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lire de la nostalgie dans son regard :

      — Je suis vraiment content de t’avoir revu. Tu es superbe. »

      Le téléphone sonna et Angelo, contrarié, s’empressa de répondre. J’en profitai pour me lever. Je savais que je me sentirais plus détendu en m’éloignant de lui, parce que sa proximité rendait son charme difficile à supporter.

      Je me dirigeai vers la fenêtre, certain de me sentir plus à l’aise en profitant du panorama de la ville, plutôt que de continuer à le fixer, lui. Son sourire captivant, ses mouvements athlétiques alors qu’il tournait autour du bureau et s’asseyait pour prendre des notes. Toutes ces choses devenaient dangereuses.

      La lumière dans ses yeux était celle qui brillait à l’époque du lycée. Elle m’était familière et m’apparaissait pourtant totalement différente à la fois. C’était quelqu’un que je connaissais à moitié, quelqu’un qui me troublait subitement.

      La silhouette vague et impersonnelle de la ville, avec sa mer et son horizon, était beaucoup plus simple à regarder, et je préférai me focaliser dessus. Mais lorsque j’entendis Angelo saluer et raccrocher le téléphone, je me retournai instinctivement.

      Nos regards se croisèrent en un impact violent que je ne pus ignorer. J’eus la sensation que je ce que je sentais n’était pas bien, que nous ne devions pas nous regarder de cette façon. Mais cela me semblait également délicieux et juste.

      Les yeux d’Angelo renfermaient une lumière chaude, comme des langues de feu qui paraissaient me crier Je te veux.

      « Viens ici. » Sans cesser de me regarder, Angelo s’approcha de moi et, lorsqu’il m’attira à lui d’un bras, je vis son désir reflété dans mon regard. Avec force, il m’enlaça de son autre bras, de la surprise dans les yeux, et me passa un doigt sur la nuque.

      Lorsque nos lèvres s’unirent, toutes les hésitations, les étranges incertitudes, tombèrent. Le baiser fut doux, du bout des lèvres. Mais ce léger contact suffit à allumer mon désir. Je passai les bras autour de son cou et le serrai contre moi. Angelo se détacha et me regarda un instant, étonné et effrayé. Ses yeux étaient emplis d’une excitation ardente. Il ferma les yeux et posa de nouveau ses lèvres sur les miennes. Je ne me demandai pas la raison de ce qu’il se passait. Ce contact m’apportait plus de plaisir, plus d’excitation, plus de force que tout autre baiser ne m’en avait jamais donné. Et il se fit plus profond, nos langues plus audacieuses, et notre désir s’accrut, accélérant notre souffle. Angelo s’éloigna ce qu’il fallait pour me regarder dans les yeux avec l’expression de celui qui émerge d’un très beau rêve. Il respira à fond et sourit. Sa joie semblait incertaine.

      « Mon Dieu ! Je ne l’aurais jamais imaginé ! En fait, je n’aurais jamais imaginé que ce serait ainsi. Je voulais seulement te prendre dans mes bras mais… » Il sourit et secoua la tête.

      Je le fixais, le plaisir de ce baiser encore dans le regard.

      « Je ne savais vraiment pas que ce serait ainsi » répéta-t-il.

      Je me rendis subitement compte que c’était incongru. Il y avait quelque chose d’étrange dans ce qu’il s’était passé.

      « Que se passe-t-il ? me demanda-t-il quand il remarqua que mon expression avait changé.

      — Je ne sais pas, Angelo, mais c’est bizarre. Après autant de temps, ça m’a semblé… normal.

      — Écoute, il me tenait toujours par la taille, ça m’a semblé bizarre à moi aussi. Nous avons été amis si longtemps que ça paraît absurde. »

      Je ris et m’éloignai de ses bras.

      « Je veux te revoir. Je ne veux pas que tu te sentes obligé, mais je voudrais, dit-il dans un filet de voix en me fixant dans les yeux.

      — Je ne sais pas si c’est une bonne chose, Angelo.

      — Tu dois aller au Manoir de Mondello. Je t’accompagnerai. En bons amis et c’est tout !

