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Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey
Читать онлайн.Название Le crime de l'Opéra 1
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Fortuné du Boisgobey
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
La camériste disparut avec la prestesse d’une souris. Julia, restée seule, alla droit au bonheur du jour dont le bois de rose cachait un tiroir secret. Elle y serra les lettres, et elle attendit la lugubre nouvelle qu’elle était parfaitement préparée à recevoir.
Trois minutes après, Mariette, effarée, se précipita dans le boudoir en balbutiant:
– Madame!… Ah! mon Dieu!… si vous saviez ce que je viens de voir! Le comte…
– Eh bien? Est-ce qu’il s’est caché dans l’hôtel pour m’espionner?
– Il est mort, madame! il s’est pendu!
– Pendu!
– Oui, madame… à une des fenêtres de la bibliothèque. Je ne sais pas comment je ne me suis pas évanouie de peur.
– C’est épouvantable! s’écria madame d’Orcival, qui n’eut pas trop de peine à pâlir. Appelle le valet de pied… le cocher… dis-leur qu’ils courent chercher un médecin… prévenir le commissaire de police… le médecin d’abord… Il est peut-être encore temps de rappeler à la vie ce malheureux.
II. À peine sorti de l’hôtel de madame d’Orcival
À peine sorti de l’hôtel de madame d’Orcival, Gaston Darcy s’était mis à descendre le boulevard Malesherbes en courant comme un homme qui vient de s’échapper d’une prison et qui craint qu’on ne l’y ramène. Il était venu soucieux; il s’en allait le cœur léger, et il bénissait le hasard qui avait amené le Polonais chez Julia.
– Ces bohèmes étrangers ont du bon, se disait-il joyeusement. Sans la scène que celui-ci est venu faire à Julia, je crois que je n’aurais pas eu le courage de dénoncer mon traité. Et pourtant, elle n’a pas à se plaindre de moi. Il a duré un an, cet aimable traité, et il m’a coûté dans les cent mille… en y comprenant le chèque que j’enverrai demain matin. Elle m’a dit qu’elle ne l’accepterait pas, mais je parierais bien qu’elle ne s’en servira pas pour allumer sa bougie. Les Cléopâtres d’à présent ne font pas fondre leurs perles dans du vinaigre… et elles ont raison. Mais moi je n’ai pas eu tort de quitter Julia. Elle m’aurait mené trop loin. Mon oncle me sautera au cou, quand je lui dirai demain: Tout est rompu… comme dans le Chapeau de paille d’Italie.
Madame d’Orcival aurait, en effet, mené fort loin Gaston Darcy, mais ce n’était pas précisément la crainte de laisser chez elle son dernier louis qui l’avait arrêté tout à coup sur le chemin glissant de la ruine élégante. Ce n’était même pas pour suivre les conseils d’un oncle à succession qu’il venait de faire acte de sagesse.
Gaston Darcy avait bien l’intention d’entrer dans la magistrature et de dételer l’équipage du diable en renonçant au jeu, aux soupers et aux demoiselles à la mode. Mais ces belles résolutions n’auraient probablement pas été suivies d’effet, si le goût très vif qu’il avait eu pour Julia n’eût pas été étouffé par un sentiment plus sérieux dont elle n’était pas l’objet.
Elle ne s’était trompée qu’à demi en jugeant qu’il la quittait pour se marier. Gaston n’était pas décidé à franchir ce pas redoutable, mais il aimait une autre femme, ou plutôt il était en passe de l’aimer, car il ne voyait pas encore très clair dans son propre cœur.
Il n’en était pas moins ravi d’avoir conquis si lestement sa liberté, et il éprouvait le besoin de ne pas garder sa joie pour lui tout seul. Aussi ne songeait-il point à aller se coucher. S’il avait su où trouver son oncle, il n’aurait pas remis au lendemain la visite qu’il comptait lui faire pour lui apprendre une si bonne nouvelle. Mais son oncle allait tous les soirs dans le monde, et il ne se souciait pas de se mettre à sa recherche à travers les salons du faubourg Saint-Honoré. Il appela le premier fiacre qui vint à passer, et il se fit conduire à son cercle.
