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BRET, à Ragueneau, bas.

      Montfleury entre en scène ?

      RAGUENEAU, bas aussi.

      Oui, c’est lui qui commence.

      LE BRET.

      Cyrano n’est pas là.

      RAGUENEAU.

      J’ai perdu mon pari.

      LE BRET.

      Tant mieux ! tant mieux !

      (On entend un air de musette, et Montfleury paraît en scène, énorme, dans un costume de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur l’oreille, et soufflant dans une cornemuse enrubannée.)

      LE PARTERRE, applaudissant.

      Bravo, Montfleury ! Montfleury !

      MONTFLEURY, après avoir salué, jouant le rôle de Phédon.

      « Heureux qui loin des cours, dans un lieu solitaire,

      Se prescrit à soi-même un exil volontaire,

      Et qui, lorsque Zéphire a soufflé sur les bois… »

      UNE VOIX, au milieu du parterre.

      Coquin, ne t’ai-je pas interdit pour un mois ?

      (Stupeur. Tout le monde se retourne. Murmures.)

      VOIX DIVERSES.

      Hein ? – Quoi ? – Qu’est-ce ?…

      (On se lève dans les loges, pour voir.)

      CUIGY.

      C’est lui !

      LE BRET, terrifié.

      Cyrano !

      LA VOIX.

      Roi des pitres,

      Hors de scène à l’instant !

      TOUTE LA SALLE, indignée.

      Oh !

      MONTFLEURY.

      Mais…

      LA VOIX.

      Tu récalcitres ?

      VOIX DIVERSES, du parterre, des loges.

      Chut ! – Assez ! – Montfleury, jouez ! – Ne craignez rien !…

      MONTFLEURY, d’une voix mal assurée.

      « Heureux qui loin des cours dans un lieu sol… »

      LA VOIX, plus menaçante.

      Eh bien ?

      Faudra-t-il que je fasse, ô Monarque des drôles,

      Une plantation de bois sur vos épaules ?

      (Une canne au bout d’un bras jaillit au-dessus des têtes.)

      MONTFLEURY, d’une voix de plus en plus faible.

      « Heureux qui… »

      (La canne s’agite.)

      LA VOIX.

      Sortez !

      LE PARTERRE.

      Oh !

      MONTFLEURY, s’étranglant.

      « Heureux qui loin des cours… »

      CYRANO, surgissant du parterre, debout sur une chaise, les bras croisés, le feutre en bataille, la moustache hérissée, le nez terrible.

      Ah ! je vais me fâcher !…

      (Sensation à sa vue.)

      Scène IV

      Les mêmes, Cyrano, puis Bellerose, Jodelet.

      MONTFLEURY, aux marquis.

      Venez à mon secours,

      Messieurs !

      UN MARQUIS, nonchalamment.

      Mais jouez donc !

      CYRANO.

      Gros homme, si tu joues

      Je vais être obligé de te fesser les joues !

      LE MARQUIS.

      Assez !

      CYRANO.

      Que les marquis se taisent sur leurs bancs,

      Ou bien je fais tâter ma canne à leurs rubans !

      TOUS LES MARQUIS, debout.

      C’en est trop !… Montfleury…

      CYRANO.

      Que Montfleury s’en aille,

      Ou bien je l’essorille et le désentripaille !

      UNE VOIX.

      Mais…

      CYRANO.

      Qu’il sorte !

      UNE AUTRE VOIX.

      Pourtant…

      CYRANO.

      Ce n’est pas encor fait ?

      (Avec le geste de retrousser ses manches.)

      Bon ! je vais sur la scène en guise de buffet,

      Découper cette mortadelle d’Italie !

      MONTFLEURY, rassemblant toute sa dignité.

      En m’insultant, Monsieur, vous insultez Thalie !

      CYRANO, très poli.

      Si cette Muse, à qui, Monsieur, vous n’êtes rien,

      Avait l’honneur de vous connaître, croyez bien

      Qu’en vous voyant si gros et bête comme une urne,

      Elle vous flanquerait quelque part son cothurne.

      LE PARTERRE.

      Montfleury ! Montfleury ! – La pièce de Baro ! –

      CYRANO, à ceux qui crient autour de lui.

      Je vous en prie, ayez pitié de mon fourreau.

      Si vous continuez, il va rendre sa lame !

      (Le cercle s’élargit.)

      LA FOULE, reculant.

      Hé !

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