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montait.

      Les marches continuaient et semblaient n'avoir aucune fin. Sophia continuait de les gravir mais elle sentait qu'elle commençait à fatiguer. Elle ne prenait plus les marches deux à deux, maintenant, et un coup d’œil par-dessus son épaule lui montra que la version d'Angelica présente dans tous ses cauchemars la suivait encore, la traquant avec une sombre fatalité.

      Instinctivement, Sophia voulait continuer à gravir les marches mais une partie plus profonde d'elle-même commençait à penser que c'était stupide. Ce n'était pas le monde normal; il n'avait pas les mêmes règles, la même logique. C'était un lieu où la pensée et la magie comptaient plus que la capacité purement physique de continuer à courir.

      Grâce à cette idée, Sophia s'arrêta, puisa en elle-même et chercha à retrouver le fil de pouvoir qui avait semblé la relier à un pays entier. Elle se retourna vers l'image d'Angelica. Maintenant, elle comprenait.

      “Tu n'es pas réelle”, dit-elle. “Tu n'es pas ici.”

      Elle envoya un soupçon de pouvoir et l'image de celle qui voulait la tuer se dissipa. Sophia se concentra et l'escalier en spirale disparut. Sophia se retrouva sur un sol plat. A présent, la lumière n'était plus loin au-dessus mais seulement à un pas ou deux et elle formait une porte qui semblait ouvrir sur la cabine d'un navire, la cabine du navire même où Sophia avait été poignardée.

      Inspirant profondément, Sophia passa la porte et se réveilla.

      CHAPITRE SEPT

      Kate était assise sur le pont du navire qui fendait l'eau et ne pouvait guère en faire plus, tellement elle était fatiguée. Même avec le temps qui s'était écoulé depuis qu'elle avait soigné la blessure de sa sœur, elle avait la sensation de ne toujours pas s'être remise de l'effort.

      De temps à autre, quand des marins passaient, ils regardaient comment elle allait. Le capitaine, Borkar, était extrêmement attentif, passant près d'elle à une fréquence et avec une déférence qui auraient pu paraître amusantes s'il ne l'avait pas fait avec une sincérité complète.

      “Vous allez bien, madame ?” demanda-t-il pour ce qui devait être la centième fois. “Vous faut-il quelque chose ?”

      “Je vais bien”, lui assura Kate. “Et je ne suis la dame de personne. Seulement Kate. Pourquoi m'appelez-vous comme ça tout le temps ?”

      “Ce n'est pas à moi de le dire, ma ... Kate”, insista le capitaine.

      Il n'était pas le seul à le faire. Tous les marins semblaient aborder Kate avec un niveau de déférence qui frôlait l'obséquiosité. Elle n'y était pas habituée. Dans sa vie, elle avait connu la brutalité de la Maison des Oubliés, suivie par la camaraderie des hommes de Lord Cranston. Et il y avait eu Will, bien sûr …

      Elle espérait que Will était en sécurité. Quand elle était partie, elle n'avait pas pu dire au revoir parce que, sinon, Lord Cranston ne l'aurait jamais laissée partir. Elle aurait tout donné pour pouvoir faire ses adieux correctement ou, encore mieux, pour emmener Will avec elle. Il aurait probablement ri de voir ces hommes lui faire la révérence parce qu'il aurait su à quel point cette politesse injustifiée l'agaçait.

      Peut-être était-ce quelque chose que Sophia avait fait. Après tout, elle avait déjà joué le rôle d'une fille noble. Peut-être qu'elle expliquerait tout cela une fois qu'elle se réveillerait. Si elle se réveillait. Non, Kate ne pouvait pas penser comme ça. Il fallait qu'elle espère même si, maintenant, cela faisait plus de deux jours qu'elle avait refermé la blessure que Sophia avait au flanc.

      Kate alla dans la cabine. Quand elle y entra, la chatte de la forêt, allongée aux pieds de Sophia comme une couverture de fourrure, leva la tête d'un air protecteur. A la grande surprise de Kate, depuis tout le temps que le navire voguait, la chatte avait à peine bougé. Quand Kate avança vers le lit de sa sœur, la chatte laissa Kate lui ébouriffer les oreilles.

