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instant qui passait était un moment de plus durant lequel ses filles étaient éloignées de lui. “L’Administration de la Sécurité des Transports doit être prévenue, au cas où il essaierait de leur faire quitter le pays. Il en va de même des ports et des gares. Et les caméras sur l’autoroute ? On peut y avoir accès ! Dès que nous aurons une piste, que quelqu’un vienne me rejoindre. Je vais avoir besoin d’une voiture, quelque chose de rapide, et d’un téléphone de l’agence, d’un traceur GPS, d’armes…”

      “Kent !” Cartwright hurla dans le téléphone. “Arrêtez une seconde, d’accord ?”

      “Arrêter ? Il s’agit de mes filles, Cartwright. J’ai besoin d’informations. J’ai besoin d’aide…”

      Le directeur adjoint soupira fortement, et Reid sut immédiatement que quelque chose n’allait pas du tout. “Vous ne serez pas sur cette opération, Agent,” lui dit Cartwright. “Vous êtes trop impliqué.”

      La poitrine de Reid se souleva, alors que sa colère enflait à nouveau. “Qu’est-ce que vous dîtes ?” demanda-t-il aussi calmement que possible. “Mais qu’est-ce que vous racontez ? Je vais chercher mes filles…”

      “Non.”

      “Ce sont mes enfants…”

      “Écoutez-vous,” répliqua sèchement Cartwright. “Vous êtes déchaîné. Vous êtes émotif. Il y a conflit d’intérêt. Nous ne pouvons le permettre.”

      “Vous savez que je suis le mieux qualifié pour cette affaire,” insista Reid. Personne d’autre n’irait chercher ses filles. Ce serait lui. Il fallait que ce soit lui.

      “Je suis désolé, mais vous avez pour habitude d’attirer l’attention dans le mauvais sens du terme,” rétorqua Cartwright, comme s’il s’agissait d’une explication. “Ça vient d’en haut, ils préfèrent éviter… que l’histoire ne se répète si on vous laisse agir.”

      Reid ne répliqua pas. Il savait exactement ce à quoi Cartwright faisait allusion, même s’il ne s’en souvenait pas à proprement parler. Deux ans auparavant, à la mort de sa femme Kate, Kent Steele avait combattu son chagrin en se lançant à corps perdu dans son travail. Il était parti en croisade pendant des semaines, coupant le contact avec son équipe, alors qu’il suivait les pistes relatives aux membres d’Amon dans toute l’Europe. Il avait refusé de rentrer quand la CIA le lui avait ordonné. Il n’écoutait plus personne, ni Maria Johansson, ni son meilleur ami Alan Reidigger. D’après ce que Reid avait appris, il avait laissé une traînée de corps dans son sillage, tout bonnement considérée par la plupart des gens comme un carnage. En fait, c’était la principale raison pour laquelle le nom “Agent Zéro” était murmuré autant avec peur qu’avec mépris par les rebelles du monde entier.

      Et quand la CIA en avait eu assez, ils avaient envoyé quelqu’un pour l’éliminer. Ils avaient envoyé Reidigger à ses trousses. Mais Alan n’avait pas tué Kent Steele. Il avait trouvé un autre moyen : le suppresseur de mémoire expérimental qui lui avait permis d’oublier tout de sa vie en tant qu’agent de la CIA.

      “Je comprends. Vous avez peur de ce que je pourrais faire.”

      “Ouais,” confirma Cartwright. “C’est tout à fait ça.”

      “Vous avez raison.”

      “Zéro,” avertit le directeur adjoint, “ne faites pas ça. Laissez-nous agir à notre façon, afin que ce soit réglé rapidement, discrètement et proprement. Je ne vous le redirai pas une nouvelle fois.”

      Reid raccrocha. Il allait chercher ses filles, avec l’aide de la CIA ou pas.

      CHAPITRE TROIS

      Après avoir raccroché au nez du directeur adjoint, Reid se retrouva devant la porte de la chambre de Sara, main sur la poignée. Il n’avait pas envie d’entrer. Mais il le fallait.

