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Fables de La Fontaine. Jean de la Fontaine
Читать онлайн.Название Fables de La Fontaine
Год выпуска 0
isbn 4064066074258
Автор произведения Jean de la Fontaine
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
Aveuglément se va fourrer
Chez une autre belette aux oiseaux ennemie.
La voilà derechef en danger de sa vie.
La dame du logis, avec son long museau,
S’en alloit la croquer en qualité d’oiseau,
Quand elle protesta qu’on lui faisoit outrage.
Moi, pour telle passer! Vous n’y regardez pas.
Qui fait l’oiseau? C’est le plumage.
Je suis souris, vivent les rats!
Jupiter confonde les chats!
Par cette adroite repartie
Elle sauva deux fois sa vie.
Plusieurs se sont trouvés qui, d’écharpe changeants,
Aux dangers, ainsi qu’elle, ont souvent fait la figue.
Le sage dit, selon les gens:
Vive le roi! vive la ligue!
VI
L’OISEAU BLESSÉ D’UNE FLÈCHE.
Mortellement atteint d’une flèche empennée,
Un oiseau déploroit sa triste destinée,
Et disoit, en souffrant un surcroît de douleur:
Faut-il contribuer à son propre malheur!
Cruels humains! vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles!
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié:
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l’autre.
VII
LA LICE ET SA COMPAGNE.
Une lice étant sur son terme,
Et ne sachant où mettre un fardeau si pressant,
Fait si bien qu’à la fin sa compagne consent
De lui prêter sa hutte, où la lice s’enferme.
Au bout de quelque temps sa compagne revient.
La lice lui demande encore une quinzaine;
Ses petits ne marchoient, disoit-elle, qu’à peine:
Pour faire court, elle l’obtient.
Ce second terme échu, l’autre lui redemande
Sa maison, sa chambre, son lit.
La lice cette fois montre les dents, et dit:
Je suis prête à sortir avec toute ma bande,
Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfants étoient déjà forts.
Ce qu’on donne aux méchants, toujours on le regrette:
Pour tirer d’eux ce qu’on leur prête
Il faut que l’on en vienne aux coups;
Il faut plaider, il faut combattre.
Laissez-leur prendre un pied chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.
VIII
L’AIGLE ET L’ESCARBOT.
L’aigle donnoit la chasse à maître Jean lapin,
Qui droit à son terrier s’enfuyoit au plus vite.
Le trou de l’escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte
Etoit sûr: mais où mieux? Jean lapin s’y blottit.
L’aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
L’escarbot intercède, et dit:
Princesse des oiseaux, il vous est fort facile
D’enlever malgré moi ce pauvre malheureux:
Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie,
Et puisque Jean lapin vous demande la vie,
Donnez-la-lui, de grâce, ou l’ôtez à tous deux:
C’est mon voisin, c’est mon compère.
L’oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de l’aile l’escarbot,
L’étourdit, l’oblige à se taire,
Enlève Jean lapin. L’escarbot indigné
Vole au nid de l’oiseau, fracasse, en son absence,
Ses œufs, ses tendres œufs, sa plus douce espérance:
Pas un seul ne fut épargné.
L’aigle étant de retour, et voyant ce ménage,
Remplit le ciel de cris; et, pour comble de rage,
Ne sait sur qui venger le tort qu’elle a souffert.
Elle gémit en vain; sa plainte au vent se perd.
Il fallut pour cet an vivre en mère affligée.
L’an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut.
L’escarbot prend son temps, fait faire aux œufs le saut:
La mort de Jean lapin derechef est vengée.
Ce second deuil fut tel que l’écho de ces bois
N’en dormit de plus de six mois.
L’oiseau qui porte Ganymède
Du monarque des dieux enfin implore l’aide,
Dépose en son giron ses œufs, et croit qu’en paix
Ils seront dans ce lieu; que, pour ses intérêts,
Jupiter se verra contraint de les défendre:
Hardi qui les iroit là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.