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Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand
Читать онлайн.Название Cyrano de Bergerac
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Edmond Rostand
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
RAGUENEAU.
Certes, je ne crois pas que jamais nous le peigne
Le solennel monsieur Philippe de Champaigne ;
Mais bizarre, excessif, extravagant, falot,
Il eût fourni, je pense, à feu Jacques Callot
Le plus fol spadassin à mettre entre ses masques.
Feutre à panache triple et pourpoint à six basques,
Cape que par derrière, avec pompe, l’estoc
Lève, comme une queue insolente de coq,
Plus fier que tous les Artabans dont la Gascogne
Fut et sera toujours l’alme Mère Gigogne,
Il promène, en sa fraise à la Pulcinella,
Un nez !… Ah ! messeigneurs, quel nez que ce nez-là !…
On ne peut voir passer un pareil nasigère
Sans s’écrier : « Oh ! non, vraiment, il exagère ! »
Puis on sourit, on dit : « Il va l’enlever… » Mais
Monsieur de Bergerac ne l’enlève jamais.
LE BRET, hochant la tête.
Il le porte, – et pourfend quiconque le remarque !
RAGUENEAU, fièrement.
Son glaive est la moitié des ciseaux de la Parque !
PREMIER MARQUIS, haussant les épaules.
Il ne viendra pas !
RAGUENEAU.
Si !… Je parie un poulet
À la Ragueneau !
LE MARQUIS, riant.
Soit !
(Rumeurs d’admiration dans la salle. Roxane vient de paraître dans sa loge. Elle s’assied sur le devant, sa duègne prend place au fond. Christian, occupé à payer la distributrice, ne regarde pas.)
DEUXIÈME MARQUIS, avec des petits cris.
Ah ! messieurs ! mais elle est
Épouvantablement ravissante !
PREMIER MARQUIS.
Une pêche
Qui sourirait avec une fraise !
DEUXIÈME MARQUIS.
Et si fraîche
Qu’on pourrait, l’approchant, prendre un rhume de cœur !
CHRISTIAN, lève la tête, aperçoit Roxane, et saisit vivement Lignière par le bras.
C’est elle !
LIGNIÈRE, regardant.
Ah ! c’est elle ?…
CHRISTIAN.
Oui. Dites vite. J’ai peur.
LIGNIÈRE, dégustant son rivesalte à petits coups.
Magdeleine Robin, dite Roxane. – Fine.
Précieuse.
CHRISTIAN.
Hélas !
LIGNIÈRE.
Libre. Orpheline. Cousine
De Cyrano, – dont on parlait…
(À ce moment, un seigneur très élégant, le cordon bleu en sautoir, entre dans la loge et, debout, cause un instant avec Roxane.)
CHRISTIAN, tressaillant.
Cet homme ?…
LIGNIÈRE, qui commence à être gris, clignant de l’œil.
Hé ! hé !…
– Comte de Guiche. Épris d’elle. Mais marié
À la nièce d’Armand de Richelieu. Désire
Faire épouser Roxane à certain triste sire,
Un monsieur de Valvert, vicomte… et complaisant.
Elle n’y souscrit pas, mais de Guiche est puissant.
Il peut persécuter une simple bourgeoise.
D’ailleurs j’ai dévoilé sa manœuvre sournoise
Dans une chanson qui… Ho ! il doit m’en vouloir !
– La fin était méchante… Écoutez…
(Il se lève en titubant, le verre haut, prêt à chanter.)
CHRISTIAN.
Non. Bonsoir.
LIGNIÈRE.
Vous allez ?
CHRISTIAN.
Chez monsieur de Valvert !
LIGNIÈRE.
Prenez garde.
C’est lui qui vous tuera !
(Lui désignant du coin de l’œil Roxane.)
Restez. On vous regarde.
CHRISTIAN.
C’est vrai !
(Il reste en contemplation. Le groupe de tire-laine, à partir de ce moment, le voyant la tête en l’air et bouche bée, se rapproche de lui.)
LIGNIÈRE.
C’est moi qui pars. J’ai soif ! Et l’on m’attend
– Dans les tavernes !
(Il sort en zigzaguant.)
LE BRET, qui a fait le tour de la salle, revenant vers Ragueneau, d’une voix rassurée.
Pas de Cyrano.
RAGUENEAU, incrédule.
Pourtant…
LE BRET.
Ah ! je veux espérer qu’il n’a pas vu l’affiche !
LA SALLE.
Commencez ! Commencez !
Scène III
Les mêmes, moins Lignière ; De Guiche, Valvert, puis Montfleury.
UN MARQUIS, voyant de Guiche, qui descend de la loge de Roxane, traverse le parterre, entouré de seigneurs obséquieux, parmi lesquels le vicomte de Valvert.
Quelle cour, ce de Guiche !
UN AUTRE.
Fi !… Encore un Gascon !