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target="_blank" rel="nofollow" href="#n2" type="note">2, basi! – crièrent quelques rebelles lorsqu’ils le virent.

      – Nifyetua!3– cria celui qui semblait être le chef alors que Juan était sur le point d’atteindre le bord de la clairière.

      Alors deux d’entre eux lui tirèrent dans le dos, sans attendre. Une des balles passa près de moi en sifflant. Je baissai la tête et fermai les yeux le plus fort possible, croyant bêtement que cela pourrait me protéger des projectiles. Il tomba à genoux, à cinq mètres à peine de l’endroit où j’étais en train d’observer et, avant de s’effondrer complètement, arriva à me voir blotti là et m’adressa son dernier sourire.

      –Nitoka, maarusi! – continuaient-ils à crier en direction de l’avion.

      Je n’eus pas à faire un trop gros effort pour éviter de crier, j’étais resté totalement muet et paralysé. Je ne sais combien de temps je restai comme ça, mais, lorsque je pus réagir, je sus avec certitude qu’il ne me restait qu’une seule issue: fuir pour sauver ma vie. Je pris les deux sacs et m’éloignai, pénétrant dans la végétation de la forêt avec la plus grande discrétion possible, ce qui était beaucoup demander vu que j’avançais en zigzag et que mon corps était meurtri. J’étais donc incapable de le contrôler. Je ne savais pas quelle direction prendre, mais il était certain que plus il y aurait de distance entre ces sauvages et moi, plus grandes seraient mes chances de survie.

      Je marchai pendant presque deux heures, éperonné par la crainte, par la peur de mourir, jusqu’à ce que mes jambes cèdent. Je tombai, défaillant. Les sacs me paraissaient être remplis de pierres. Mon genou gauche me faisait très mal; après m’être blessé en jouant au football, il n’était pas complètement guéri et me posait problème encore aujourd’hui si je forçais trop. J’ouvris mon sac et en sortit une canette. Elle était encore un peu fraîche, je la bus avec empressement. Je transpirais abondamment, des gouttes de sueur coulaient, tels des torrents, de mon menton, comme s’il venait de pleuvoir ou comme si je venais de sortir d’une piscine. Je manquais d’air et j’ouvrais la bouche, essayant d’inspirer de grandes bouffées. Je m’engouai à cause d’une gorgée bue trop vite et j’éternuai fortement, je pensai m’étouffer. Lorsque je parvins à me calmer, toujours haletant, je me rendis compte que la lumière était plus faible : la nuit tombait. Alex mort dans l’accident, Juan criblé de balles; j’avais perdu mes deux meilleurs amis l’espace d’un instant pour la stupidité d’une guerre civile que je ne comprenais pas et qui m’était indifférente. Pourquoi ne s’entretuent-ils pas ? Pourquoi nous ? Pourquoi mes amis, Alex, Juan? Salauds! Si ça ne tenait qu’à moi, ils crèveraient tous. A cause d’eux, j’étais seul maintenant, dans ce putain d’endroit, humide, angoissant, asphyxiant, sans mes amis. Pourquoi moi? Pourquoi eux? La mort de Juan, fusillé par ces sauvages tournait en boucle dans ma tête, comme si c’était un film. La lumière de ses yeux s’éteignant dans le dernier regard qu’il m’adressa… J’essayai de ne pas y penser, de l’occulter dans quelque recoin de mon esprit, rien à faire. Cela fait quelques heures nous étions ensemble, riant, nous remémorant les anecdotes du voyage, et maintenant…

      Je pleurai un long moment, je ne sais combien de temps, mais cela me fit beaucoup de bien. Lorsque je pus m’arrêter, je me sentais beaucoup mieux, du moins plus tranquille. Il était évident qu’il allait faire nuit : la forêt obscure entrait dans le monde des ténèbres. Il me fallait chercher un endroit où dormir. J’avais peur de dormir à même le sol, pensant surtout aux rebelles qui pourraient me trouver. Dormir dans un arbre ne me tranquillisait pas davantage, avec les serpents, ces singes hurleurs ou allez donc savoir quelle bête féroce, sauvage et affamée. Je devais prendre une décision. Les serpents ou les hommes armés et enragés? Les serpents me semblèrent être une meilleure option, ils ne m’avaient encore rien fait, pour le moment. Je cherchai un arbre auquel je pourrais grimper facilement, difficile d’accès pour les serpents et avec un espace où je pourrais m’installer pour dormir.