      Il tâcha de se concentrer sur les détails dont il avait connaissance, les passant en revue dans sa tête : Rais était entré dans la maison par une porte non verrouillée. Il n’y avait aucun signe d’effraction, pas de fenêtres ou de serrures cassées. Thompson avait essayé de riposter. Il y avait des signes évidents de lutte. Le vieil homme avait fini par succomber aux coups de couteau portés à la poitrine. Aucun coup de feu n’avait été tiré, mais le Glock que Reid gardait près de la porte d’entrée avait disparu. C’était également le cas du Smith & Wesson que Thompson portait en permanence à la taille, ce qui voulait dire que Rais était armé.

      Mais où les a-t-il emmenées ? Aucun des indices de cette scène de crime qu’était sa maison ne menait à la moindre destination.

      Dans la chambre de Sara, la fenêtre était encore ouverte et l’échelle de secours en cas d’incendie était toujours déroulée depuis son seuil. Il semblait que ses filles avaient essayé, ou avaient du moins eu l’idée, de descendre ainsi. Mais elles n’avaient pas réussi.

      Reid ferma les yeux et souffla entre ses mains, repoussant les nouvelles larmes qui menaçaient de couler, ainsi que de nouvelles visions d’horreur. Puis, il récupéra le chargeur du téléphone mobile de sa fille, encore branché à la prise murale près de sa table de chevet.

      Il avait trouvé son téléphone au sous-sol, mais il ne l’avait pas signalé à la police. Il ne leur avait pas non plus montré la photo qui avait été envoyée dessus… envoyée dans le but qu’il la voie. Il ne pouvait se résoudre à leur donner le téléphone, même s’il s’agissait clairement d’une preuve.

      Il lui serait peut-être utile.

      Dans sa propre chambre, Reid mit à recharger le téléphone de Sara à une prise derrière son lit. Il configura l’appareil sur silencieux, puis s’occupa de paramétrer un transfert des appels et des messages vers son propre numéro. Pour finir, il cacha le téléphone de sa fille entre le matelas et le sommier à lattes. Il ne voulait pas que les flics le trouvent et il fallait qu’il reste allumé, au cas où de nouveaux messages arriveraient. Des messages qui deviendraient des pistes.

      Il fourra à la hâte des vêtements de rechange dans un sac. Il ne savait pas combien de temps il allait s’absenter, ni s’il allait partir loin ou pas. Jusqu’au bout du monde, s’il le faut.

      Il remplaça ses sneakers par des boots. Il laissa son portefeuille dans le tiroir supérieur de sa commode. Dans son placard, cachée jusqu’aux orteils dans une paire de chaussures chic, se trouvait une liasse de billets : environ cinq cents dollars en cas d’urgence. Il prit tout.

      Au-dessus de sa commode, se trouvait une photo encadrée des filles. Son cœur se serra en la voyant.

      Maya avait le bras passé par-dessus l’épaule de Sara. Les deux filles esquissaient un grand sourire, assises en face de lui dans un restaurant de fruits de mer, pendant qu’il prenait cette photo. C’était lors d’un voyage en Floride qu’ils avaient fait en famille l’été précédent. Il s’en souvenait bien : il avait pris la photo juste avant que leurs boissons ne soient servies. Maya avait bu un Virgin Daïquiri, assise en face de lui. Sara avait pris un milkshake à la vanille.

      Elles étaient heureuses, souriantes, contentes et en sécurité. Avant qu’il ne cause toutes ces horreurs, elles étaient en sécurité. À l’époque où cette photo avait été prise, la simple idée d’être poursuivies par des radicaux ayant l’intention de leur faire du mal ou d’être kidnappées par des meurtriers n’aurait été que pure fiction.

      Tout est ma faute.

      Il retourna le cadre et l’ouvrit par l’arrière, tout en se faisant une promesse. Un fois qu’il les aurait retrouvées (et je vais les retrouver), il arrêterait tout. Fini la CIA, fini les opérations sous couverture. Fini de sauver le monde.

      Que le monde aille au diable. Je veux juste que ma famille soit en sécurité et qu’elle le reste.

      Ils

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