ТОП просматриваемых книг сайта:
Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Les compagnons de Jéhu
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
C'était alors que l'enfant avait crié.
Mais, au cri de l'enfant, Amélie avait retrouvé, sinon la force, du moins la volonté; elle s'était redressée et en balbutiant: «Tais-toi, Édouard! tais-toi au nom du ciel! me voilà!» Elle s'était cramponnée d'une main à la rampe, et, appuyée de l'autre sur l'enfant, elle avait continué de descendre les degrés.
À la dernière marche, elle avait rencontré sa mère et son frère; alors d'un mouvement violent, presque désespéré, elle avait jeté ses deux bras au cou de Roland, en criant:
– Mon frère! mon frère!
Puis Roland avait senti que la jeune fille pesait plus lourdement à son épaule, et en disant: «Elle se trouve mal, de l'air! de l'air!» il l'avait entraînée vers le perron.
C'était ce nouveau groupe, si différent du premier, que sir John avait sous les yeux.
Au contact de l'air, Amélie respira et redressa la tête.
En ce moment, la lune, dans toute sa splendeur, se débarrassait d'un nuage qui la voilait, et éclairait le visage d'Amélie, aussi pâle qu'elle.
Sir John poussa un cri d'admiration.
Il n'avait jamais vu statue de marbre si parfaite que ce marbre vivant qu'il avait sous les yeux. Il faut dire qu'Amélie était merveilleusement belle, vue ainsi.
Vêtue d'un long peignoir de batiste, qui dessinait les formes d'un corps moulé sur celui de la Polymnie antique, sa tête pâle, légèrement inclinée sur l'épaule de son frère, ses longs cheveux d'un blond d'or tombant sur des épaules de neige, son bras jeté au cou de sa mère, et qui laissait pendre sur le châle rouge dont madame de Montrevel était enveloppée une main d'albâtre rosé, telle était la soeur de Roland apparaissant aux regards de sir John.
Au cri d'admiration que poussa lAnglais, Roland se souvint que celui-ci était là, et madame de Montrevel s'aperçut de sa présence.
Quant à l'enfant, étonné de voir cet étranger chez sa mère, il descendit rapidement le perron, et, restant seul sur la troisième marche, non pas qu'il craignît d'aller plus loin, mais pour rester à la hauteur de celui qu'il interpellait:
– Qui êtes-vous, monsieur? demanda-t-il à sir John, et que faites-vous ici?
– Mon petit Édouard, dit sir John, je suis un ami de votre frère, et je viens vous apporter les pistolets montés en argent et le damas qu'il vous a promis.
– Où sont-ils? demanda l'enfant.
– Ah! dit sir John, ils sont en Angleterre, et il faut le temps de les faire venir; mais voilà votre grand frère qui répondra de moi et qui vous dira que je suis un homme de parole.
– Oui, Édouard, oui, dit Roland; si milord te les promet, tu les auras.
Puis, s'adressant à madame de Montrevel et à sa soeur:
– Excusez-moi, ma mère; excuse-moi, Amélie, dit-il, ou plutôt excusez-vous vous-mêmes comme vous pourrez près de milord: vous venez de faire de moi un abominable ingrat.
Puis, allant à sir John et lui prenant la main:
– Ma mère, continua Roland, milord a trouvé moyen, le premier jour qu'il m'a vu, la première fois qu'il m'a rencontré, de me rendre un éminent service; je sais que vous n'oubliez pas ces choses-là: j'espère donc que vous voudrez bien vous souvenir que sir John est un de vos meilleurs amis, et il va vous en donner une preuve en répétant avec moi qu'il consent à s'ennuyer quinze jours ou trois semaines avec nous.
– Madame, dit sir John, permettez-moi, au contraire, de ne point répéter les paroles de mon ami Roland; ce ne serait point quinze jours, ce ne serait point trois semaines que je voudrais passer au milieu de votre famille, ce serait une vie toute entière..
Madame de Montrevel descendit le perron, et tendit à sir John une main que celui-ci baisa avec une galanterie toute française.