      Je me rendis compte à ce moment-là de l’incroyable quantité de types d’arbres et de plantes qu’il y avait. Des plus petites plantes, presque minuscules, aux arbres de plus de 50 mètres dont le tronc dépassait en grosseur celui des autres arbres sans que l’on puisse en voir le bout. Un riche mélange de différentes espèces de flore parsemé ça et là; il y avait même de très hauts palmiers, aux feuilles colorées et effrangées, larges de plusieurs mètres, aux denses et compactes inflorescences4. Il y avait une couche supérieure d’arbres, d’environ 30 mètres. Certains la dépassaient même largement. Une seconde couche, ensuite, de dix ou vingt mètres de hauteur, avec des arbres à forme allongée, comme les cyprès de nos cimetières y une troisième couche, de cinq à huit mètres de haut, que la lumière peinait à atteindre. Il y avait aussi des arbustes, de jeunes et rares plants de divers types d’arbres et une mousse épaisse qui recouvrait quasiment tout à certains endroits, de même qu’une multitude de lianes, grimpant à tous les troncs, pendant de toutes les branches. Des fleurs et des fruits de toutes parts, surtout dans les plus hautes couches, inatteignables. L’on percevait aussi tous types d’animaux. On ne les voyait pas aisément, cependant l’on pouvait entendre d’innombrables piaillements d’oiseaux, des cris de singes, le bruit des branches s’agitant au-dessus de moi au passage de l’un d’eux et celui des insectes bourdonnant autour des fleurs. On entendait même, de partout, les pas d’animaux terrestres, comme un bruit lointain. Les papillons et le reste des insectes voletaient dans tous les sens. Si je n’avais pas été dans la situation dans laquelle je me trouvais, j’aurais pu profiter d’un si bel endroit, mais, à ce moment précis, tout était un obstacle à ma survie. J’avais peur de tout.

      Après avoir cherché un court instant, je trouvai un arbre qui me parut adéquat et y montai, les sacs sur le dos. On aurait dit qu’ils pesaient énormément et mon genou implorait le repos. Lorsque je fus suffisamment en hauteur pour me sentir en sécurité mais pas assez pour me tuer ou me blesser grièvement si je chutais pendant la nuit, je me positionnai du mieux que possible entre deux branches épaisses, côte à côte et presque parallèles. Je me couvris un peu avec une des petites couvertures de l’avion que j’avais apportée et utilisai l’autre comme oreiller. Je pus entrevoir dans le ciel une incroyable quantité de grandes chauves-souris marron foncé qui battaient des ailes, voltigeant de cette façon si caractéristique qui leur est propre : des êtres à l’apparence furtive, se déplaçant par impulsions5. Je n’arrivais pas à les compter, il devait y en avoir des milliers, se posant surtout sur les palmiers pour se nourrir de leurs fruits ou chasser les insectes qui les mangeaient, pensai-je.

      Je dus dormir deux heures, fractionnées en de petits intervalles de quinze à vingt minutes. Les bruits me harcelaient de toutes parts. Je n’entendais que des pas, des voix, des cris, des criaillements, des petits cris perçants, des bourdonnements, des bruissements : un constant murmure qui augmentait et s’atténuait sans cesse. Il me parût même entendre plusieurs fois le cri d’agonie d’un enfant et des barrissements d’éléphants. Je ne savais pas s’il s’agissait vraiment de cela ou si c’était quelque chose de ressemblant, tout simplement. De temps à autres l’on entendait un rugissement assez inquiétant, ce qui me laissait imaginer qu’une bête féroce viendrait me dévorer pendant mon sommeil. Parfois, l’angoisse m’empêchait de respirer, tenaillant mon cœur, presque au point d’en ressentir une douleur. Chaque son, chaque mouvement, chaque chose qui se passait autour de moi était un tourment, une sensation d’angoisse oppressante. Dès que j’arrivais à m’endormir, il se passait quelque chose, n’importe-quoi, qui m’obligeait à me réveiller, apeuré. Parfois je voyais briller des yeux dans la nuit lugubre et, pour essayer de me réconforter, je me disais que c’était un simple hibou ou son plus proche parent vivant ici, mais ces tentatives pour rester positif étaient de courte durée. Je finissais toujours par voir des félins aux troubles intentions ou un dangereux serpent, en train de chasser. D’autres fois, il me semblait entendre des coups de feu à proximité, des rafales intermittentes,

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<p>3</p>

Langue swahilie: nifyetua!: feu!

<p>4</p>

Flore: Palmier à huile, Elaeis guineensis

<p>5</p>

Faune: Roussette paillée africaine ou roussette des palmiers africaine, Eidolon helvum