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Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II. Gozlan Léon
Читать онлайн.Название Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II
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isbn
Автор произведения Gozlan Léon
Жанр Книги о Путешествиях
Издательство Public Domain
Elle avait le sourire fermé, quoiqu’elle eût la bouche grande; ceux qui l’aimaient l’aimaient ainsi: mais ses rivales, et Bussy, l'écho de toutes les jalousies, ont attribué à l’irrégularité de ses dents le soin qu’elle eut toute sa vie de ne jamais les montrer. A cette précaution, il faut rapporter sans doute la discrétion de ses paroles. Sa taille était petite, mais élégante et flexible. Elle resta toujours enfant; gracieuse enfant qui aima trop tôt pour vivre. Singulier reproche! et que ne mérita jamais madame de Montespan: on reprocha à mademoiselle de la Vallière d'être complètement privée de formes: comme si les charmes d’une femme étaient ailleurs que dans l’opinion de celui qui l’aime! Et combien ne faut-il pas être plus difficilement belle, ainsi que le fut mademoiselle de la Vallière, pour se faire aimer par des causes qui ne s’altèrent jamais, dût la petite-vérole dans son vol gâter un noble visage! mademoiselle de la Vallière était marquée de petite-vérole.
Elle aima! Quel plus bel éloge peut-on écrire du cœur d’une femme qui s’attacha, non au fils d’Anne d’Autriche, mais à Louis-Dieudonné; non à Louis XIV, vainqueur du Rhin et de la Meuse, mais au jeune homme, tremblant sous la tutelle de sa mère, n’osant demander mille pistoles à son surintendant, humble devant son confesseur; non au roi, chargé de lauriers et de diamans, faisant agenouiller des ambassadeurs du pape, des doges de la sérénissime république, recevant assis et couvert des représentans du roi de Siam, mais au beau cavalier à la bouche rouge, aux cheveux presque noirs, grand, infatigable, courageux, adorant toutes les femmes, mais n’en aimant qu’une, elle!
Louis XIV se peint dans ses maîtresses, et surtout dans les trois qui, plus particulièrement, disputèrent son cœur.
Est-il plein de sève, d’entraînement, de cette galanterie chevaleresque de la fronde, un peu espagnole, très-fière, mettant du point d’honneur dans l’amour? il aime mademoiselle de la Vallière.
La Mancini ne fut qu’une révélation soudaine qui apprit à Louis XIV qu’il y avait des femmes.
A-t-il passé cet âge, qui passe aussi pour les rois, est-il entré dans la vie, cette route pavée et sans ombre, qu’il lui faut des amours faciles et commodes, payés avec rien, avec de l’or: il aime madame de Montespan, une belle femme qui ne boite pas, qui a de gros bras, de fortes épaules, qui perd 500,000 livres au jeu de Marly chaque mois, qui accouche en riant et qui accouche toujours.
Épuisé d’esprit et de corps, capable d’apprendre sans émotion que mademoiselle de la Vallière est morte au monde à trente-un ans dans une cellule des Carmélites, et que madame de Montespan a passé ses épaules et ses bras à quelques ducs, il se tourne enfin vers la religion, il se jette dans le sein de madame de Maintenon, et y meurt. Ainsi Louis XIV pourra dater, en expirant, de son règne le soixante-sixième, et de sa maîtresse la troisième.
Triste parodie de ses maîtresses, ces deux hommes, qui marchent côte à côte du roi, l’accompagneront aussi toute sa vie: à sa table, pour applaudir pendant plus d’un demi-siècle à toutes ses paroles; à l'église, pour déposer qu’il est dévot, ou pour qu’il témoigne qu’eux le sont; à la guerre, assez près de lui pour ne pas craindre d'être blessés, ou assez loin de lui pour laisser croire qu’il court de grands dangers; à son lit, l’un pour en chasser la femme légitime, l’autre pour y introduire la maîtresse en faveur; et presque à son convoi funèbre, celui-ci pour dire: Le roi est mort! celui-là pour crier: Vive le roi!
Ces deux hommes s’abdiqueront dans Louis XIV; ils vivront de ses joies et de ses douleurs. S’il est gai, ils riront; s’il pleure, ils trouveront des larmes. Lui jeune, ils seront jeunes; lui vieux, ils se courberont, ils auront des rides; et si Louis XIV perd ses dents, ils trouveront le secret de n’en plus avoir. L’un n’aura commis qu’une inconvenance, celle de mourir avant le roi; l’autre n’aura pris qu’une liberté, celle de mourir après.
