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Et pourtant, Adèle ne l’avait jamais vu manquer un seul jour de travail. Elle avait dû fouiner un peu mais d’après ce qu’elle avait appris quand elle travaillait à la DGSI, le mari de l’agent Paige restait à la maison pour s’occuper des enfants pendant que sa femme travaillait sans relâche pour le gouvernement.

      Paige rendit à Adèle son regard ennuyé, et pour toute réponse, Adèle tendit la main et appuya sur la sonnette. Après quelques instants, la porte se mit à bourdonner. Sophie poussa la porte d’entrée, entra et la laissa se refermer derrière elle.

      Adèle dut se dépêcher d’avancer pour coincer son pied dans l’ouverture, avant qu’elle ne se referme complètement.

      Adèle dévisageait, irritée, la nuque de sa co-équipière. Encore une fois, sa coiffure était impeccable. Les vêtements de Paige étaient soigneusement repassés, la veste de son tailleur était gris anthracite, assortie à son pantalon.

      Adèle n’avait jamais particulièrement apprécié la compagnie de son ancien superviseur. La dernière fois qu’elle avait eu des contacts avec cette femme, dans le cadre de l’affaire précédente en France, Paige lui avait causé des problèmes.

      – Pardon, l’interpela Adèle à voix basse. Devrions-nous avoir une conversation ?

      Mais Paige feignit de ne rien avoir entendu et continua à monter les escaliers.

      Adèle accéléra le pas pour rattraper la femme plus âgée, et elle tendit la main pour la placer délicatement sur l’avant-bras de l’autre agent. Comme si elle avait été ébouillantée, Paige se retourna vivement, le visage grimaçant.

      – Ne me touchez pas ! aboya-t-elle.

      Les yeux d’Adèle se posèrent sur l’arme passée à la ceinture de son pantalon et qu’on distinguait sous la veste. Elle leva la main dans un geste d’apaisement.

      – Désolée.

      – Qu’est-ce que vous voulez ? demanda Paige, d’un air renfrogné. Nous faisons ce que vous voulez, n’est-ce pas ? Nous sommes ici pour perdre du temps au lieu de parler aux témoins.

      – Quels témoins ? s’enquit Adèle, en retenant une autre réplique.

      – L’Américaine. Celle qui a trouvé le corps

      Adèle secoua la tête.

      – Elle a trouvé la victime, mais elle n’a rien vu.

      Paige pinça les lèvres.

      – Ce serait un meilleur usage de notre temps plutôt que de passer en revue une scène de crime immaculée. Vous avez lu le rapport, n’est-ce pas ? Aucune preuve matérielle. Il n’y a rien pour nous ici.

      Adèle souffla en secouant la tête. Elle tendit la main comme pour se stabiliser, saisissant la rampe de la balustrade qui menait à l’appartement.

      Elle entendit le tintement des clés et le bruit des pas qui s’approchaient lorsque le concierge traversa le couloir. Elle regarda plus loin, par-dessus la rampe et à travers les barreaux en bois, pour repérer un vieil homme chauve avec un peu de ventre et un pull taché qui s’avançait vers eux.

      Adèle baissa la voix, en s’efforçant de garder son calme et dit :

      – Vous pouvez contacter les agents qui sont avec l’Américaine. Ils attendent nos instructions. Dites-leur de l’emmener ici, si vous voulez. Nous l’interrogerons après ; c’est mieux ici qu’au poste, de toute façon.

      – Bien, rétorqua Paige. Je le ferai peut-être.

      Elle prit son téléphone et ne le quitta pas des yeux pendant un moment.

      Adèle attendit que le propriétaire s’approche, espérant que ce soit le dernier échange animé qu’elle aurait. Elle devait à tout prix conserver son calme et son professionnalisme.

