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Steele,” dit une voix profonde dans le téléphone, assez sérieuse pour suggérer qu’ils allaient passer les politesses habituelles. “Alina m’a dit que vous aviez l’air stressé. Quel est le souci ?”

      “Dr. Guyer,” dit Zéro. “J’ai besoin d’aide. Je ne sais pas trop ce qui se passe, mais…” Il s’arrêta, saisi par une nouvelle pensée inquiétante. Et si cet appel n’était pas privé ? Et si quelqu’un l’écoutait ? La CIA avait déjà mis ses lignes personnelles sur écoute par le passé. Et s’ils entendaient ça…

      Tu deviens paranoïaque. Ne deviens pas cette personne à nouveau.

      Pourtant, maintenant que cette idée s’était insinuée dans son esprit, il ne pouvait pas l’en déloger. Il valait mieux se montrer prudent après tout. Il venait juste de retourner à la CIA, et ça lui plaisait, comme s’il avait de nouveau un but dans la vie. Mais s’ils entendaient tout ça, les choses pourraient changer très vite pour lui… Et il ne voulait pas revivre cet épisode apathique dépressif dans lequel il s’était trouvé pendant quinze mois.

      “Agent Steele ? Vous êtes toujours là ?”

      “Oui, désolé.” Zéro fit de son mieux pour garder une voix calme en prononçant, “J’ai, euh… quelques soucis à me souvenir de certaines choses.”

      “Hum,” dit pensivement Guyer. “À court terme ou long terme ?”

      “Je dirais plutôt à long terme.”

      “Et vous pensez que c’est un… problème ?” Guyer choisissait soigneusement ses mots. Zéro se demanda si le médecin pensait, comme lui, que leur conversation était peut-être écoutée. Quelqu’un comme Guyer pourrait avoir de gros ennuis pour ce qu’il avait fait… certainement être radié de l’ordre des médecins, voire même faire de la prison.

      “Je dirais que je devrais planifier ce voyage pour venir vous voir au plus vite,” répondit Zéro.

      “Je vois.” Guyer se tut et, durant ce silence pesant, Zéro eut la certitude que le médecin s’efforçait d’être aussi prudent que lui. “Eh bien, il se trouve que vous avez de la chance. Vous n’aurez pas besoin de venir me voir chez moi. J’assiste à une conférence la semaine prochaine à l’hôpital Johns-Hopkins de Baltimore. Je pourrai vous voir là-bas. Je suis sûr que l’un de mes collègues me prêtera volontiers une salle d’examen.”

      “Parfait.” Finalement, un semblant de soulagement arriva. Il faisait confiance au médecin pour faire ce qu’il faudrait… ou du moins être en mesure de lui expliquer ce qui se passait dans sa tête. “Envoyez-moi les infos, et je vous retrouverai là-bas.”

      “Entendu. Au revoir, Agent Steele.” Guyer raccrocha, et Zéro s’assit lourdement sur le bord de son lit. Ses mains tremblaient toujours et le sol de sa chambre était encombré de toute cette nostalgie éparpillée

      Peut-être que c’était normal, se dit-il. Peut-être que le rêve m’a ébranlé et que ce n’était qu’un bref oubli au réveil. Peut-être que j’ai paniqué pour rien.

      Bien sûr, il ne croyait pas vraiment à tous les mensonges qu’il pouvait se raconter.

      Mais malgré ce qui se passait dans sa tête, il fallait que la vie continue. Il se força à se lever, à enfiler un jean et une chemise. Il remit les objets dans sa boîte, la ferma à clé et la remit sous le lit.

      Dans la salle de bains, il se brossa les dents et se passa de l’eau froide sur le visage avant de traverser le couloir jusqu’à la cuisine, juste à temps pour voir Maya refermer la porte du four et mettre le minuteur.

      Zéro fronça les sourcils. “Qu’est-ce que tu fais ?”

      Elle haussa les épaules et repoussa les mèches sur son front. “Je mets juste la volaille dans le four.”

      Il cligna des yeux. “Tu fais cuire la dinde ? C’est un truc que t’apprend West Point ?”