– Milord, dit-elle, cette maison est la vôtre; le jour où vous y êtes entré a été un jour de joie, le jour où vous la quitterez sera un jour de regret et de tristesse.
Sir John se tourna vers Amélie, qui, confuse de paraître ainsi défaite devant un étranger, ramenait autour de son cou les plis de son peignoir:
– Je vous parle en mon nom et au nom de ma fille, trop émue encore du retour inattendu de son frère pour vous accueillir elle- même comme elle le fera dans un instant, continua madame de Montrevel en venant au secours d'Amélie.
– Ma soeur, dit Roland, permettra à mon ami sir John de lui baiser la main, et il acceptera, j'en suis sûr, cette façon de lui souhaiter la bienvenue.
Amélie balbutia quelques mots, souleva lentement le bras, et tendit sa main à sir John avec un sourire presque douloureux.
L'Anglais prit la main d'Amélie; mais, sentant que cette main était glacée et frissonnante, au lieu de la porter à ses lèvres:
– Roland, dit-il, votre soeur est sérieusement indisposée; ne nous occupons ce soir que de sa santé; je suis un peu médecin, et, si elle veut bien convertir la faveur qu'elle daignait m'accorder en celle que je lui tâte le pouls, je lui en aurai une égale reconnaissance.
Mais, comme si elle craignait que l'on ne devinât la cause de son mal, Amélie retira vivement sa main en disant:
– Mais, non, milord se trompe: la joie ne rend pas malade, et la joie seule de revoir mon frère a causé cette indisposition d'un instant qui a déjà disparu.
Puis, se retournant vers madame de Montrevel:
– Ma mère, dit-elle avec un accent rapide, presque fiévreux, nous oublions que ces messieurs arrivent d'un long voyage; que, depuis Lyon ils n'ont probablement rien pris; et que, si Roland a toujours ce bon appétit que nous lui connaissions, il ne m'en voudra pas de vous laisser faire, à lui et à milord, les honneurs de la maison, en songeant que je m'occupe des détails peu poétiques, mais très appréciés par lui du ménage.
Et laissant, en effet, sa mère faire les honneurs de la maison, Amélie rentra pour réveiller les femmes de chambre et le domestique, laissant dans l'esprit de sir John cette espèce de souvenir féerique que laisserait, dans celui d'un touriste descendant les bords du Rhin, l'apparition de la Lorély debout sur son rocher, sa lyre à la main et laissant flotter au vent de la nuit l'or fluide de ses cheveux!
Pendant ce temps, Morgan remontait à cheval, reprenant au grand galop le chemin de la chartreuse, s'arrêtant devant la porte, tirant un carnet de sa poche, et écrivant sur une feuille de ce carnet quelques lignes au crayon, qu'il roulait et faisait passer d'un côté à l'autre de la serrure, sans prendre le temps de descendre de son cheval.
Puis, piquant des deux et se courbant sur la crinière du noble animal, il disparaissait dans la forêt, rapide et mystérieux comme Faust se rendant à la montagne du sabbat.
Les trois lignes qu'il avait écrites étaient celles-ci:
«Louis de Montrevel, aide de camp du général Bonaparte, est arrivé cette nuit au château des Noires-Fontaines.
«Garde à vous, compagnons de Jéhu!»
Mais, tout en prévenant ses amis de se garder de Louis de Montrevel, Morgan avait tracé une croix au-dessus de son nom, ce qui voulait dire que, quelque chose qu'il arrivât, le jeune officier devait leur être sacré.
Chaque compagnon de Jéhu pouvait sauvegarder un ami sans avoir besoin de rendre compte des motifs qui le faisaient agir ainsi.
Morgan usait de son privilège: il sauvegardait le frère d'amitié.
XI – LE CHÂTEAU DES NOIRES – FONTAINES
Le château des Noires-Fontaines, où nous venons de conduire deux des principaux personnages de cette histoire, était situé dans une des plus charmantes situations de la vallée, ou s'élève la ville de Bourg.
Son parc, de cinq ou six arpents, planté d'arbres