      Le propriétaire jeta un coup d’œil aux deux femmes, apparemment sans remarquer la tension ambiante. Il leur adressa un sourire mielleux et commença :

      – Je peux vous montrer la chambre. (Il s’arrêta un instant, un sourire étirant ses lèvres comme du caramel). Juste par curiosité… (Il marqua une pause, comme s’il comptait les secondes avant de recommencer à parler. Puis il ajouta) : Quand pourrai-je la relouer ? J’ai des factures à payer…

      – Je suis l’agent Sharp, l’interrompit Adèle. (Elle examina l’homme). Voilà l’agent Paige.

      Elle plongea la main dans sa poche et en sortit son badge, ainsi que les documents d’Interpol que Robert lui avait donnés.

      Le propriétaire fit signe que ça lui était égal et ne daigna pas même jeter un coup d’œil à l’une ou l’autre des documents d’identité. Paige fixait toujours son téléphone, ignorant l’homme.

      – Je peux vous montrer, répéta-t-il.

      Adèle esquissa un geste de la main en montant les escaliers pour que le propriétaire prenne les devants, et le suivit lentement alors qu’il respirait lourdement, gravissant une marche après l’autre. Lorsqu’ils atteignirent le palier du troisième étage, il inséra la clé dans la serrure et la tourna, avant d’ouvrir la porte. Adèle observa les clés, puis jeta un coup d’œil au propriétaire.

      – Vous n’êtes pas entré dans l’appartement il y a deux jours, n’est-ce pas ?

      Le propriétaire la dévisagea, puis après un moment, une expression horrifiée se peignit sur ses traits. Il secoua immédiatement la tête, faisant tressauter la graisse de ses joues.

      – Non, insista-t-il. Certainement pas. Je n’entre jamais dans les appartements. Je n’utilise mes clés que pour les urgences.

      Adèle leva les mains.

      – Quelqu’un d’autre a-t-il accès à un jeu de clés ?

      Le propriétaire secoua fermement la tête.

      – Seulement le locataire de l’appartement. Et moi. Et je ne les utilise pas, répéta-t-il.

      Adèle acquiesça pour montrer qu’elle avait entendu, en regardant l’homme pousser la porte de l’appartement et s’effacer pour laisser passer les deux agents.

      Les agents se faufilèrent sous le ruban de la scène de crime qui barrait la porte. Adèle avança et jeta un coup d’œil au carrelage.

      La majeure partie du sang avait déjà été nettoyée. Des photographiques avaient été prises de la scène, et les analystes avaient tout catalogué. Adèle détailla la cuisine ; elle remarqua des taches de sang sur l’armoire à côté du réfrigérateur, ainsi que sur le carrelage. Elle s’approcha des éclaboussures et examina le réfrigérateur. Il était maintenant fermé.

      Outre la porte du réfrigérateur fermée et la flaque de sang manquante, la scène de crime ressemblait exactement à ce qu’elle avait vu en photo. Le corps avait été emporté depuis longtemps chez le médecin légiste et le rapport final serait bientôt disponible.

      Elle détestait l’admettre, mais il n’y avait pas grand-chose à voir. Aucune preuve matérielle. Exactement comme on le lui avait dit.

      Ils avaient déjà relevé les empreintes digitales le long des comptoirs, du réfrigérateur, du corps. Et pourtant, rien n’était apparu. Rien en dehors des empreintes de la victime.

      La deuxième victime avait été trouvée dos contre les placards, face au réfrigérateur. Cela signifiait que l’agresseur avait procédé extrêmement rapidement. Il y avait eu quelques éclaboussures de sang, mais pas beaucoup. Il n’y avait aucun signe de blessures défensives sur le corps. Aucune trace de lutte.

      – Pensez-vous qu’elle connaissait le tueur ? demanda discrètement Adèle.

      L’agent Paige répondit :

      – Peut-être.

      Adèle enjamba avec délicatesse les dernières traces de la flaque de sang. Elle se dirigea vers le réfrigérateur et, plongeant

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