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lorsqu'elle a été au-devant de l'amiral Nelson?

      – Oui, elles sont sept.

      – Lesquelles, s'il vous plaît, madame?

      – La princesse de Cariati, qui s'appelle Emilia; la comtesse de San-Marco, qui s'appelle Eleonora; la marquise San-Clemente, qui s'appelle Elena; la duchesse de Termoli, qui s'appelle Elisabetta; la duchesse de Tursi, qui s'appelle Elisa; la marquise d'Altavilla, qui s'appelle Eufrasia, et la comtesse de Policastro, qui s'appelle Eugenia. Je ne compte point lady Hamilton, qui s'appelle Emma; elle ne saurait être pour rien dans une pareille affaire. Donc, vous le voyez, nous avons sept personnes compromises.

      – Oui; mais, sur ces sept personnes, répliqua Acton en riant, il y en a deux qui ne sont plus d'âge à signer des lettres par de simples initiales.

      – C'est juste! Restent cinq. Après?

      – Après, c'est bien simple, madame, et je ne sais pas même comment Votre Majesté se donne la peine d'écouter le reste de mon plan.

      – Que voulez-vous, mon cher Acton! il y a des jours où je suis vraiment stupide, et il paraît que je suis dans un de ces jours-là.

      – Votre Majesté a bonne envie de me dire à moi la grosse injure qu'elle vient de se dire à elle-même.

      – Oui; car vous m'impatientez avec toutes vos circonlocutions.

      – Hélas! madame, on n'est point diplomate pour rien.

      – Achevons.

      – Ce sera fait en deux mots.

      – Dites-les alors, ces deux mots! fit la reine impatientée.

      – Que Votre Majesté invente un moyen de mettre une plume aux mains de chacune de ces dames, et, en comparant les écritures…

      – Vous avez raison, dit la reine en posant sa main sur celle d'Acton; la maîtresse connue, l'amant le sera bientôt. Rentrons.

      Et elle se leva.

      – Avec la permission de Votre Majesté, je lui demanderai encore dix minutes d'audience.

      – Pour choses importantes?

      – Pour affaires de la plus haute gravité.

      – Dites, fit la reine en se rasseyant.

      – La nuit où Votre Majesté me remit cette lettre, elle se rappelle avoir vu, à trois heures du matin, la chambre du roi éclairée?

      – Oui, puisque je lui écrivis…

      – Votre Majesté sait avec qui le roi s'entretenait si tard?

      – Avec le cardinal Ruffo, mon huissier me l'a dit.

      – Eh bien, à la suite de sa conversation avec le cardinal Ruffo, le roi a fait partir un courrier.

      – J'ai, en effet, entendu le galop d'un cheval qui passait sous les voûtes. Quel était ce courrier?

      – Son homme de confiance, Ferrari.

      – D'où savez-vous cela?

      – Mon palefrenier anglais Tom couche dans les écuries; il a vu, à trois heures du matin, Ferrari, en costume de voyage, entrer dans l'écurie, seller un cheval lui-même et partir. Le lendemain, en me tenant l'étrier, il m'a dit cela.

      – Eh bien?

      – Eh bien, madame, je me suis demandé à qui, après une conversation avec le cardinal, Sa Majesté pouvait envoyer un courrier, et j'ai pensé que ce n'était qu'à son neveu l'empereur d'Autriche.

      – Le roi aurait fait cela sans m'en prévenir?

      – Pas le roi! le cardinal, répondit Acton.

      – Oh! oh! fit la reine Caroline en fronçant le sourcil, je ne suis pas Anne d'Autriche et M. Ruffo n'est point Richelieu; qu'il prenne garde!

      – J'ai pensé que la chose était sérieuse.

      – Êtes-vous sûr que Ferrari allait à Vienne?

      – J'avais quelques doutes à ce sujet; mais ils ont été bientôt dissipés. J'ai envoyé Tom sur la route pour savoir si Ferrari avait pris la poste.

