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avait commencé lorsqu’elle avait eu une piste sur ce dernier grâce à un contact dans le monde des antiquaires, Jonty Sawyer de la maison de vente aux enchères Sawyer & Sons à Weymouth, un endroit que son père avait apparemment fréquenté tous les week-ends pendant un an. Jonty avait transmis l’adresse de son père en Angleterre – Mermaid Street à Rye, dans l’East Sussex – que Lacey avait notée avant de la ranger lâchement dans un tiroir. Comme le cœur d’Edgar Allan Poe qui battait sous le plancher, le tiroir semblait battre à chaque fois qu’elle passait à côté, l’obligeant à réfléchir longuement à l’adresse cachée à chaque seconde de chaque minute de chaque jour.

      Finalement (et grâce à un peu de courage puisé dans l’alcool), Lacey avait réussi à écrire une lettre, une invitation à son mariage. Elle espérait que son père pourrait être tenté de sortir d’hibernation pour celui-ci. Mais elle n’avait reçu aucune réponse.

      Après tout cela, elle se sentait bête. Qu’est-ce qui lui faisait croire qu’elle pourrait inciter son père à revenir dans sa vie avec un mariage ? Après tout, il avait manqué son premier mariage avec David, alors pourquoi s’était-elle permis d’espérer que ce serait différent cette fois-ci ?

      Une lourdeur s’installa dans le cœur de Lacey. Elle décida qu’il serait plus facile de laisser Gina penser ce qu’elle voulait.

      – Tu as raison, dit-elle en soupirant. C’est pour ça que je traîne les pieds.

      Gina secoua sa tête de frisottis gris.

      – Chérie, chérie, chérie, dit-elle doucement. Ce que tu as avec Tom est spécial. Il ne te traiterait jamais comme David, comme une sorte de couveuse pour bébé.

      Lacey essaya de sourire, mais la tentative maladroite de Gina pour la réconforter avait en fait soulevé une autre des plus grandes incertitudes de Lacey. Lacey venait d’avoir quarante ans et la possibilité de fonder sa propre famille diminuait rapidement. Elle n’avait pas encore pris de décision, et encore moins discuté avec Tom.

      – De plus, poursuivit Gina, qui ne se rendait absolument pas compte du malaise de Lacey, pense à quel point ce sera génial quand ta mère, ta sœur et le petit Frankie viendront ici !

      Loin de lui remonter le moral, penser à sa famille à New York fit dégringoler l’estomac de Lacey de honte. Parce qu’elle ne leur avait même pas encore parlé des fiançailles. Des semaines s’étaient écoulées et tout le monde, du facteur au laitier, était au courant des fiançailles de Lacey et de Tom. Mais elle avait complètement laissé sa propre chair et son sang dans l’ignorance.

      Lacey savait qu’il était impardonnable de ne pas leur dire, peu importe le nombre de fois qu’elle avait essayé de justifier ses actions – qu’elle avait droit à sa vie privée, qu’elle voulait profiter de ce moment avec Tom un peu plus longtemps, qu’elle ne leur faisait pas confiance pour ne pas le dire immédiatement à son ex-mari et qu’elle voulait éviter de lui en parler le plus longtemps possible – mais peu importe l’excuse qu’elle trouvait, elle n’était jamais assez adéquate pour justifier son comportement. Il n’y avait pas deux façons de le faire. En ne le leur disant pas, elle était une mauvaise fille, une mauvaise sœur et une mauvaise tante.

      Lacey s’agita, mal à l’aise, sur son tabouret et prit une grande gorgée de son verre de vin. En réponse à son silence, Gina poussa un cri.

      – Tu ne leur as même pas encore dit, s’exclama-t-elle.

      Elle devient trop douée pour ces conneries de télépathie, pensa Lacey.

      – Non, confirma-t-elle.

      Gina eut l’air horrifiée.

      – Pourquoi pas ? insista-t-elle.

      Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? La question avait tourmenté Lacey tout autant que cette fichue adresse cachée dans son tiroir.

