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Quand les noms des personnes décédées avaient été révélés, Chryssie s’était immédiatement souvenue du dernier jour où elle avait vu sa sœur, ainsi que du médecin qui avait prononcé ces dernières paroles.

      — C’est ce que vous avez dit à ma sœur avant de la tuer et de la découper comme une tarte aux patates douces à Thanksgiving.

      — J’ai dit la vérité, dit-il. Elle n’a pas souffert.

      — Vous l’avez tuée.

      — Elle allait mourir. Il n’y avait rien que quiconque pouvait faire, à part étudier les symptômes de sa maladie.

      Le doigt de Chryssie posé sur la détente recula d’un millimètre vers l’intérieur. Mais les yeux du médecin avaient perdu leur frayeur. Il la regardait à nouveau comme si elle était un spécimen de laboratoire.

      — Vous savez à quel point les gens comme vous sont rares ? demanda-t-il en jetant un œil vers le sommet de son crâne. Et ils ont toujours les cheveux roux.

      Chryssie s’empêcha de passer la main dans ses mèches rouge sang. Tout comme sa mère et sa sœur, la couleur ressemblait à des flammes lui sortant directement du crâne.

      — Il y a de l’hélium dans votre sang, continua-t-il. Ce n’est pas normal. Vous devriez être morte. À vous regarder, vous le serez dans peu de temps.

      — Vous d’abord.

      Elle tendit les bras. Ses mains étaient fermes, ce qui était surprenant vu qu’elle s’était sentie faible tous les jours de sa vie depuis qu’elle avait douze ans. Mais son index ne voulait toujours pas plier. Elle avait envie de poignarder cet homme. Elle devrait peut-être faire ça avec un pieu, à la place.

      — Écoute, chérie, je vois bien qu’il faut faire la queue, mais je n’ai pas que ça à faire.

      Chryssie et le médecin tournèrent tous les deux brusquement la tête vers la fenêtre d’où provenait la voix. Sur le rebord se trouvait assise l’incarnation même de la définition d’héroïne balèze. La femme était vêtue d’un corsage bleu argenté qui soutenait une poitrine généreuse. Ses abdos musclés étaient parfaitement plats et sans un seul bourrelet, malgré qu’elle soit assise avec un genou relevé. Des cheveux violets flottaient dans la brise comme si un ventilateur était dirigé vers elle. Et puis, il y avait ses bottes. Si celles de Chryssie étaient du genre balèze de dépôt-vente, celles de cette femme étaient clairement d’authentiques fouteuses de branlée.

      Dans ses mains, la femme tenait une grosse boule noire, semblable à une boule de billard, avec le chiffre huit peint dans un cercle blanc. Elle lançait la boule de haut en bas, la rattrapant adroitement dans sa main. Au bout des doigts, elle avait de longs ongles ressemblant à des serres qui se refermaient autour de la boule. Ses yeux étaient fixés sur Chryssie. Ils étaient dorés. Pas noisettes. De l’or véritable, brillant comme le métal.

      — Tu vas appuyer sur la détente ou pas, beaux nichons ?

      — Je…

      Chryssie hésita. En partie parce qu’on l’avait appelée beaux nichons. Ses seins n’avaient jamais attiré l’attention de personne. C’était un peu flatteur.

      Ou peut-être que c’était le choc de voir une femme, qui n’était pas là auparavant, assise à la fenêtre d’un immeuble de trois étages.

      — Qu’est-ce que tu en penses, Magic 8 Ball ? Elle a les couilles d’exploser la tête de ce crétin ? Ou je dois le faire moi-même ?

      La femme secoua la boule et scruta le cube à l’intérieur de celle-ci.

      — Réponse difficile, essaie plus tard. Quelle connerie.

      Le beau visage de la femme grimaça de mécontentement. Elle balança la boule par la fenêtre. Puis elle tourna son regard doré vers Chryssie.

      — Qu’est-ce que tu fais, poupée ? Je serais ravie que tu fasses mon boulot à ma place.

