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en marchant les grandes portes cintrées menant à la salle du trône du Roi, maintenues ouvertes pour elle par plusieurs serviteurs, Krohn à ses côtés, et elle fut impressionnée par la vue qui s’offrait devant elle. Là, de l’autre côté de la chambre vide, le Roi était assis sur son trône, seul dans ce vaste endroit, les portes résonnèrent derrière elle alors qu’elles se refermaient. Elle s’approcha, marchant le long du sol pavé, passant des rais de lumière qui se déversaient à travers les rangées de vitraux, illuminant le lieu avec des images d’anciens soldats dans des scènes de bataille. Cet endroit était à la fois intimidant et serein, inspirant et hanté par les fantômes des rois passés. Elle pouvait sentir leur présence planant dans l’air lourd, et cela lui rappela, de bien trop de manières, la Cour du Roi. Elle ressentit un soudain accès de tristesse peser sur sa poitrine, tandis que la pièce la faisait grandement se languir de son père.

      Le Roi MacGil était assis là, solennel, le menton sur son poing, manifestement accablé par une pensée et, Gwendolyn le sentit, par le poids de la souveraineté. Il lui semblait seul, piégé dans cet endroit, comme si le poids du royaume reposait sur ses épaules. Elle ne comprenait cette impression que trop bien.

      « Ah, Gwendolyn », dit-il, s’illuminant à sa vue.

      Elle s’attendait à ce qu’il reste sur son trône, mais il se mit immédiatement sur ses pieds et se hâta le long des marches d’ivoire, un sourire chaleureux sur le visage, humble, sans la prétention d’autres rois, impatient de s’avancer et de la saluer. Son humilité était un soulagement bienvenu pour Gwendolyn, en particulier après sa rencontre avec son fils, qui la laissait encore secouée, aussi inquiétant que cela ait été. Elle se demandait si elle devait en parler au Roi ; pour le moment, au moins, elle pensa qu’elle tiendrait sa langue et verrait ce qui arriverait. Elle ne voulait pas paraître ingrate, ou que leur rencontre commence sur une mauvaise note.

      « J’ai pensé à peu d’autres choses depuis notre discussion hier », dit-il, alors qu’il s’approchait et l’étreignait chaleureusement. Krohn, à côté d’elle, gémit et donna un petit coup à la main du Roi, qui baissa les yeux et sourit. « Et qui est-ce ? » demanda-t-il affablement.

      « Krohn », répondit-elle, soulagée qu’il se prenne d’affection pour lui. « Mon léopard – ou, pour être plus exact, le léopard de mon époux. Bien que je supposer qu’il soit autant le mien que le sien. »

      À son soulagement, le Roi s’agenouilla, prit la tête de Krohn entre ses mains, lui gratta les oreilles et l’embrassa, sans crainte. Krohn répondit en lui léchant le visage.

      « Un bel animal », dit-il. « Un changement bienvenu par rapport à nos chiens bâtards ici. »

      Gwen le regarda, surprise par sa bonté alors qu’elle se remémorait les mots de Mardig.

      « Alors des animaux tels que Krohn sont autorisés ici ? » demanda-t-elle.

      Le roi rejeta la tête en arrière et rit.

      « Bien évidemment », répondit-il. « Et pourquoi pas. Quelqu’un vous a-t-il dit autre chose ? »

      Gwen débattait pour savoir si elle devait lui dire pour sa rencontre, et décida de tenir sa langue ; elle ne voulait pas être vue comme rapporteuse, et elle avait besoin d’en savoir plus à propos de ces gens, cette famille, avant de tirer des conclusions ou de se jeter précipitamment au milieu d’un drame familial. Il était mieux, pensa-t-elle, de garder le silence pour le moment.

      « Vous souhaitiez me voir, mon Roi ? » dit-elle à la place.

      Immédiatement, son expression se fit sérieuse.

      « Oui », dit-il. « Notre conversation a été interrompue hier, et il reste beaucoup de choses dont nous avons besoin de discuter. »

      Il se tourna et fit un geste de la main, lui faisant signe de le suivre, et ils marchèrent ensemble, leurs pas résonnant, tandis qu’ils traversaient la vaste chambre en silence. Gwen leva les yeux et examina les hauts plafonds en ogive pendant qu’ils avançaient, les armoiries exposées le long des murs, les trophées, armes, armures… Gwen admirait l’ordre de cet endroit, la fierté que ces chevaliers prenaient à combattre. Ce hall lui rappelait un endroit qu’elle aurait pu trouver dans l’Anneau.

