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Le notaire de Chantilly. Gozlan Léon
Читать онлайн.Название Le notaire de Chantilly
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Gozlan Léon
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Les protestations de désintéressement allaient leur train, en attendant Maurice dont il était parfois difficile d'admettre l'opportunité au milieu de tant d'honnêtes gens, lorsqu'un homme, qui ouvrait et fermait de temps à autre un livre de prières, d'où pendaient des nœuds et des rubans fanés, se leva et vint se placer entre deux villageois qui exposaient, avec la bonne foi précitée, les conditions de leur marché à conclure.
– Ah çà! mes amis, permettez-moi deux mots.
– Quatre, monsieur le curé.
– Toi, Valentin, tu vends ta récolte prochaine; toi, Gaspard, tu la lui achètes.
– Tout juste, monsieur le curé; vous savez ça de la tête à la queue, comme dit l'autre.
– Il est venu à mes oreilles, là, dans mon coin, où je vous ai entendus, sans chercher à vous écouter, que le prix de la récolte était cinq cents francs; les frais de vente à la charge à tous deux. Vous arrivez l'un et l'autre d'Écouen, n'est-ce pas?
– Oui, monsieur le curé, et prêts à y retourner, affaire faite.
– Bien! calculons: le voyage d'Écouen et retour, le déjeuner à Champlâtreux, l'air y est bon, le vin meilleur; – la journée à Chantilly, – journée de travail perdue pour tous deux: – c'est douze francs au moins: dix francs de contrat au notaire; – vingt-deux: à déduire de cinq cents francs, valeur de la récolte vendue, reste à quatre cent soixante-dix-huit; sur laquelle différence de vingt-deux francs, tu perds, toi, onze francs; toi, onze francs. Voulez-vous suivre mon conseil, mes amis? Valentin, mets ta main dans celle de Gaspard, – marché conclu: – toi, Gaspard, offre à Valentin une place sur l'âne que tu as acheté ce matin à Gouvieux, et partez tous deux pour Écouen: rebuvez un coup à Champlâtreux. Bon voyage! C'est vingt-deux francs que je vous remets dans la poche: est-ce dit?
– Monsieur le curé, nous sommes tous mortels.
– Sans doute, Valentin, mais vous êtes de braves gens, deux amis; à quoi bon ce papier? Irez-vous jamais, l'un ou l'autre, réclamer autre chose que l'argent ou la récolte, marché conclu sur l'honneur?
– Non, mais on peut passer d'un moment à l'autre: les enfants sont là.
– Mais, Gaspard, vos enfants ont connaissance du marché; tout Écouen aussi. Croyez-moi, soyez confiants, on le sera après vous.
– Pas possible, monsieur le curé, nous sommes sujets à mourir.
Le curé se retira en soupirant et reprit sa place et sa lecture dans le coin du mur.
Tous les clients se levèrent.
Maurice entrait. Des pressions de mains l'étouffèrent, le vent des chapeaux, agités par de violents saluts, faillit le renverser.
Maurice avait adopté la méthode ministérielle de recevoir debout, d'entamer la discussion à la cheminée pour la finir à la porte, dont il avait soin de toucher le bouton quand il jugeait être assez éclairé sur la question.
Il se servait en outre de la formule interrogative, par une précaution indispensable envers des gens toujours disposés à faire la généalogie de leurs affaires.
– Vous, monsieur Grandménil?
– J'apporte, monsieur Maurice, dix mille francs pour les placer sur première hypothèque.
– Passez à la caisse; versez: j'ai votre affaire. Toi, Robinson?
– Moi, monsieur Maurice, je voudrais devenir acquéreur d'un des lots de la propriété de la Garenne, entre Morfontaine et Saint-Leu.
– De quel lot?
– Du parc, monsieur Maurice.
– La mise à prix est de quarante-cinq mille francs, mon garçon.
– J'en déposerai chez vous quatre-vingt mille, et vous pousserez pour moi. Je pars pour l'Auvergne. – Si vous manquiez de fonds, écrivez à ma femme.
