'aurai beaucoup de loisir.

      »P. S. Ma dernière question est tout-à-fait dans le style de Grub-Street; mais j'ajouterai avec Jérémie Diddler, je le demande seulement pour le savoir. Envoyez-moi Adair, sur la Diète et le Régime, dont Ridgway vient de donner une nouvelle édition.»

      LETTRE CVIII

À M. MURRAY

      Cheltenham, 14 septembre 1812.

      «Les paquets contenaient des lettres et des pièces de vers, tout cela,

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