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que l'histoire n'est pas bonne, marquis? Hein! quel malheur que ce pauvre marquis de Parabère ait eu la sottise de mourir avant le dénouement!

      Comme il eût été vengé du tour que nous lui avons joué!

      – Chevalier, dit en ce moment à l'oreille de d'Harmental une voix douce et flûtée, tandis qu'une petite main se posait sur son bras, quand vous aurez fini avec monsieur de Richelieu, je réclame mon tour.

      – Excusez, monsieur le duc, dit le chevalier, mais vous voyez qu'on m'enlève.

      – Je vous laisse aller, mais à une condition.

      – Laquelle?

      – C'est que vous raconterez mon histoire à cette charmante chauve-souris, en la chargeant de la redire à tous les oiseaux de nuit de sa connaissance.

      – J'ai bien peur, répondit d'Harmental, de n'en avoir pas le temps.

      – Oh! alors, tant mieux pour vous, reprit le duc en lâchant le chevalier, qu'il avait retenu jusque-là par son habit, car vous aurez en ce cas quelque chose de mieux à dire.

      Et il tourna sur ses talons pour prendre lui-même le bras d'un domino qui, en passant, venait de lui faire compliment sur son aventure.

      Le chevalier d'Harmental jeta un coup d'œil rapide sur le masque qui venait de l'accoster, afin de s'assurer si c'était bien celui qui lui avait donné rendez-vous, et il reconnut sur son épaule gauche le ruban violet qui devait lui servir de signe de ralliement. Il s'empressa donc de s'éloigner de Canillac et de Richelieu, afin de n'être point interrompu dans sa conversation qui, selon toute probabilité, devait être pour lui de quelque intérêt.

      L'inconnue, qui au son de sa voix avait trahi son sexe, était de moyenne stature, et, autant qu'on en pouvait juger à l'élasticité et à la souplesse de ses mouvements, paraissait être une jeune femme. Quant à sa taille, à sa tournure, à tout ce que l'œil observateur a tant intérêt à découvrir en pareil cas, il était inutile de s'en occuper, vu le peu de résultat que promettait cette étude. En effet, comme l'avait déjà indiqué monsieur de Richelieu, elle avait adopté de tous les costumes celui qui était le plus propre à dissimuler ou les grâces ou les défauts. Elle était vêtue en chauve-souris, costume fort en usage à cette époque, et d'autant plus commode qu'il était d'une simplicité parfaite, se composant simplement de la réunion de deux jupons noirs. La manière de les employer était à la portée de tout le monde: on serrait l'un, comme d'habitude, autour de sa ceinture; on passait sa tête masquée par la fente de la poche de l'autre; on rabattait le devant, dont on faisait deux ailes; on relevait le derrière, dont on faisait deux cornes, et l'on avait la presque certitude de damner son interlocuteur, qui ne vous reconnaissait, empaqueté ainsi, que lorsqu'on y mettait une extrême bonne volonté.

      Le chevalier fit toutes ces remarques en moins de temps qu'il ne nous en a fallu pour décrire un tel costume; mais n'ayant aucune idée de la personne à laquelle il avait affaire et croyant qu'il s'agissait tout bonnement de quelque intrigue amoureuse, il hésitait à lui adresser la parole, lorsque, tournant la tête de son côté:

      – Chevalier, lui dit le masque sans prendre la peine de déguiser sa voix, dans la certitude sans doute que sa voix lui était inconnue, savez-vous bien que je vous ai une double reconnaissance d'être venu, surtout dans la situation d'esprit où vous êtes? Il est malheureux que je ne puisse en conscience attribuer une pareille exactitude qu'à la curiosité.

      – Beau masque, reprit d'Harmental, ne m'avez-vous pas dit dans votre lettre que vous étiez un bon génie? Or, si réellement vous participez d'une nature supérieure le passé, le présent et l'avenir doivent vous être connus; vous saviez donc que je viendrais, et, puisque vous le saviez, ma venue ne doit donc pas vous étonner.