      — D’accord » répondis-je en me demandant en silence comment il était possible d’être heureux et de se sentir coupable à la fois.

       Chapitre II

      Quand on vit dans un lieu pour longtemps,

      on devient aveugle parce qu’on n’observe rien

      Cit. Josef Koudelka

      Les jours qui suivirent furent intenses professionnellement, je me sentais terriblement fatigué et j’étais impatient de faire une pause. Mon responsable venait d’engager deux jeunes à former. Mais ils avaient provoqué le chaos. On découvrit un peu plus tard qu’ils étaient des parents du responsable, ses petits-enfants pour être précis. Ils se comportaient maladroitement en cuisine, cassaient des assiettes, décongelaient de la nourriture pour avoir oublié de refermer les chambres froides, faisaient tomber des aliments déjà prêts par terre, se trompaient dans les commandes et nettoyaient très mal la salle. Mon responsable semblait passer outre leurs dégâts et la confusion qu’ils créaient, chose qui rendait furieux tous les autres employés, moi y compris. Mais je pourrais tout laisser derrière moi au moins une journée. C’était en effet mon jour de libre et je le passerais au Manoir de Mondello avec un vieil ami. Ces derniers jours, j’avais évité de me poser des questions sur le baiser d’Angelo, mais maintenant, l’idée qu’il allait passer me prendre commençait à me stresser.

      Je me regardai dans le miroir pour la énième fois : je portais un jean, un tee-shirt blanc et des chaussures de sport. La sonnette de la porte retentit à cet instant. Je me regardai à nouveau : j’étais bien habillé de cette façon. En m’approchant de la porte, je compris que ce n’étaient pas les vêtements qui m’inquiétaient. Non, ce qui me préoccupait était le souvenir de ce baiser, de ces lèvres chaudes, de ce souffle lourd et de ces yeux pleins de désir.

      Je pris une longue respiration et ouvris la porte. Angelo sourit et entra. Il me regarda de la tête aux pieds, puis fit quelques pas dans la maison. Il était très beau, encore plus attirant même avec son jean et son tee-shirt bleu, tous deux moulants, qui mettaient en évidence la silhouette de son corps.

      Nous nous regardâmes un instant. Les yeux noisette d’Angelo étincelèrent, puis il sourit. Un sourire léger qui se faisait plus ouvert alors qu’il s’approchait. Je me surpris à l’attendre, le souffle coupé, alors qu’il me prenait la taille d’un bras.

      « Tu sais, murmura-t-il en souriant, tout ceci est très stupide. » Il me serra contre lui au point que nos lèvres s’effleurèrent presque. J’étais intensément conscient du contact de ce corps, de ces cuisses musclées qui dégageaient une chaleur au contact des miennes, de l’étreinte de ces mains, de la chaude profondeur de son regard.

      « Qu’est-ce qui est stupide ? » je murmurai, captivé par la chaleur qui m’enveloppait, tandis que ses mains glissaient le long de mon dos et m’attiraient davantage à lui, de façon à ce que chaque partie de notre corps se touche. Sa respiration se fit plus rapide, je le regardai dans les yeux, et vis son visage devenir plus sérieux.

      « Je crois - je pouvais sentir son souffle sur mes lèvres - je crois que nous sommes prêts pour tout ça depuis très, vraiment très longtemps. »

      Il baissa la tête et m’embrassa dans le cou, s’arrêta, la joue posée contre la mienne. Je le serrai contre moi en lui passant les bras autour du cou, désireux de sentir la chaleur de son corps partout.

      « Et c’est stupide de faire semblant - il m’embrassa doucement sur les lèvres et poursuivit - de faire semblant que ça n’existe pas. »

      Nos regards fusionnèrent un moment, emplis de désir, alors qu’il approchait à nouveau ses lèvres des miennes. Nous soupirâmes tous deux de plaisir au contact de nos bouches, les ouvrant et explorant celle de l’autre de la langue. Mes doigts caressèrent ses cheveux, et ceux d’Angelo descendirent le long de mon dos jusqu’à ma taille, pour trouver la chaleur de ma peau

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