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quoi ce bordel ?

      Pour dieu sait quelle raison, il semblait que le souvenir de cette femme, Johansson, avait déclenché chez lui une légère migraine. Toutefois, une sensation encore plus gênante que le mal de tête s’était emparée de lui. Il ressentait du… désir. Non, c’était bien plus que ça : il ressentait de la passion, renforcée par de l’excitation et même par un brin de danger.

      Il ne pouvait s’empêcher de se demander qui était cette femme, mais il chassa ces pensées. Il ne voulait pas qu’elles déclenchent un autre mal de tête. De nouveau, il dirigea le stylo sur la serviette en papier, sur le point d’écrire le dernier nom : Zéro. C’était ainsi que l’avait appelé l’interrogateur iranien. Mais, avant qu’il n’ait pu l’écrire ou le prononcer, une sensation bizarre le saisit. Les poils se dressèrent sur sa nuque.

      Quelqu’un l’observait.

      En relevant les yeux, il vit un homme, debout sur le pas de porte sombre du Féline, son regard tourné vers Reid, tel un faucon épiant une souris. Reid en eut le sang glacé. Quelqu’un l’observait.

      C’était l’homme qu’il était venu rencontrer ici, il en était certain. Est-ce qu’il le reconnaissait ? Il n’avait pas eu cette impression avec les trois arabes. Est-ce que cet homme-là attendait quelqu’un d’autre ?

      Il reposa le stylo. Lentement et subrepticement, il froissa la serviette en boule et la laissa tomber dans sa tasse de café à moitié vide.

      L’homme lui fit un signe de tête. Et Reid fit de même.

      Puis, l’homme chercha quelque chose derrière lui, quelque chose de calé à l’arrière de son pantalon.

      CHAPITRE CINQ

      Reid se leva avec une force telle qu’il reversa presque sa chaise. Sa main enveloppa immédiatement le manche texturé du Beretta, chaud contre le bas de son dos. Son esprit lui hurlait frénétiquement dessus. C’est un lieu public. Il y a des gens ici. Je n’ai jamais tiré au pistolet avant.

      Avant même que Reid ait pu dégainer, l’étranger sortit un portefeuille de sa poche arrière. Il décocha un sourire à Reid, manifestement amusé par sa nature nerveuse. Personne d’autre dans le bar ne semblait y avoir prêté attention, sauf la serveuse avec sa queue de rat en guise de cheveux, qui se contenta de lever un sourcil.

      L’étranger approcha du bar, posa un billet sur le comptoir, et murmura quelque chose à la barmaid. Puis, il se dirigea vers la table de Reid. Il resta debout un long moment devant la chaise vide, un léger sourire sur les lèvres.

      Il était jeune, trente ans tout au plus, avec des cheveux coupés courts et une barbe naissante. Il était plutôt maigre et son visage était très fin, rendant presque caricaturaux ses pommettes et son menton saillants. Le plus étonnant était la paire de lunette à monture en corne noire qu’il portait. On aurait vraiment dit un Buddy Holly né dans les années 80 qui aurait découvert la cocaïne.

      Reid remarqua qu’il était droitier, tenant son coude gauche près de son corps, ce qui signifiait certainement qu’il avait un pistolet accroché à un étui d’épaule, sous l’aisselle, afin de pouvoir le dégainer de la main droite en cas de besoin. Son bras gauche épousait sa veste en daim noire pour cacher son arme.

      “Mogu sjediti ?” finit par demander l’homme.

      Mogu… ? Reid ne comprit pas immédiatement, comme cela avait été le cas en arabe et en français. Cette langue n’était pas le russe, mais assez proche tout de même pour qu’il puisse déduire le sens de ses mots. L’homme demandait s’il pouvait s’asseoir.

      Reid montra d’un geste la chaise vide face à lui et l’homme s’assit, gardant toujours son coude gauche collé à lui.

      Dès qu’il fut assis, la serveuse apporta un verre de bière brune ambrée et le posa devant lui. “Merci,” dit-il. Il fit un sourire à Reid. “Votre serbe n’est pas très bon ?”