      Ils traversèrent la chambre, et quand ils atteignirent le côté opposé passèrent à travers un autre ensemble de portes doubles, leur vieux chêne épais de trente centimètres et lisse à force d’usage, et ils sortirent sur un grand balcon, adjacent à la salle du trône, de quinze bons mètres de large et tout aussi profond, encadré par une balustrade de marbre.

      Elle suivit le Roi à l’extérieur, vers le bord, et posant les mains sur le marbre lisse, elle regarda au-delà. En dessous d’elle s’étirait la cité tentaculaire et immaculée de la Crête, tous ses toits angulaires d’ardoises marquant la ligne d’horizon, toutes ses maisons aux formes différentes, construites si près les uns des autres. C’était à l’évidence une cité en mosaïque qui avait évolué au fil de centaines d’années, chaleureuse, intimiste, usée par l’usage. Avec ses cimes et ses flèches, elle ressemblait à une ville de conte de fées, en particulier détachée contre les eaux bleues au-delà en toile de fond, étincelantes sous le soleil – et encore après cela, les pics imposants de la Crête, s’élevant tout autour dans un large cercle, comme une grande barrière face au monde.

      Si repliés, si abrités de monde extérieur, Gwen ne pouvait pas imaginer que quoi que ce soit de mauvais puisse arriver à cet endroit.

      Le Roi soupira.

      « Difficile d’imaginer que ce lieu est mourant », dit-il – et elle prit conscience qu’il avait partagé les mêmes pensées.

      « Difficile d’imaginer », ajouta-t-il, « que je sois en train de mourir. »

      Gwen se tourna vers lui et vit que ses yeux bleu-clair étaient peinés, emplis de tristesse. Elle ressentit un élan d’inquiétude.

      « De quelle maladie, mon seigneur ? » demanda-t-elle. « Sûrement, quoi que ce soit, c’est quelque chose que les soigneurs peuvent guérir ? »

      Lentement, il secoua la tête.

      « J’ai été voir chaque guérisseur », répondit-il. « Les meilleurs du royaume, bien entendu. Ils n’ont aucun remède. C’est un cancer qui s’étend en moi. »

      Il soupira et regarda vers l’horizon, et Gwen se sentit inondée de tristesse pour lui. Pour quelle raison, se demanda-t-elle, les gens bons étaient-ils souvent proie de tragédies – pendant que les mauvaises, d’une manière ou d’une autre, parvenaient à prospérer ?

      « Je n’éprouve aucune pitié pour moi-même », ajouta le Roi. « J’accepte mon destin. Ce qui m’inquiète le plus n’est pas moi-même – mais mon héritage. Mes enfants. Mon royaume. C’est tout ce qui compte pour moi maintenant. Je ne peux pas prévoir mon propre futur, mais au moins je peux prévoir le leur. »

      Il se tourna vers elle.

      « Et c’est ce pour quoi je t’ai convoquée. »

      Le cœur de Gwen se brisa pour lui, et elle sut qu’elle tout ce qu’elle pourrait pour l’aider.

      « Pour autant que je sois volontaire », répondit-elle, « je ne vois pas comment je pourrais vous être d’une grande aide. Vous avez un royaume tout entier à votre disposition. Que puis-je possiblement offrir que les autres n’ont pas ? »

      Il soupira.

      « Nous partageons les mêmes buts », dit-il. « Tu souhaites voir l’Empire défait – moi aussi. Tu souhaites avoir un futur pour ta famille, ton peuple, un endroit de sécurité et de sûreté, loin des griffes de l’Empire – moi aussi. Bien entendu, nous avons cette paix ici, maintenant, à l’abri de la Crête. Mais ce n’est pas une paix véritable. Des hommes libres peuvent aller n’importe où – nous ne le pouvons pas. Nous ne vivons pas aussi libres que nous nous cachons. Il y a une différence importante. »

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