      — Votre boulot ? demanda Chryssie.

      — Je suis une escorte. J’escorte les enfoirés tordus et criminels humains comme celui-là dans les boyaux de l’enfer.

      L’enfoiré criminel, qui faisait maintenant face non pas à une, mais à deux folles furieuses qui voulaient sa mort, saisit l’opportunité de se diriger vers la porte.

      Oh non, pas si vite. Chryssie n’allait pas le laisser s’échapper. Oubliant sa rivale, mieux habillée, en meilleure forme, et carrément canon, à la fenêtre, Chryssie tourna rapidement son arme vers le médecin en fuite.

      Le temps que l’arme soit dirigée vers le médecin, l’autre femme était là. La vraie tueuse donna un haut coup de pied circulaire qui rappela la Buffy télévisée, et maîtrisa l’homme. Mais pas avant qu’un coup de feu ne retentisse dans la pièce.

      La Vraie Tueuse grimaça en baissant les yeux sur le petit trou dans son corsage. Chryssie baissa les yeux avec horreur pour découvrir que son index posé sur la détente s’était détendu. Elle avait raté sa cible qui gisait au sol.

      — Je suis désolée. Mon doigt a glissé. Je ne voulais pas…

      La Vraie Tueuse balaya de la main la balle de révolver sur son torse. Il n’y avait pas de sang. Juste un accroc dans le tissu, à cet endroit-là. Un sourire mauvais se forma sur son visage. Elle secoua la tête d’un côté à l’autre, et Chryssie vit que ses oreilles étaient pointues, comme celles d’un elfe. Ou d’une fée.

      — Tu vas payer pour ça, frangine.

      Ses yeux dorés étincelèrent de façon anormalement vive, permettant enfin à Chryssie de piger ce qui se passait. Cette femme ne pouvait être qu’un ange de la mort. Elle était venue collecter l’âme du médecin, et maintenant ses griffes mortelles étaient braquées sur Chryssie parce qu’elle avait voulu tuer l’homme et l’avait manqué. C’était probablement l’équivalent d’une agression sur un officier de police.

      Chryssie baissa son arme. Elle n’avait pas prévu de quitter cette pièce. Après la bagarre et le coup de feu, la police allait sans aucun doute bientôt débarquer. Mourir des mains de cette femme – ou cet ange, ou ce démon, ou peu importe ce qu’elle était – valait mieux que de mourir en prison.

      Chryssie était née pour sauver sa sœur. Elle avait échoué à le faire quand on avait découvert qu’elle portait la même maladie incurable. Elle avait prévu de mourir triomphalement en descendant l’homme qui avait assassiné et mutilé sa sœur. Mais une mort par tueuse implacable devrait suffire. Du moment que son corps n’atterrissait pas dans un centre de soins palliatifs du gouvernement, ou en pièces détachées entre les mains de trafiquants de cadavres.

      Chryssie se mit à genoux. Elle inspira profondément. Malgré tout, ses poumons ne se remplirent pas complètement. Mais l’air était doux, ou du moins, c’est ce qu’elle se dit puisque c’était son dernier souffle.

      — Faites vite, s’il vous plaît, et ne laissez aucun morceau de moi sur lequel ils puissent faire des expériences.

      — Bien sûr, beaux nichons.

      Une vive douleur se répandit dans son crâne, puis le monde commença à disparaître. Mais pas avant qu’elle ne voie ce qu’elle crut être un dragon passer la tête par la fenêtre et lui sourire. Ça semblait logique d’avoir une créature de l’enfer comme monture, puisqu’un ange de la mort la transportait à présent par la fenêtre sur le dos de la bête.

      Chapitre 3

      — Meurs !!! Meurs, espèce de reptile vert bâtard, avec ta grosse carapace et ton long cou !

      Corin se pinça l’arête du nez lorsque Béryl commença à faire des bruits d’explosion avec la bouche. Il était surpris que son frère ne crache pas vraiment du feu

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