Voyez! Louis XIV sera destiné à survivre à tous ceux qu’il aura élevés ou abattus, ministres ou maréchaux, grands peintres ou célèbres poètes; à ceux qui sont nés avant lui, à ceux qui seront nés depuis lui, à tous ses parens, à son frère, à sa belle-sœur, à ses héritiers, hormis un seul, parce qu’il est passé en chose jugée qu’en France celui-là ne meurt pas; à presque tous ses bâtards, morts jusqu'à trois par trois dans un mois, avec la rapidité qu’il les fit; à toutes ses maîtresses, aux plus vieilles comme aux plus jeunes; même à ses monumens; à Fontainebleau, désert dans sa vieillesse; à Saint-Germain, s'écroulant sous le poids des dorures; à Versailles, où l’eau aura cessé de descendre; à Marly, où elle aura cessé de monter; il sera sur le point de survivre à la monarchie. Seulement deux hermaphrodites lui resteront, deux caricatures de maréchaux et de ministres, deux grimaces éternellement complaisantes, deux rires implacables, deux magots de la Chine remuant et souriant aux deux coins du logis, quoi qu’il arrive; deux squelettes impérissables, deux courtisans embaumés et vivans, deux flambeaux pour toutes ses amours, deux cyprès pour sa tombe: l’un le duc de Saint-Aignan, l’autre le marquis de Dangeau.
Ils sont là tous les deux.
Un coup de canon fut tiré de l’esplanade du château.
A ce signal, les eaux devaient partir.
Elles partent.
Jamais merveille de ce genre n’avait frappé la cour. Pour concevoir cet étonnement, oublions les chefs-d'œuvre de bronze et de fonte des frères Keller des jardins de Versailles et de Saint-Cloud: Saint-Cloud et Versailles n’existaient pas; l’hydraulique était inconnue en France.
Les eaux partent, et ces bassins, tranquilles il n’y a qu’un instant, remuent, montent, bouillonnent. Cent trente-trois jets d’eau jaillissent à perte de vue; ils retombent en brouillard humide nuancé des couleurs du prisme. Autant de figurations mythologiques en fonte déroulent en pages liquides les métamorphoses d’Ovide. Voilà Pan, voilà Syrinx; ici les satyres aux genoux de la nymphe qui les dédaigne et fuit poursuivie par le dieu Pan. Plus loin le fleuve Ladon reçoit Syrinx éplorée et la transforme en roseaux. Du milieu des roseaux des grenouilles de fer soufflent l’eau en menues gerbes. Le poème aquatique finit là. Les trois unités sont respectées sous l’eau comme sur la terre. Neptune reconnaît Aristote.
Autres bassins, autres merveilles.
Admirez Prométhée en perruque limoneuse, qui, avec de l’eau et de la terre, fait un homme. La terre, c’est un morceau de cuivre; l’homme, c’est Louis XIV portant le sceptre. Du sceptre part un vigoureux jet d’eau. Louis XIV a la bonté de se reconnaître et de sourire.
Après la fable, l’allégorie.
Jupiter, emblème de la puissance, enlève Europe dans Ovide; à Vaux, il enlève la Hollande. C’est une grosse femme aux pieds de laquelle on a gravé Batavia. Jupiter, c’est encore Louis XIV.
Laissons dire encore mademoiselle Scudéry: «On voit un abîme d’eau au milieu duquel, par les conseils de Méléandre (Lebrun), on a mis une figure de Galathée avec un cyclope qui joue de la cornemuse et divers tritons tout alentour. Toutes ces figures jettent de l’eau et font un très-bel objet. Mais ce qu’il y a de très-agréable, c’est que toute cette grande étendue d’eau est couverte de petites barques peintes et dorées, et que de là on entre dans le canal.»
Au tour de l’apologue maintenant. Un monstrueux lion de fer qui rugit de l’eau, caresse de l’une de ses pattes un petit écureuil, tandis que de l’autre il presse et retient une couleuvre. L'écureuil, c’est Fouquet, son symbole héraldique; la couleuvre, Colbert;