      Soudain, Lacey réalisa d’un seul coup que les deux étaient complètement liés. La véritable raison pour laquelle elle avait gardé ses fiançailles secrètes était qu’elle attendait toujours et espérait que son père répondrait à sa lettre. Elle s’accrochait à cette mince possibilité, aussi stupide soit-elle, que son mariage pourrait bien être la réunion de famille qu’elle souhaitait depuis qu’il l’avait abandonné étant enfant. Elle attendait une réponse dont elle savait qu’elle ne viendrait probablement jamais.

      – Alors ? demanda Gina.

      À ce moment, le minuteur de la cuisine se mit à sonner.

      – Oups, dit Lacey, en sautant de son tabouret. La soupe est prête.

      Sauvée par le gong, pensa-t-elle en s’éloignant de Gina et de ses questions indiscrètes.

      CHAPITRE DEUX

      Lacey était occupée à dépoussiérer les étagères de son magasin d’antiquités lorsque la cloche au-dessus de la porte tinta. Chester laissa échapper un aboiement d’excitation, et Lacey jeta un coup d’œil pour voir Finnbar, son nouvel employé, entrer dans le magasin.

      Le jeune homme maigre portait les mêmes vêtements, comme tous les jours : chemise à carreaux, pantalon cargo beige, brogues usées en cuir. Ses cheveux bruns étaient en bataille, de même que son menton, où poussaient une multitude de poils bruns et roux trop longs pour être du duvet, mais trop courts pour être une barbe, comme s’il ne pouvait pas décider ce qu’il voulait. Bien que, sachant combien Finnbar s’avérait être maladroit, il ne savait peut-être pas dans quel sens tenir un rasoir.

      – Bonjour, appela Lacey.

      Finnbar inclina la tête en guise de réponse polie (même s’il ne portait pas de casquette), puis il caressa Chester.

      – Je prépare une théière ? demanda-t-il.

      – S’il te plaît, dit Lacey. Tout ce dépoussiérage m’a laissée desséchée.

      Elle regarda Finnbar disparaître par l’arche pour aller dans la kitchenette. C’était quelqu’un de routinier, remarqua-t-elle, toujours avec les mêmes vêtements, qui commençait toujours la journée par un signe de tête, une caresse pour Chester, et la proposition de préparer une nouvelle théière. Lacey ne se plaignait pas de se faire servir le thé, mais il s’était avéré être un étrange personnage depuis qu’elle l’avait engagé quelques semaines auparavant.

      Elle venait de gagner un peu d’argent, après avoir vendu une sculpture d’Isidore Bonheur à une riche femme d’affaires ukrainienne. Tom l’avait demandée en mariage peu de temps après et Lacey avait décidé que la meilleure façon de dépenser son argent était d’engager quelqu’un pour l’aider au magasin afin qu’elle puisse consacrer plus de temps à l’organisation de la cérémonie. Elle et Gina avaient tout géré entre elles pendant des mois et des mois ; il était temps d’alléger leur charge de travail.

      Finnbar préparait un doctorat en histoire à l’université d’Exeter, il était donc la personne idéale pour tenir la caisse les jours les plus calmes. Il pouvait ainsi lire ses gros volumes pendant les moments d’accalmie entre les clients et, de temps en temps, intervenir avec ses connaissances sur les époques des antiquités. Jusque-là, il avait gagné le surnom de “machine à faits”. Mais malgré ses connaissances encyclopédiques, il manquait cruellement de bon sens.

      Tandis que Finnbar s’agitait dans la cuisine, la cloche de la porte se remit à tinter, cette fois-ci pour accueillir le premier client de la journée. Lacey se tourna vers la femme d’âge moyen, dont les cheveux brillants brun foncé retombaient net au-dessus des épaules de sa robe grise magnifiquement coupée.

      – Bonté divine ! s’exclama la dame en s’éventant le visage. Il fait un peu chaud ici, non ?

      Lacey sourit agréablement.

      – Je suis presque sûre qu’il fait plus chaud maintenant qu’en août !

      Mais plutôt que de se joindre aux plaisanteries amicales de Lacey, la

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