      Maya esquissa un sourire. “Non.” Puis, elle brandit son téléphone. “Mais Google, si.”

      “Bon… ok. Dans ce cas, je crois que je vais faire un peu de café.” Il fut à nouveau agréablement surpris de constater qu’elle en avait déjà fait couler. Maya avait toujours été aussi indépendante qu’intelligente. Mais, pour lui, son comportement était presque comme si elle essayait de reprendre du poil de la bête. Il ne put s’empêcher de se demander si elle se sentait aussi impuissante que lui au sujet de Sara. Peut-être était-ce sa façon de montrer son soutien.

      Aussi, il décida de ne pas s’en mêler et de la laisser faire comme elle voulait. Il prit un tabouret au comptoir et but son café, essayant de chasser de sa tête ses désagréments du réveil. Quelques minutes plus tard, Sara débarqua dans la cuisine, encore en pyjama, les yeux à moitié ouverts, avec ses cheveux rouge-blonds ébouriffés.

      “Bonjour,” dit joyeusement Maya.

      “Joyeux Thanksgiving,” ajouta Zéro.

      “Mmh,” marmonna Sara en se traînant jusqu’à la cafetière.

      “Toujours pas du matin, hein, Pouêt-Pouêt ?” la taquina gentiment Maya.

      Sara grommela autre chose, mais il vit l’ébauche d’un sourire sur ses lèvres en entendant son surnom d’enfance. Il sentit une chaleur le gagner intérieurement, et ce n’était pas seulement dû au café. C’était cette sensation dont il avait manqué depuis un certain temps, la sensation d’être vraiment à la maison.

      Et puis, évidemment, son téléphone mobile sonna.

      L’écran lui indiqua que c’était Maria qui appelait et il fit la grimace. Il avait oublié de lui envoyer l’heure et l’adresse pour venir aujourd’hui. Puis, il paniqua à nouveau. Ce n’était pas son genre d’oublier quelque chose comme ça. Était-ce un autre symptôme de son système limbique malade ? Et s’il ne l’avait pas vraiment oublié, mais que ça avait été éjecté de son esprit, tout comme le prénom de Kate ?

      Calme-toi, s’ordonna-t-il. C’est juste une petite absence, rien de plus.

      Il prit une profonde inspiration, puis répondit au téléphone. “Je suis vraiment désolé,” dit-il immédiatement. “J’étais censé t’envoyer un message, et ça m’est complètement sorti de la tête…”

      “Ce n’est pas pour ça que j’appelle, Kent.” Maria avait l’air grave. “Et c’est moi qui devrais m’excuser, parce que j’ai besoin que tu viennes.”

      Il fronça les sourcils. Maya le remarqua et imita son expression, alors qu’il se levait de son tabouret pour s’éloigner dans la pièce adjacente. “Que je vienne ? Tu veux dire à Langley ?”

      “Oui, je suis désolée. Je sais que le moment ne pourrait pas être plus mal choisi, mais j’ai un problème et il faut que tu assiste à ce briefing.”

      “Je…” Sa première idée fut de refuser catégoriquement. Non seulement, c’était un jour férié, et non seulement il gérait toujours la convalescence de Sara, mais Maya lui rendait visite pour la première fois depuis longtemps. Et il ne parlait même pas de sa profonde inquiétude au sujet de cette terrifiante perte de mémoire. Aussi, Maria avait raison : ça ne pouvait pas plus mal tomber.

      Il faillit lâcher, “Je dois vraiment venir ?” mais il tint sa langue par peur que les mots ne sortent sur un ton trop énervé.

      “Je n’ai pas envie de faire ça plus que toi,” dit Maria avant qu’il n’ait eu le temps de réfléchir à un moyen de refuser. “Et je ne veux vraiment pas abuser de ma position.” Zéro comprit clairement cette phrase-là : Maria lui rappelait qu’elle était sa boss à présent. “Mais je n’ai pas le choix, ça ne vient pas de moi. Le Président Rutledge t’a demandé personnellement.”

      “Il m’a demandé, moi ?” répéta Zéro d’un air étonné.

      “Eh

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