– Bien, Robinson. Et vous père Renard?
– Nous nous faisons vieux, monsieur Maurice.
– Je comprends: vous voudriez la rente viagère. Qu'abandonneriez-vous, père Renard?
– Dame! mes trois maisons de Pont-Saint-Maxence, ma petite carrière de Gouvieux, et mes deux moulins de Quoy.
– Et vous demanderiez?
– Six mille livres de revenus, ma vie durant.
– Ce n'est pas impossible, père Renard; votre âge?
– Soixante-deux ans: du reste, je vous apporte mon extrait de naissance et mes titres de propriété.
– Revenez dans la quinzaine, père Renard, entendez-vous? j'aurai à vous parler.
– Moi, monsieur Maurice…
– Ah! bonjour, Pierrefonds; les loups ne t'ont pas mangé, mon vacher? Qu'est-ce qui me vaut ta visite?
– Ma foi, vous feriez bien de me le dire, monsieur Maurice; en route, et comme je venais, chassant devant moi mon âne, sauf votre respect, j'ai ramassé une baguette de chêne, – on a mal à voir comme le vent les abat, – à cette occasion je me suis proposé de vous demander si de mon héritage, qui est de cent trente-trois mille francs, comme vous savez, je ferais mieux d'acheter la pièce de bois du vieux Guillaume, en plein rapport depuis deux ans, tout chêne de haute futaie: pas un pouce de jour; ou bien – voilà que j'ai vu sauter trois carpes; dieu de dieu! quelles carpes! – ou bien les étangs de Burigny; sauf votre respect, c'est assez l'avis de ma femme. Ce diable d'âne, comme je vous disais, s'est mis à manger de la luzerne, – c'est un bon commerce, monsieur Maurice! si j'en achetais quelque cent arpens, que j'ai pensé? il faut bien que je place cet argent quelque part. – Bonjour, monsieur Smith! que j'ai dit à M. Smith, qui m'a répondu sur ces entrefaites: Bonjour, Pierrefonds. M. Smith est ce brave homme qui a empesté le pays de fumée, le mécanicien qui construit des chaudières où il cuit du fer. J'avais pas plutôt marché quatre pas que j'ai dit: Conclu! Touche là, Pierrefonds, j'aurai une usine. Je mets mon argent là. Pensons plus à rien. Ah! oui; il y avait un séchoir de laine à traverser, et, sauf votre respect, je n'ai jamais vu de plus belle laine, et alors, tout naturellement, j'ai pensé que je ne saurais mieux placer mon argent que dans le plâtre; ou bien… Ma foi, votre serviteur, prenez-moi cet argent, et disposez-en comme vous l'entendrez, monsieur Maurice: dans dix ans je vous en demanderai compte. S'il a poussé, tant mieux! nous récolterons; s'il est mort en terre, eh bien! il n'y aura pas eu de votre faute ni de la mienne, la graine était mauvaise.
– Nous tâcherons d'être prudent, Pierrefonds; puisque la fortune est venue, elle restera. Nous allons d'abord nous occuper d'un solide placement. Plus tard, je t'écrirai pour te marquer l'emploi le plus avantageux que j'aurai trouvé à ton argent. En attendant, je vais te délivrer un reçu de tout, mon ami.
– Pas de ça! monsieur Maurice, pas de ça: c'est de la défiance. Tous les reçus du monde ne valent pas votre probité, sauf votre respect. Adieu, monsieur Maurice; je suis un peu pressé, je pars. J'ai encore deux sacs d'avoine à acheter au marché. Portez-vous bien. A propos, j'oubliais de vous remettre l'argent. Voilà trente mille francs en or, cinquante mille en papier: demain, le valet de ferme, en venant chercher votre fumier, apportera le reste. Salut, monsieur Maurice.
Pierrefonds sort.
Il revient aussitôt sur ses pas.
– Gardez-vous bien, au moins, monsieur Maurice, cria-t-il en passant sa tête entre les deux battants de la porte, de donner le pourboire au valet: ceci me regarde.
– Mille pardons, monsieur, dit Maurice