      – Eh bien?

      – Il l'a prise à Capoue, où il a laissé son cheval, en disant au maître de poste qu'il en eût bien soin, que c'était un cheval des écuries du roi, et qu'il le reprendrait à son retour, c'est-à-dire dans la nuit du 3 octobre, ou dans la matinée du 4.

      – Onze ou douze jours.

      – Juste le temps qu'il lui faut pour aller à Vienne et en revenir.

      – Et, à la suite de toutes ces découvertes, qu'avez-vous résolu?

      – D'en prévenir Votre Majesté d'abord, et c'est ce que je viens de faire; ensuite il me semble, pour nos plans de guerre, car Votre Majesté est toujours résolue à la guerre?..

      – Toujours. Une coalition se prépare qui va chasser les Français de l'Italie; les Français chassés, mon neveu l'empereur d'Autriche va mettre la main non-seulement sur les provinces qu'il possédait avant le traité de Campo-Formio, mais encore sur les Romagnes. Dans ces sortes de guerres, chacun garde ce qu'il a pris, ou n'en rend que des portions; emparons-nous donc seuls, et avant personne, des États romains, et, en rendant au pape Rome, que nous ne pouvons point garder, eh bien, nous ferons nos conditions pour le reste.

      – Alors, la reine étant toujours résolue à la guerre, il est important qu'elle sache ce que le roi, moins résolu à la guerre que Votre Majesté, a pu, par le conseil du cardinal Ruffo, écrire à l'empereur d'Autriche et ce que l'empereur d'Autriche lui a répondu.

      – Vous savez une chose, général?

      – Laquelle?

      – C'est qu'il ne faut attendre aucune complaisance de Ferrari; c'est un homme entièrement au roi et que l'on assure incorruptible.

      – Bon! Philippe, père d'Alexandre, disait qu'il n'y avait point de forteresse imprenable, tant qu'y pouvait entrer un mulet chargé d'or; nous verrons à combien le courrier Ferrari estimera son incorruptibilité.

      – Et, si Ferrari refuse, quelle que soit la somme offerte; s'il dit au roi que la reine et son ministre ont tenté de le séduire, que pensera le roi, qui devient de plus en plus défiant?

      – Votre Majesté sait qu'à mon avis le roi l'a toujours été, défiant; mais je crois qu'il y a un moyen qui met hors de cause Votre Majesté et moi.

      – Lequel?

      – Celui de lui faire faire les propositions par sir William. Si Ferrari est homme à se laisser acheter, il se laissera aussi bien acheter par sir William que par nous, d'autant plus que sir William ambassadeur d'Angleterre, a près de lui le prétexte de vouloir instruire sa cour des véritables dispositions de l'empereur d'Autriche. S'il accepte, – et il ne court aucun risque à accepter, car on ne lui demande rien que de prendre lecture de la lettre, la remettre dans son enveloppe et la recacheter; – s'il accepte, tout va bien; s'il est assez l'ennemi de ses intérêts pour refuser, au contraire, sir Hamilton lui donne une centaine de louis pour qu'il garde le secret sur la tentative faite; enfin, au pis aller de tout, s'il refuse les cent louis et ne garde pas le secret, sir William rejette tout ce que la tentative a de… – comment dirai-je cela? – de hasardé, sur la grande amitié qu'il porte à son frère de lait le roi George; si cette excuse ne lui suffit pas, il demandera au roi, sur sa parole d'honneur, si, en pareille circonstance, il n'en ferait pas autant que lui, sir William. Le roi se mettra à rire et ne donnera point sa parole d'honneur. En somme, le roi a trop grand besoin de sir William Hamilton, dans la position où il se trouve, pour lui garder une longue rancune.

      – Vous croyez que sir William consentira?..

      – Je lui en parlerai, et, si cela ne suffit pas, Votre Majesté lui en fera parler par sa femme.

      – Maintenant, ne craignez-vous pas que Ferrari ne passe sans que nous

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