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répondit la jeune fille. J'ai pensé que votre cocher était un homme dévoué, et je lui ai dit d'aller vous attendre à la poterne.

      Les deux frères se regardèrent avec attendrissement, et leur double regard, lui apportant toute l'expression de leur reconnaissance, se concentra sur la jeune fille.

      – Maintenant, dit le grand pensionnaire, reste à savoir si Gryphus voudra bien nous ouvrir cette porte.

      – Oh! non, dit Rosa, il ne voudra pas.

      – Eh bien! alors?

      – Alors, j'ai prévu son refus et, tout à l'heure, tandis qu'il causait par la fenêtre de la geôle avec un pistolier, j'ai pris la clef au trousseau.

      – Et tu l'as, cette clé?

      – La voici, monsieur Jean.

      – Mon enfant, dit Corneille, je n'ai rien à te donner en échange du service que tu me rends, excepté la Bible que tu trouveras dans ma chambre: c'est le dernier présent d'un honnête homme; j'espère qu'il te portera bonheur.

      – Merci, monsieur Corneille, elle ne me quittera jamais, répondit la jeune fille. Puis à elle-même et en soupirant: – Quel malheur que je ne sache pas lire! dit-elle.

      – Voici les clameurs qui redoublent, ma fille, dit Jean; je crois qu'il n'y a pas un instant à perdre.

      – Venez donc, dit la belle Frisonne, et par un couloir intérieur, elle conduisit les deux frères au côté opposé de la prison.

      Toujours guidés par Rosa, ils descendirent un escalier d'une douzaine de marches, traversèrent une petite cour aux remparts crénelés, et la porte cintrée s'étant ouverte, ils se retrouvèrent de l'autre côté de la prison dans la rue déserte, en face de la voiture qui les attendait, le marchepied abaissé.

      – Eh! vite, vite, vite, mes maîtres, les entendez-vous? cria le cocher tout effaré.

      Mais après avoir fait monter Corneille le premier, le grand pensionnaire se retourna vers la jeune fille.

      – Adieu, mon enfant, dit-il; tout ce que nous pourrions te dire ne t'exprimerait que faiblement notre reconnaissance. Nous te recommandons à Dieu, qui se souviendra, j'espère que tu viens de sauver la vie de deux hommes.

      Rosa prit la main que lui tendait le grand pensionnaire et la baisa respectueusement.

      – Allez, dit-elle, allez, on dirait qu'ils enfoncent la porte.

      Jean de Witt monta précipitamment, prit place près de son frère, et ferma le mantelet de la voiture en criant: – Au Tol-Hek!

      Le Tol-Hek était la grille qui fermait la porte conduisant au petit port de Scheveningen, dans lequel un petit bâtiment attendait les deux frères.

      La voiture partit au galop de deux vigoureux chevaux flamands et emporta les fugitifs.

      Rosa les suivit jusqu'à ce qu'ils eussent tourné l'angle de la rue.

      Alors elle rentra fermer la porte derrière elle et jeta la clef dans un puits.

      Ce bruit qui avait fait pressentir à Rosa que le peuple enfonçait la porte, était en effet celui du peuple, qui, après avoir fait évacuer la place de la prison, se ruait contre cette porte.

      Si solide qu'elle fût, et quoique le geôlier Gryphus – il faut lui rendre cette justice – se refusât obstinément d'ouvrir cette porte, on sentait qu'elle ne résisterait pas longtemps; et Gryphus, fort pâle, se demandait si mieux ne valait pas ouvrir que briser cette porte, lorsqu'il sentit qu'on le tirait doucement par l'habit.

      Il se retourna et vit Rosa.

      – Tu entends les enragés? dit-il.

      – Je les entends si bien, mon père, qu'à votre place…

      – Tu ouvrirais, n'est-ce pas?

      – Non, je laisserais enfoncer la porte.

      – Mais ils vont me tuer.

      – Oui, s'ils vous voient.

      – Comment veux-tu qu'ils ne me voient pas?

      – Cachez-vous.

      – Où cela?

      – Dans le cachot secret.

      – Mais toi, mon enfant?

      – Moi, mon père, j'y descendrai avec vous. Nous fermerons la porte sur nous et, quand ils auront quitté la prison, eh bien! nous sortirons de notre cachette.

      – Tu as pardieu raison, s'écria Gryphus; c'est étonnant, ajouta-t-il, ce qu'il y a de jugement dans cette petite tête.

      Puis, comme la porte s'ébranlait à la grande joie de la populace:

      – Venez, venez, mon père, dit Rosa en ouvrant une petite trappe.

      – Mais cependant, nos prisonniers? fit Gryphus.

      – Dieu veillera sur eux, mon père, dit la jeune fille; permettez-moi de veiller sur vous.

      Gryphus suivit sa fille, et la trappe retomba sur leur tête, juste au moment où la porte brisée donnait passage à la populace.

      Au reste, ce cachot où Rosa faisait descendre son père, et qu'on appelait le cachot secret, offrait aux deux personnages, que nous allons être forcés d'abandonner pour un instant, un sûr asile, n'étant connu que des autorités, qui parfois y enfermaient quelqu'un de ces grands coupables pour lesquels on craint quelque révolte ou quelque enlèvement.

      Le peuple se rua dans la prison en criant:

      – Mort aux traîtres! À la potence Corneille de Witt! À mort! à mort!

      IV

      LES MASSACREURS

      Le jeune homme, toujours abrité par son grand chapeau, toujours s'appuyant au bras de l'officier, toujours essuyant son front et ses lèvres avec son mouchoir, le jeune homme immobile regardait seul, en un coin du Buitenhof, perdu dans l'ombre d'un auvent surplombant une boutique fermée, le spectacle que lui donnait cette populace furieuse, et qui paraissait approcher de son dénouement.

      – Oh! dit-il à l'officier, je crois que vous aviez raison, van Deken, et que l'ordre que messieurs les députés ont signé est le véritable ordre de mort de monsieur Corneille. Entendez-vous ce peuple? Il en veut décidément beaucoup aux MM. de Witt!

      – En vérité, dit l'officier, je n'ai jamais entendu de clameurs pareilles.

      – Il faut croire qu'ils ont trouvé la prison de notre homme. Ah! tenez, cette fenêtre n'était-elle pas celle de la chambre où a été enfermé M. Corneille?

      En effet, un homme saisissait à pleines mains et secouait violemment le treillage de fer qui fermait la fenêtre du cachot de Corneille, et que celui-ci venait de quitter il n'y avait pas plus de dix minutes.

      – Hourra! hourra! criait cet homme, il n'y est plus!

      – Comment, il n'y est plus? demandèrent de la rue ceux qui, arrivés les derniers, ne pouvaient entrer tant la prison était pleine.

      – Non! non! répétait l'homme furieux, il n'y est plus, il faut qu'il se soit sauvé.

      – Que dit donc cet homme? demanda en pâlissant l'Altesse.

      – Oh! monseigneur, il dit une nouvelle qui serait bien heureuse si elle était vraie.

      – Oui, sans doute, ce serait une bienheureuse nouvelle si elle était vraie, dit le jeune homme; malheureusement elle ne peut pas l'être.

      – Cependant, voyez… dit l'officier.

      En effet, d'autres visages furieux, grinçant de colère, se montraient aux fenêtres en criant:

      – Sauvé! évadé! ils l'ont fait fuir.

      Et le peuple resté dans la rue, répétait avec d'effroyables imprécations:

      – Sauvés! évadés! courons après eux, poursuivons-les!

      – Monseigneur,

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