      – Hélas! répondit l'inconnue, que l'on voit bien que vous êtes un faible mortel, et que vous avez le bonheur de ne vous être jamais élevé au-dessus de votre sphère! autrement vous sauriez que si nous connaissons comme vous le dites, le passé, le présent et l'avenir, cette science est muette en ce qui nous regarde, et ce sont les choses que nous désirons le plus qui restent plongées pour nous dans la plus grande obscurité.

      – Diable! répondit d'Harmental, savez-vous, monsieur le génie, que vous allez me rendre bien fat si vous continuez de ce ton-là? Car, prenez-y garde, vous m'avez dit, ou à peu près, que vous aviez grand désir que je vinsse à votre rendez-vous.

      – Je croyais ne rien vous apprendre de nouveau, chevalier, et il me semblait que ma lettre, sous le rapport du désir que j'avais de vous voir, ne devait vous laisser aucun doute.

      – Ce désir, que je n'admets au reste que parce que vous l'avouez et que je suis trop galant pour vous donner un démenti, ne vous a-t-il pas fait promettre dans cette lettre plus qu'il n'est en votre pouvoir de tenir?

      – Faites l'épreuve de ma science, elle vous donnera la mesure de mon pouvoir.

      – Oh! mon Dieu! je me bornerai à la chose la plus simple. Vous savez, dites-vous, le passé, le présent et l'avenir; dites-moi ma bonne aventure.

      – Rien de plus facile: donnez-moi votre main.

      D'Harmental fit ce qu'on lui demandait.

      – Sire chevalier, dit l'inconnue après un instant d'examen, je vois fort lisiblement écrits, par la direction de l'adducteur et par la disposition des fibres longitudinales de l'aponévrose palmaire, cinq mots dans lesquels est renfermée toute l'histoire de votre vie; ces mots sont: courage, ambition, désappointement, amour et trahison.

      – Peste! interrompit le chevalier, je ne savais pas que les génies étudiassent si à fond l'anatomie et fussent obligés de prendre leurs licences comme un bachelier de Salamanque!

      – Les génies savent tout ce que les hommes savent et bien d'autres choses encore, chevalier.

      – Eh bien! que veulent dire ces mots à la fois si sonores et si opposés, et que vous apprennent-ils de moi dans le passé, mon très savant génie?

      – Ils m'apprennent que c'est par votre courage seul que vous avez acquis le grade de colonel que vous occupiez dans l'armée de Flandre; que ce grade avait éveillé votre ambition; que cette ambition a été suivie d'un désappointement, et que vous avez cru vous consoler de ce désappointement par l'amour; mais que l'amour, comme la fortune, étant sujet à la trahison, vous avez été trahi.

      – Pas mal, dit le chevalier, et la sibylle de Cumes ne s'en serait pas mieux tirée. Un peu de vague, comme dans tous les horoscopes; mais du reste, un grand fond de vérité. Passons au présent, beau masque.

      – Le présent! chevalier! Parlons-en tout bas, car il sent terriblement la Bastille!

      Le chevalier tressaillit malgré lui car il croyait que nul, excepté les acteurs qui y avaient joué un rôle, ne pouvait connaître son aventure, du matin.

      – Il y a à cette heure, continua l'inconnue, deux braves gentilshommes couchés fort tristement dans leur lit tandis que nous bavardons gaiement au bal; et cela, parce que certain chevalier d'Harmental, grand écouteur aux portes, ne s'est pas souvenu d'un hémistiche de Virgile.

      – Et quel est cet hémistiche? demanda le chevalier de plus en plus étonné.

      – Facilis descensus Averni, dit en riant la chauve-souris.

      – Mon cher génie! s'écria le chevalier en plongeant ses regards à travers les ouvertures du masque de l'inconnue, voici, permettez-moi de vous le dire, une citation tant soit peu masculine.

      – Ne savez-vous pas que les génies sont des deux sexes?

      – Oui, mais je n'avais pas entendu dire qu'ils citassent si couramment l' Énéide.

      – La citation n'est-elle pas juste? Vous me parlez de la sibylle de Cumes, je vous réponds dans sa langue; vous me demandez du positif, je vous en donne; mais vous autres mortels, vous n'êtes jamais satisfaits.

      – Non, car j'avoue que cette science du passé et du présent m'inspire une terrible envie de connaître l'avenir.

      – Il

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