      Reid secoua la tête. “Non.” Serbe ? Il aurait parié que l’homme qu’il allait rencontrer serait arabe comme ses ravisseurs et l’interrogateur.

      “En anglais, alors ? Ou en français ?”

      “C’est le dealer qui donne.” Reid fut surpris par le ton calme et posé de sa voix. Son cœur le brûlait presque de peur dans sa poitrine et… s’il devait être honnête, au moins d’une once d’excitation anxieuse.

      Le sourire du serbe s’élargit. “J’aime bien cet endroit. C’est sombre. C’est tranquille. C’est le seul bar que je connaisse dans cet arrondissement qui serve de la Franziskaner. C’est ma préférée.” Il but une longue gorgée de son verre, les yeux fermés et un râle de plaisir s’échappa de sa bouche. “Que delicioso.” Il rouvrit les yeux et ajouta, “Ce n’est pas vous que j’attendais.”

      Une vague de panique enfla dans le ventre de Reid. Il sait, lui cria son esprit. Il sait que ce n’est pas toi qu’il était censé rencontrer et il est armé.

      Du calme, lui dit l’autre voix, la nouvelle part de lui. Tu peux gérer la situation.

      Reid déglutit, mais parvint toutefois à conserver son attitude cool. “Moi non plus,” répondit-il.

      Le serbe rigola. “Très juste. Mais nous sommes nombreux, n’est-ce pas ? Et vous, vous êtes américain ?”

      “Expatrié,” répondit Reid.

      “Ne le sommes-nous pas tous ?” Un nouveau rire. “Avant vous, je n’avais rencontré qu’un seul autre américain dans notre, euh… quel est le terme… conglomérat ? Oui. Donc, pour moi, ce n’est pas si bizarre.” L’homme lui fit un clin d’œil.

      Reid se raidit. Il n’aurait su dire si c’était une blague ou pas. S’il était au courant que Reid était un imposteur et qu’il faisait semblant ou cherchait à gagner du temps ? Il posa les mains sur ses genoux pour cacher le tremblement de ses doigts.

      “Vous pouvez m’appeler Yuri. Comment puis-je vous appeler ?”

      “Ben.” Ce fut le premier nom qui lui vint en tête, le nom de l’un de ses mentors à l’époque où il était professeur assistant.

      “Ben. Comment en êtes-vous venu à travailler pour les iraniens ?”

      “Avec,” corrigea Reid. Il plissa les yeux pour se donner un genre. “Je travaille avec eux.”

      L’homme, ce Yuri, but une autre gorgée de bière. “Bien sûr. Avec. Comment est-ce arrivé ? Malgré nos intérêts mutuels, le groupe a tendance à être, euh… plutôt fermé.”

      “Je suis fiable,” dit Reid sans un seul clignement d’œil. Il n’avait aucune idée d’où ces mots avaient pu venir, tout comme la conviction avec laquelle il les avait prononcés. Il les avait sortis aussi aisément que s’il avait répété la scène.

      “Et où est Amad ?” demanda tout à coup Yuri.

      “Il ne pouvait pas s’en occuper,” répondit Reid d’un ton neutre. “Il vous salue.”

      “Très bien, Ben. Vous avez dit que le contrat est rempli.”

      “Oui.”

      Yuri se pencha en avant en plissant les yeux. Reid pouvait sentir le malt dans son haleine. “J’ai besoin de vous l’entendre dire, Ben. Dites-moi que l’agent de la CIA est mort.”

      Reid resta interdit un léger moment. CIA ? Genre, la CIA ? Tout à coup, tout le discours à propos des agents sur le terrain, les visions en train d’arrêter des terroristes sur des pistes de décollage et dans les hôtels prenaient plus de sens, même s’il ne saisissait pas tout. Puis il se rappela la gravité de situation et espéra n’avoir donné aucun indice pouvant compromettre sa couverture.

      Il

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