      “Nous espérons toutes les deux qu'elle va se réveiller, n'est-ce pas ?” dit-elle.

      Assise à côté de sa sœur, elle la regarda dormir. Sophia avait l'air si détendue, maintenant qu'elle n'avait plus la blessure du poignard au flanc, qu'elle n'avait plus la pâleur grisâtre de la mort. Elle aurait pu être en train de dormir, sauf qu'elle dormait comme ça depuis si longtemps que Kate commençait à craindre qu'elle meure de soif ou de faim avant de se réveiller.

      Alors, Kate vit le léger tressaillement des sourcils de Sophia, un mouvement infime de ses mains contre la literie. Elle regarda fixement sa sœur et osa espérer.

      Sophia ouvrit les yeux, la fixa du regard et Kate ne put pas se retenir. Elle se jeta en avant et prit sa sœur dans ses bras, la serra contre elle.

      “Tu es vivante. Sophia, tu es vivante.”

      “Je suis vivante”, la rassura Sophia en se tenant à Kate pendant que cette dernière l'aidait à se redresser. Même la chatte de la forêt semblait heureuse. Elle avança et leur lécha le visage à toutes les deux avec une langue aussi rugueuse que la râpe d'un forgeron.

      “Doucement, Sienne”, dit Sophia. “Je vais bien.”

      “Sienne ?” demanda Kate. “C'est son nom ?”

      Elle vit Sophia hocher la tête. “Je l'ai trouvée sur la route de Monthys. C'est une longue histoire.”

      Kate soupçonnait qu'il y avait beaucoup d'histoires à raconter. Elle se recula de Sophia. Elle voulait tout entendre. Cependant, Sophia faillit retomber sur le lit.

      “Sophia !”

      “Tout va bien”, dit Sophia. “Je vais bien. Du moins, je le crois. Je suis seulement fatiguée. Il me faudrait aussi à boire.”

      Kate lui passa une outre remplie d'eau et regarda Sophia boire goulûment. Elle appela les marins et, à sa grande surprise, ce fut le Capitaine Borkar qui arriva en personne, au pas de course.

      “Que vous faut-il, madame ?” demanda-t-il. Alors, il regarda fixement Sophia et, choquant Kate une fois de plus, il se mit sur un genou. “Votre altesse, vous êtes réveillée.

      Nous nous inquiétions tellement pour vous. Vous devez avoir très faim. Je vais tout de suite chercher à manger !”

      Il partit précipitamment et Kate sentit la joie qui émanait de lui comme de la fumée. Cela dit, elle avait au moins un autre sujet de préoccupation.

      “Votre altesse ?” dit-elle en regardant fixement Sophia. “Les marins me traitent étrangement depuis qu'ils ont compris que j'étais ta sœur mais pourquoi te parlent-ils comme ça ? Tu leur dis que tu es une reine ?”

      Faire semblant d'être une reine lui semblait être un jeu dangereux. Est-ce que Sophia profitait de ses fiançailles à Sebastian, prétendait-elle être une noble étrangère ou était-ce quelque chose d'autre ?

      “Cela n'a rien à voir”, dit Sophia. “Je ne prétends rien du tout.” Elle prit le bras à Kate. “Kate, j'ai trouvé qui étaient nos parents !”

      C'était une chose sur laquelle Sophia n'aurait jamais l'idée de plaisanter. Kate la regarda fixement, arrivant tout juste à croire tout ce que cela impliquait. Assise au bord du lit, elle voulait tout comprendre.

      “Raconte-moi”, dit-elle, incapable de contenir ce qu'elle ressentait. “Tu penses que … tu penses vraiment que nos parents étaient nobles ?”

      Sophia commença à se redresser. Quand elle eut du mal à le faire, Kate l'aida.

      “Nos parents se nommaient Alfred et Christina Danse”, dit Sophia. “Ils vivaient, nous vivions, dans une propriété de Monthys. Notre famille était celle des rois et des reines avant que la famille de la Douairière ne l'écarte du pouvoir. La personne qui m'a expliqué ça a dit qu'ils avaient une sorte de … connexion avec la terre. Ils ne se contentaient pas de la gouverner : ils en faisaient partie.”

      Kate

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