C’était justement l’heure où il savait qu’il y rencontrerait ses amis, et entre autres, ce capitaine Nointel que madame d’Orcival détestait, sans le connaître. Les femmes ont un merveilleux instinct pour deviner qu’un homme leur est hostile.
Ce cercle n’était pas le plus aristocratique de Paris, mais c’était peut-être le plus animé, celui où on jouait le plus gros jeu, celui que fréquentaient de préférence les jeunes viveurs et les grands seigneurs de l’argent. Darcy y était fort apprécié, car il possédait tout ce qu’il faut pour plaire aux gens dont le plaisir est la grande affaire. Il avait de l’esprit, il parlait bien, et pourtant il ne racontait jamais de longues histoires. Il était toujours prêt à toutes les parties, et, qualité qui prime toutes les autres, dans une réunion de joueurs, il ne gagnait pas trop souvent.
Quand il entra dans le grand salon rouge, sept ou huit causeurs étaient assemblés autour de la cheminée, et les bavardages allaient leur train. C’était un centre d’informations que ce foyer du salon rouge, et chacun y apportait, entre minuit et une heure, les nouvelles de la soirée. Bien entendu, les anecdotes scandaleuses y étaient fort goûtées, et on ne se faisait pas faute d’y commenter les plus fraîches.
La première phrase que Darcy saisit au vol fut celle-ci:
– Saviez-vous que Golymine a été son amant et qu’il a fait des folies pour elle? Il faut vraiment qu’elle soit de première force pour avoir tiré beaucoup d’argent d’un Polonais qui n’en donnait pas aux femmes… au contraire.
Celui qui tenait ce propos était un grand garçon assez bien tourné, un don Juan brun, qui passait pour avoir eu de nombreuses bonnes fortunes dans la colonie étrangère. Il avait la spécialité de plaire aux Russes et aux Américaines.
Il s’arrêta court en apercevant Darcy, qui jugea l’occasion bonne pour faire une déclaration de principes.
Tout le monde connaissait sa liaison avec Julia, et il n’était pas fâché d’annoncer publiquement sa rupture. C’était une façon de brûler ses vaisseaux et de s’enlever toute possibilité de retour. Il se défiait des séductions du souvenir, et il ne se croyait pas encore à l’abri d’une faiblesse.
– C’est de madame d’Orcival qu’il s’agit? demanda-t-il.
– Non, répondit un causeur charitable. Prébord parlait du beau Polonais qu’on a refusé ici dans le temps.
– Et qui a été jadis avec Julia d’Orcival, chacun sait ça; mais ce que vous ne savez pas, c’est que je ne suis plus dans les bonnes grâces de cette charmante personne.
– Comment, c’est fini! s’écrièrent en chœur les clubmen.
– Complètement. Les plus courtes folies sont les meilleures.
– Pas si courte, celle-là. Il me semble, cher ami, qu’elle a duré plusieurs saisons.
– Et la séparation s’est faite à l’amiable?
– Mais oui. Nous ne nous étions pas juré une fidélité éternelle.
– Ma foi! mon cher, vous avez eu raison de déclarer forfait. Julia est très jolie, et elle a de l’esprit comme quatre; mais il n’y a encore que les femmes du monde. Demandez plutôt à Prébord.
– Ou au comte Golymine. Il les connaît, celui-là.
– À propos de ce comte, ou soi-disant tel, sait-on ce qu’il est devenu? demanda un jeune financier qui était un des gros joueurs du cercle.
– Peuh! je crois bien qu’il est à la côte. On ne le voit plus nulle part. C’est mauvais signe.
– J’en serai pour cinq mille, que j’ai eu la sottise de lui prêter.
– Vous étiez donc gris ce jour-là?
– Non, mais c’était à un baccarat chez la marquise de Barancos. Voyant